(2ème Chambre)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 4 août et 27 octobre 1994, présentés pour Mme Y... dite "Jacky A..." demeurant ... par Me d'B..., avocat ; Mme Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9009645/2 du 9 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des amendes, égales au montant des retenues à la source non opérées, auxquelles elle a été assujettie en application de l'article 1768 du code général des impôts au titre des années 1981, 1982 et 1983 dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) de prononcer la décharge desdites amendes ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 59.300 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU la convention entre la France et les Etats-Unis du 28 juillet 1967, modifiée par avenant le 17 janvier 1984 ;
VU la convention entre la France et le Danemark du 8 février 1957 ;
VU la convention entre la France et la Grande Bretagne du 22 mai 1968 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 24 avril 1997 :
- le rapport de M. LIEVRE, conseiller,
- les observations de Me D'B..., avocat, pour Mme Y...,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 19 décembre 1996, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a accordé à Mme Y... le dégrèvement de l'amende d'un montant de 264.521 F mise à sa charge au titre de l'année 1981 en application de l'article 1768 du code général des impôts ; qu'à concurrence de ce dégrèvement, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête relatives au redressement de l'année 1981 ;
Sur le surplus du litige :
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures Mme Y... conteste le montant de la retenue à la source qu'elle a opérée au titre de l'année 1981 ainsi que les amendes, égales au montant des retenues à la source non effectuées, mises à sa charge au titre des années 1982 et 1983 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 182 A du code général des impôts : "I. Les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source. II. La base de cette retenue est constituée par le montant net des sommes versées, déterminé conformément aux règles applicables en matière d'impôt sur le revenu, à l'exclusion de celles qui prévoient la déduction des frais professionnels réels. III. La retenue est calculée, pour l'année 1977, selon le tarif suivant, correspondant à une durée d'un an : Fraction des sommes soumises à retenue : - Inférieure à 20.000 F .....0 % ; - De 20.000 F à 60.000 F ... ...15 % ; - Supérieure à 60.000 F .....25 %. IV. Chacun des seuils indiqués au III varie chaque année dans la même proportion que la limite la plus proche des tranches du barème prévu à l'article 197-I" ; qu'aux termes de l'article 83-3° du même code : " ...3° La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, après défalcation des retenues visées aux 1° et 2° et des cotisations visées au 1° bis ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu ; elle est limitée à 50.900 F pour l'imposition des revenus 1982 et 1983" ; que l'article 1671 A du même code dispose que : "Les retenues prévues aux articles 182 A et 182 B sont opérées par le débiteur des sommes versées et remises à la recette des impôts accompagnées d'une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration, au plus tard le 15 du mois suivant celui du paiement. Les dispositions des articles 1768, 1771 et 1926 sont applicables à ces retenues." ; qu'enfin, aux termes de l'article 1768 du code : "Toute personne physique ou morale, toute association ou tout organisme qui s'est abstenu d'opérer les retenues de l'impôt sur le revenu prévues à l'article 1671 A ou qui, sciemment, n'a opéré que des retenues insuffisantes, est passible d'une amende égale au montant des retenues non effectuées" ;
En ce qui concerne le montant de la retenue à la source effectuée au titre de l'année 1981 :
Considérant qu'il n'est pas contesté que les cachets versés aux artistes Joan X... et Bob Z... se sont élevés respectivement à la somme de 988.377 F et de 1.853.178 F ; qu'en vertu des disposions combinées des articles 83-3 et 182 A précités du code général des impôts, Mme Y... ne pouvait déduire de ces sommes que les déductions forfaitaires plafonnées à l'exclusion des frais professionnels réels ; que si elle demande "le rétablissement de la retenue à la source qu'elle aurait dû pratiquer" et la restitution d'une somme de 24.235 F en faisant valoir qu'elle a omis de déduire les frais de production du montant brut des sommes versées aux artistes, afin de déterminer le montant net constituant la base de la retenue, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise versé au dossier, que les cachets en cause ne constitueraient pas une rémunération nette au sens des dispositions de l'article 182 A ; que le moyen ainsi invoqué doit donc, en tout état de cause, être rejeté ; que dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle a droit au reversement de la somme de 24.325 F au titre d'un trop versé de retenue à la source au titre de l'année 1981 pour les artistes Joan X... et Bob Z... ;
En ce qui concerne l'amende mise à la charge de Mme Y... pour les années 1982 et 1983 :
S'agissant du défaut de motivation de l'amende :
Considérant que Mme Y..., qui s'est abstenue d'opérer la retenue à la source prévue à l'article 1671 A du code général des impôts au titre des années en cause, est passible de l'amende prévue en pareil cas ; que cette amende est au nombre des sanctions qui doivent être motivées ; qu'il résulte de l'instruction que si les avis de mise en recouvrement émis le 28 juillet 1987, en ce qui concerne la retenue à la source des années 1982 et 1983, portent uniquement la mention de l'amende et de son montant, l'administration fiscale a fait savoir à Mme Y..., par une lettre du 12 novembre 1986, qu'elle entendait appliquer l'amende prévue à l'article 1768 du code général des impôts ; que Mme Y... ne peut utilement invoquer, dans le dernier état de ses conclusions, une doctrine administrative, dont elle ne précise d'ailleurs pas les références, et qui prévoit qu'une telle lettre ne peut être envoyée avant l'expiration d'un délai de trente jours suivant la notification de redressements, alors au surplus que cette doctrine traite de questions touchant à la procédure d'imposition qui ne peuvent pas être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale ;
S'agissant du bien-fondé de l'amende :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise figurant au dossier, que les sommes versées par Mme Y... à des artistes étrangers se produisant en France, fût-ce par l'intermédiaire de sociétés étrangères, ne correspondent pas, au moins pour partie, à des cachets versés à ces artistes et n'entrent pas ainsi dans le champ d'application des dispositions de l'article 182 A ; que si, pour apporter la preuve inverse, la requérante fait état des contrats conclus avec des sociétés de production étrangères, ces contrats, rédigés en langue étrangère et non traduits en langue française, ne mettent pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de cette affirmation ; que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, la cour n'est pas tenue de les prendre en considération au motif que l'expert en a tenu compte ;
Considérant, en second lieu, qu'aucune stipulation de l'article 15 paragraphe 1 et 5 de la convention internationale conclue entre la France et les Etats-Unis, dans sa version applicable aux années 1982 et 1983, n'exclut l'imposition en France des cachets perçus par des artistes américains pour les prestations qu'ils effectuent en France ; que l'avenant en date du 17 janvier 1984 modifiant cette convention postérieurement aux années en litige, qui n'infirme d'ailleurs pas ce principe de l'imposition en France mais se borne à y apporter une dérogation lorsque le montant des rémunérations n'excède pas une certaine somme, n'est pas applicable au présent litige ; qu'en vertu de l'article 14 de la convention passé entre la France et le Danemark les salaires versés à des artistes danois sont également imposables en France, Mme Y..., à qui incombe la charge de la preuve, n'établissant pas que ces artistes, bien qu'ils se soient produits pendant une durée inférieure à douze mois, étaient salariés d'une société danoise qui aurait continué de les rémunérer pendant leur tournée en France ; qu'enfin, en vertu des stipulations de l'article 17 de la convention passée entre la France et la Grande-Bretagne, les artistes anglais se produisant en France sont imposables en France ; que dans ces conditions Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que les conventions internationales en cause feraient obstacle à l'application des dispositions de l'article 182 A du code général des impôts et, par voie de conséquence, à celles de l'article 1768 du code général des impôts relatives à l'amende infligée en cas d'absence de retenue à la source ;
S'agissant du bien-fondé de la compensation demandée par l'administration au titre de l'année 1983 :
Considérant que l'administration, qui a retenu à tort, dans ses calculs de la base de l'amende de l'année 1983, une somme de 80.000 F correspondant à un concert annulé, demande, en application aux dispositions de l'article L.203 du livre des procédures fiscales, la compensation entre les dégrèvements reconnus justifiés et l'insuffisance constatée dans l'assiette de l'imposition, résultant de la sous-évaluation, à hauteur de 621.702 F, des cachets versés, au titre de la même année, à l'artiste Joan X... ; que la circonstance que, pour déterminer le montant de cette sous-évaluation, l'administration n'ait pas tenu compte de la réduction de la base imposable de 50 % admise lors du calcul de l'amende est à cet égard sans influence sur le bien-fondé de la demande de compensation, compte tenu de l'importance des cachets qui n'ont pas été pris en considération ; qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de compensation présentée par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande relative aux amendes mises à sa charge au titre des années 1982 et 1983 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme Y... et de condamner l'Etat à payer à Mme Y... une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de la somme de 264.521 F correspondant au dégrèvement de l'amende prononcé au titre de l'année 1981.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.