(1ère chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 mars 1995, présentée par M. Bernard X..., demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9400075 du 11 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Papeete a annulé l'article 2 de l'arrêté n 96/PR du 3 mars 1994 du président du Gouvernement de Polynésie française et a rejeté le surplus de ses conclusions dirigé contre l'article 1er du même arrêté ;
2 ) d'annuler l'arrêté du 3 mars 1994 précité pour excès de pouvoir ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
VU la loi n 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée portant statut du Territoire de la Polynésie française ;
VU le décret n 85-896 du 16 septembre 1985 ;
VU le décret n 90-675 du 18 juillet 1990 ;
VU la convention n 88-003 du 11 mars 1988 sur l'éducation en Polynésie française ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 1997 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- et les conclusions de M. LIBERT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X..., inspecteur de l'éducation nationale, a été détaché, par un arrêté du ministre de l'éducation nationale en date du 31 juillet 1991, auprès du ministre des départements et territoires d'outre-mer en vue d'exercer ses fonctions, du 11 août 1991 au 10 février 1995, dans la circonscription pédagogique des îles Sous-le-Vent, en Polynésie française ; que par un arrêté rectificatif du 7 mars 1994, le ministre de l'éducation nationale a placé l'intéressé, à compter du 11 avril 1991, en détachement auprès du Territoire de la Polynésie française ; que, par un arrêté n 96/PR du 3 mars 1994, le président du Gouvernement de la Polynésie française a, par son article 1er, mis fin aux fonctions de M. X... à compter du 12 mars 1994 et, par son article 2, l'a placé en congé administratif à partir du 13 mars 1994 ; que, saisi par l'intéressé d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Papeete, après avoir annulé son article 2, a rejeté le surplus des conclusions de la demande ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R.211 ... Dans ... les territoires de la Polynésie française ... le délai d'appel est porté à trois mois." ; que l'article R.230 du même code dispose : "Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s'ajoutent aux délais prévus ci-dessus.", et qu'aux termes de l'article 643 du nouveau code de procédure civile : "Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais ... d'appel ... sont augmentés de : 1. Un mois pour les personnes qui demeurent ... dans un territoire d'outre-mer." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis d'accusé de réception de la notification du jugement attaqué, que cette notification a été faite à M. X... à Uturoa, en Polynésie française, le 16 novembre 1994 ; que la requête de M. X... a été enregistrée au greffe de la cour le 15 mars 1995, soit avant l'expiration du délai de quatre mois qui lui était imparti pour faire appel par les dispositions combinées précitées ; qu'ainsi elle n'est pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par le président du Gouvernement du Territoire de Polynésie française doit, en conséquence, être rejetée ;
Au fond :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant que le président du Gouvernement du territoire de Polynésie française justifie sa décision du 3 mars 1994 par un motif tiré du défaut de loyauté dont M. X... aurait fait preuve envers l'administration territoriale et de la perte de confiance qui en est résultée à son égard ; qu'en réalité, il ressort des pièces du dossier que cette autorité a entendu retenir à l'encontre de l'intéressé le fait d'avoir adressé au Haut-commissaire de la République dans le territoire une lettre en date du 17 janvier 1994, relative à ses pouvoirs hiérarchiques à l'égard d'un instituteur, directeur d'une école primaire située dans sa circonscription des îles Sous-le-Vent, dont la mutation d'office, décidée par le territoire, avait été annulée par un jugement du tribunal administratif de Papeete du 30 décembre 1993, confirmé ultérieurement par un arrêt définitif du 20 juin 1995 de la présente cour ; que si cette lettre ne tenait pas compte à tort, comme M. X... l'a d'ailleurs reconnu, des relations hiérarchiques propres au personnel d'inspection de l'enseignement primaire en Polynésie française, elle ne comportait aucun élément de nature à caractériser un comportement déloyal du requérant envers le Gouvernement du Territoire ; que, dans ces conditions, la mesure prise à l'encontre de M. X... apparaît comme ayant eu pour motif réel la poursuite par le Territoire de l'action administrative illégale censurée par les décisions juridictionnelles précitées et doit, par suite, être regardée comme entachée de détournement de pouvoir ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 1er de la décision du 3 mars 1994 ;
Sur l'appel incident :
Considérant que l'article 2 de la décision du 3 mars 1994 ne se justifie que par la mesure prise par son article 1er ; que ce dernier étant jugé illégal et annulé par le présent arrêt, il est lui-même entaché d'illégalité ; que, dès lors, le président du Gouvernement du territoire de Polynésie française n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete en a prononcé l'annulation ;
Article 1er : L'article 2 du jugement n 9400075 du 11 octobre 1994 du tribunal administratif de Papeete est annulé, ensemble l'article 1er de la décision du 3 mars 1994 du président du Gouvernement du territoire de la Polynésie française.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. X... et les conclusions incidentes du président du Gouvernement du territoire de la Polynésie Française sont rejetés.