Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 avril 1994, présentée pour M. Antoine Y..., demeurant ... à la Varenne-Saint-Hilaire (94210), par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 69692/5, 8803471/5 et 9008237/5 du 5 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet opposées à ses demandes des 9 avril 1986, 7 avril 1988 et 28 septembre 1990 sollicitant le bénéfice des dispositions des articles 1 et 3 de la loi n 82-1021 du 3 décembre 1982 modifiée et de l'article 24-5 de la loi du 16 juillet 1974 ;
2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu les lois n 66-396 du 17 juin 1966, 66-409 du 18 juin 1966, 68-697 du 31 juillet 1968 modifiée, 74-643 du 16 juillet 1974, 82-1021 du 3 décembre 1982 et 87-503 du 8 juillet 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 1997 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller ;
- et les conclusions de M. LIBERT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. Y... a été condamné, par un arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 24 juin 1964, à une amende de 3.000 F à raison du délit d'offense publique au président de la République constitué par la parution, au mois de juillet 1963, dans une publication dont il était le directeur gérant, d'une caricature du chef de l'Etat en relation avec des faits trouvant leur origine dans les événements d'Algérie ; que M. Y... a été révoqué sans suspension de ses droits à pension, à raison des mêmes faits, à compter du 20 août 1965 ; que, par trois demandes du 9 avril 1986, du 8 octobre 1987 et du 9 avril 1990, l'intéressé a sollicité, pour les deux premières, le bénéfice des dispositions des articles 1 et 3 de la loi du 3 décembre 1982 et, pour la dernière, celui des dispositions de l'article 24 de la loi du 16 juillet 1974, relatifs aux pensions des personnes amnistiées ; que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses trois requêtes dirigées contre les refus implicites opposés à ces demandes, au motif que M. Y..., amnistié par la loi du 18 juin 1966, ne pouvait prétendre bénéficier de ces dispositions ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 9 de la loi susvisée du 18 juin 1966 : Sont, en outre, amnistiées les infractions commises avant le 8 janvier 1966 qui sont ... punies, à titre définitif : ... c) de peines d'amende." ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 31 juillet 1968 dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi susvisée du 16 juillet 1974 : " ... l'amnistie ... entraîne de plein droit : ... 5 La réintégration, à la date du 27 mai 1974, dans les grades civils et militaires, sans reconstitution de carrière, et l'admission simultanée à la retraite. Les droits à la retraite seront déterminés selon les règles fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat, avec la possibilité pour les intéressés, lorsqu'ils ne justifient pas, du fait les condamnations amnistiées, du nombre d'années de service nécessaires à l'octroi d'une pension, de racheter celles qui manquent" ; que l'article 12 de la même loi, dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi du 8 juillet 1987 relative à certaines situations résultant des événements d'Afrique du Nord dispose : "Sont amnistiées les infractions et les faits constitutifs de fautes disciplinaires et professionnelles commis, avant l'entrée en vigueur de la loi n 74-643 du 16 juillet 1974 portant amnistie, à l'occasion ou à la suite des événements d'Afrique du Nord et s'y rattachant directement ou indirectement." ; qu'enfin aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 3 décembre 1982 : "Par dérogation aux dispositions des articles L.5 et L.11 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les anciens fonctionnaires ... radiés des cadres à la suite de condamnations ou sanctions amnistiées en application des lois ... n 68-697 du 31 juillet 1968, et relevant du 5 de l'article 4 de cette dernière loi, modifié par l'article 24 de la loi n 74-643 du 16 juillet 1974 ... pourront, sur demande, bénéficier de la prise en compte pour la retraite des amnistiés correspondant à la période comprise entre la radiation des cadres et ... la limite d'âge du grade détenu ou de l'emploi occupé au moment de cette radiation ..." ;
Considérant qu'il se déduit de l'ensemble de ces dispositions législatives considérées que si l'infraction commise par M. Y... a été amnistiée par la loi générale d'amnistie du 18 juin 1966, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'il bénéficie des effets plus favorables de la loi du 31 juillet 1968 portant amnistie des infractions commises à l'occasion ou à la suite des événements d'Afrique du Nord et s'y rattachant directement ou indirectement, telle que modifiée par les lois du 27 mars 1974 et du 8 juillet 1987 ; qu'ainsi, M. Y..., qui ne comptait que 14 ans 6 mois et 29 jours de service le 20 août 1965, date de sa radiation, est en droit de bénéficier, en matière de pension de retraite, des dispositions du 5 de l'article 4 modifié de la loi du 31 décembre 1968 et de celles de l'article 1er de la loi du 3 décembre 1982 ; que, dès lors, s'il ne peut se plaindre du rejet de sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 9 avril 1986, née antérieurement à l'intervention de la loi du 8 juillet 1987, il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet opposées à ses demandes du 7 avril 1988 et du 28 septembre 1990 sollicitant le bénéfice de ces dispositions ;
Article 1er : Le jugement n 69692/5, 8803471/5 et 9008237/5 du 5 juillet 1993 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les requêtes de M. Y... dirigées contre les décisions implicites de rejet de ses demandes en date du 7 avril 1988 et du 28 septembre 1990, ensemble ces deux décisions.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.