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30/12/1996 | FRANCE | N°95PA00632

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 30 décembre 1996, 95PA00632


(3ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 mars 1995, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-DENIS, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le département demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 8909685/4 du 10 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation du ministre du travail et des affaires sociales, de la santé et de la ville à lui verser la somme de 758.290,29 F avec intérêts correspondant au prix des travaux informatiques effectués en vue du déro

ulement des élections aux conseils d'administration des organismes du...

(3ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 mars 1995, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA SEINE-DENIS, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; le département demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 8909685/4 du 10 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation du ministre du travail et des affaires sociales, de la santé et de la ville à lui verser la somme de 758.290,29 F avec intérêts correspondant au prix des travaux informatiques effectués en vue du déroulement des élections aux conseils d'administration des organismes du régime général de la sécurité sociale qui ont lieu le 19 octobre 1983, ainsi que la somme de 10.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 758.290,20 F augmentée des intérêts à compter du 22 juin 1983, avec capitalisation de ces intérêts ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil ;
VU la loi n 82-1061 du 17 décembre 1982 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 1996 :
- le rapport de M. VINCELET, conseiller ;
- et les observations du cabinet SELARL-MILAS, avocat, pour le président du conseil général de la Seine Saint-Denis,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le département, le jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif a opposé à sa demande d'indemnisation dirigée contre l'Etat la règle selon laquelle les personnes de droit public ne peuvent être condamnées à payer des sommes qu'elles ne doivent pas et a estimé que le département n'apportait pas les éléments permettant au tribunal de déterminer le montant exact de sa créance, n'a pas été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dès lors que l'argumentation développée en défense au nom de l'Etat, et qui tenait, tant au quantum de la créance du département, qu'à l'absence de justificatifs produits, a été contestée dans des conditions conformes aux exigences de la procédure contradictoire ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat :
Considérant que le DEPARTEMENT DE LA SEINE SAINT-DENIS demande la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 758.290,29 F en paiement des prestations fournies par le service informatique de cette collectivité publique en exécution d'une commande passée par le préfet par lettre du 18 mai 1983 et expressément acceptée par le président du conseil général le 24 mai suivant ;

Considérant que l'accord ainsi conclu portait sur des travaux de tirage, pour chacune des communes du département, d'une bande magnétique contenant la copie des données la concernant, et extraites d'un fichier global fourni par le ministère du travail et des affaires sociales, comportant les informations nécessaires à l'élaboration par les communes des listes électorales en vue des élections aux conseils d'administration des organismes de la sécurité sociale ; que la proposition formulée par le préfet le 18 mai 1983 annonçait une rémunération au taux de 1,20 F par électeur pour la transposition du support magnétique fourni par les services de l'Etat sur un autre support magnétique ; que, par lettre du 31 mai 1983 le préfet a demandé l'impression sur support papier des informations en cause pour certaines communes, au taux de 0,17 F + 0,40 F par électeur ; que cette prestation a également été acceptée par le département ; que ces taux de rémunération, fixés par référence aux dispositions de la circulaire ministérielle du 2 mai 1983, s'intégraient à l'accord conclu entre les deux collectivités et avaient en conséquence la valeur d'un engagement contractuel ferme pour les parties ; que toutefois, suite au refus persistant des services de l'Etat de régler la somme de 1.157.304,60 F réclamée par le département par mémoire du 22 juin 1983 en application de l'accord susvisé, la collectivité territoriale a consenti, le 28 août 1985, à réduire le montant de sa créance pour tenir compte, des difficultés budgétaires rencontrées par les services préfectoraux du fait de l'intervention de circulaires ministérielles du 26 août 1983 et du 21 décembre 1983, postérieures à la conclusion et à l'exécution du contrat, selon lesquelles les taux précédemment fixés devaient s'entendre de la rémunération de l'ensemble des traitements informatiques nécessaires à l'établissement des listes électorales, c'est à dire non seulement du changement de support demandé au service départemental de l'informatique, mais aussi de l'élaboration de programmes et de la nouvelle saisie des données effectuées directement par les communes et soumises également à remboursement par l'Etat en vertu de l'article 30 de la loi susvisée du 17 décembre 1982 ; que cette réduction du montant de la facturation des prestations effectuées par le département est intervenue, à la demande des services de l'Etat, sur la base de la moyenne nationale constatée pour la facturation de travaux analogues réalisés sur l'ensemble du territoire ; que toutefois, le règlement de la somme de 758.290,20 F résultant de cette modification contractuelle du prix convenu a été également refusé par l'Etat, qui se réfère désormais au seul coût réel des prestations ;

Considérant qu'en refusant le règlement du prix initialement convenu, puis modifié par accord contractuel, l'Etat a méconnu ses engagements à l'égard de son cocontractant ; qu'il ne peut utilement se prévaloir d'autres bases de calcul tirées soit de circulaires extérieures au contrat, et en tout état de cause postérieures à celui-ci, soit du coût réel des travaux effectués, alors que le prix de la prestation convenue présentait un caractère forfaitaire ; que l'éventuelle surestimation au contrat, même modifié, du taux de rémunération des prestations commandées au département n'est pas de nature à exonérer l'Etat du respect de ses obligations contractuelles ; que, dès lors, sa responsabilité est engagée à raison du refus de procéder au paiement des prestations dont ni la matérialité ni la conformité au marché ne sont au demeurant sérieusement contestées ;
Considérant que ledit refus est directement constitutif d'un préjudice financier pour le département, dont le montant résulte de l'application du dernier taux forfaitaire convenu au nombre d'électeurs concernés, sans qu'il y ait lieu d'exiger d'autres justificatifs ; que, par suite, le département est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 758.290,29 F ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser au DEPARTEMENT DE LA SEINE SAINT-DENIS ladite somme ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que les conclusions du département tendant à ce que les intérêts lui soient accordés sur la somme susvisée à compter du 22 juin 1983 constituent une demande partiellement nouvelle en appel, dès lors qu'en première instance le point de départ des intérêts était demandé seulement à compter du 25 août 1985 ; qu'elles sont irrecevables dans cette mesure ; qu'il y a lieu, par suite, de n'accorder les intérêts qu'à compter de cette dernière date ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 25 octobre 1989, puis à nouveau en appel le 13 mars 1995 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil il y a lieu de faire droit aux demandes de capitalisation des intérêts à ces dates ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu de condamner l'Etat, partie perdante, à payer au DEPARTEMENT DE LA SEINE SAINT-DENIS la somme de 10.000 F au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 10 juin 1994 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer au DEPARTEMENT DE LA SEINE SAINT-DENIS la somme de 758.290,29 F assortie des intérêts légaux à compter du 25 août 1985 ; les intérêts échus à la date du 25 octobre 1989 et du 13 mars 1995 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser au DEPARTEMENT DE LA SEINE SAINT-DENIS la somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions du DEPARTEMENT DE LA SEINE SAINT-DENIS est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA00632
Date de la décision : 30/12/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-05-01-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - REMUNERATION DU CO-CONTRACTANT - PRIX


Références :

Circulaire du 02 mai 1983
Circulaire du 26 août 1983
Circulaire du 21 décembre 1983
Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1, L8-1
Loi 82-1061 du 17 décembre 1982 art. 30


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. VINCELET
Rapporteur public ?: Mme HEERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-12-30;95pa00632 ?
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