(3ème Chambre) VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 juin 1995, présentée pour M. Y..., par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement du 20 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 juin 1993 par lequel le maire de Boulogne-Billancourt a accordé à la société anonyme d'habitations à loyers modérés (HLM) pour Paris et sa région l'autorisation de transférer et de modifier le permis de construire du 26 juillet 1988 prorogé par le permis du 4 juillet 1990 concernant l'édification d'un immeuble à usage d'habitations sur un terrain sis, ... et l'a condamné à verser respectivement à la commune et à la société la somme de 5.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) de condamner la commune de Boulogne-Billancourt à lui payer la somme de 10.000 F hors taxe, soit 11.800 F toutes taxes comprises au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU le code de l'urbanisme ; VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 17 décembre 1996 : - le rapport de M. HAIM, conseiller ; - les observations du cabinet TIRARD, avocat, pour la commune de Boulogne-Billancourt, et celles de Me Z..., avocat, pour la société anonyme d'habitations à loyers modérés pour Paris et sa région, - et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête de M. Y... :
Considérant que le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M. Y... comme irrecevable au motif qu'aux termes du protocole d'accord qu'il a signé le 14 mars 1990, il avait acquiescé à l'arrêté en date du 26 juillet 1988 par lequel le maire de Boulogne-Billancourt avait accordé une autorisation de construire à la société groupe Kosser et renoncé à tous recours et toutes actions à l'encontre de ladite société ;
Mais considérant que, quelle que soit l'étendue de l'engagement pris par M. Y... à l'égard des bénéficiaires successifs de l'autorisation de construire en cause et quels que soient le sens et la portée du protocole d'accord le concrétisant en date du 14 mars 1990, cet engagement et ce protocole d'accord ne pouvaient être de nature à interdire à l'intéressé l'exercice du recours pour excès de pouvoir, lequel n'a pas pour objet la défense de droits subjectifs, mais d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ; qu'ainsi, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 octobre 1994, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête comme irrecevable et, pour ce motif, à en demander l'annulation ; Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de l'acte attaqué du 15 juin 1993 : Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article R.421-32 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R.421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année" ;
Considérant qu'il résulte du rapport de M. A..., expert commis par ordonnance de référé du 12 avril 1990 que les travaux de terrassement venaient juste de commencer le 29 juillet 1991, alors qu'il avait pu constater à l'occasion d'un précédent passage, le 6 juillet 1990, l'absence d'activité sur le chantier bien que les travaux de démolition furent achevés depuis plusieurs mois ; que les constatations de l'homme de l'art sont sur ce point confortées par le constat de caducité établi le 19 juin 1992, après une visite sur place, par un agent assermenté de la direction départementale de l'équipement des Hauts-de-Seine ; qu'il est constant que ni la commune, ni le pétitionnaire, qui ne contestent pas avoir eu notification régulière dudit constat, ne l'ont pas déféré à la censure du juge administratif ; que, dès lors, ils ne sont pas recevables à exciper de l'erreur de fait dont il serait entaché, alors au surplus qu'ils ne sauraient prétendre établir l'erreur alléguée en faisant état de la démolition des bâtiments existants et de travaux de faible importance, dont la date n'est pas même établie et de comptes-rendus de chantier qui sont en l'espèce sans valeur probante compte tenu des liens existant entre les personnes
participant à la construction et le maître d'ouvrage ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le permis de construire du 26 juillet 1988 prorogé par le permis du 4 juillet 1990 était périmé lorsque le maire de Boulogne-Billancourt a, par l'arrêté attaqué du 15 juin 1993, accordé à la société anonyme d'habitations à loyers modérés pour Paris et sa région non un nouveau permis de construire, mais une autorisation de transférer et de modifier des permis de construire antérieurs ;
Considérant qu'un permis périmé ne peut pas légalement faire l'objet d'un transfert ; qu'il suit de là que M. Y... est fondé à demander l'annulation dudit arrêté du maire de Boulogne-Billancourt du 15 juin 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens : Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenus aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation"; qu'il y a lieu, par application de ces dispositions de condamner la commune de Boulogne-Billancourt à verser à M. Y... la somme de 11.860 F qu'il demande et de rejeter les prétentions des défendeurs fondées sur ces mêmes dispositions ;
Article 1er : Le jugement en date du 20 octobre 1994 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du maire de Boulogne-Billancourt du 15 juin 1993 sont annulés.
Article 2 : La commune de Boulogne-Billancourt est condamnée à verser à M. Y... la somme de 11.860 F.
Article 3 : Les conclusions reconventionnelles de la commune de Boulogne-Billancourt et de la société anonyme d'habitations à loyers modérés de Paris et sa région sont rejetées.