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17/12/1996 | FRANCE | N°95PA03022;95PA03084

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Pleniere, 17 décembre 1996, 95PA03022 et 95PA03084


( Formation plénière )
VU I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 août 1995 sous le n 95PA03022, présentée pour la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS dont le siège est à la Prée Marais de Souilly (77410) Claye-Souilly par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS demande que la cour :
1°) annule le jugement n° 94-3958 en date du 30 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, à la demande de l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature, d'une part, annulé la décision implicite pa

r laquelle le préfet de Seine-et-Marne n'a pas fait usage, à l'égard ...

( Formation plénière )
VU I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 août 1995 sous le n 95PA03022, présentée pour la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS dont le siège est à la Prée Marais de Souilly (77410) Claye-Souilly par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS demande que la cour :
1°) annule le jugement n° 94-3958 en date du 30 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, à la demande de l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature, d'une part, annulé la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne n'a pas fait usage, à l'égard de la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS, des pouvoirs de police qu'il tient de la loi n 76-663 du 19 juillet 1976, ensemble la décision tacite d'autorisation de travaux délivrée par le maire de Claye-Souilly, d'autre part, ordonné à la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS de procéder à l'arrêt immédiat de l'exploitation du dépôt de matériaux situé au lieu-dit "La Prée-Marais de Souilly" et mis cette dernière en demeure de déposer dans un délai d'un mois une demande d'autorisation au titre de la loi du 19 juillet 1976 ;
2 ) ordonne qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement ;
3 ) rejette la demande présentée par l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature devant le tribunal administratif de Versailles ;
4 ) condamne ladite association à lui verser une somme de 15.000 F au titre des frais exposés en première instance et de 12.000 F au titre des frais exposés en appel ;

VU II) la recours, enregistré au greffe de la cour le 9 août 1995 sous le n 95PA03084, présenté par le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ; le ministre demande que la cour :
1°) annule le jugement n° 94-3958 en date du 30 mai 1995 du tribunal administratif de Versailles analysé ci-dessus ;
2 ) rejette la demande présentée par l'association devant le tribunal administratif de Versailles ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, modifiée ;
VU la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, modifiée ;
VU la loi 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions modifiée ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 1996 :
- le rapport de Mme COROUGE, conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société REMBLAIS PAYSAGERS, celles de M. Z..., pour l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature et celles de Me X..., avocat, pour la commune de Claye-Souilly,
- et les conclusions de M. LIBERT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la requête de la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS et le recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation de travaux présentées par l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature devant le tribunal administratif de Versailles :
Considérant qu'aux termes de l'article R.442-8 du code de l'urbanisme : "Mention de l'autorisation d'installations et travaux divers doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d'octroi pendant au moins deux mois et pendant toute la durée du chantier si celle-ci est supérieure à deux mois ..." ; qu'aux termes de l'article A.442-2 du même code : "L'affichage de l'autorisation des installations et travaux divers sur le terrain, prévu à l'article R.442-8, alinéas 1 et 2, est assuré par les soins du bénéficiaire de cette au moins deux mois et pour toute la durée du chantier." ;
Considérant que si la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS établit avoir mis en place sur le terrain un panneau par lequel il était fait mention de l'autorisation de travaux délivrée par le maire de Claye-Souilly, ce panneau, placé à l'extrémité d'un chemin de terre, n'était pas visible de la voie publique ; que dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de rechercher si la publicité en mairie, également prescrite à l'alinéa 3 de l'article R.442-8 du code de l'urbanisme, a été correctement effectuée, l'affichage sur le terrain réalisé en méconnaissance des dispositions susreproduites n'a pas été de nature à faire courir à l'égard des tiers le délai du recours contentieux ;
Considérant que la demande que l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature a adressée le 26 février 1994 au préfet du Val-de-Marne tendant à l'annulation de la décision d'autorisation de travaux litigieuse doit être regardée comme tendant à ce que le représentant de l'Etat mette en oeuvre la procédure prévue à l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 susvisée ; que, formée dans le délai de recours contentieux, elle a eu pour effet de proroger ce dernier jusqu'à l'intervention, le 26 juin 1994, de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée ; que, par suite la requête de l'association, enregistrée le 14 août 1994 au greffe du tribunal administratif de Versailles, n'était pas tardive ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 2 du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R.442-2 du code de l'urbanisme : "Dans les communes ou parties de communes mentionnées à l'article R.442-1 ...est subordonnée à l'obtention d'une autorisation préalable, la réalisation d'installations ou de travaux dans les cas ci-après énumérés lorsque l'occupation ou l'utilisation du terrain doit se poursuivre durant plus de trois mois : ...c) les affouillements et exhaussements du sol, à la condition que leur superficie soit supérieure à 100 mètres carrés et que leur hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou leur profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres" ; que selon l'article R.442-3 du même code, l'autorisation prévue à l'article L.442-1 n'est pas exigée dans les cas où les travaux ou installations mentionnés à l'article R.442-2 sont soumis à autorisation ou déclaration en application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'enfin aux termes de l'article R.442-6 du même code : "L'autorisation ne peut être délivrée que si les installations ou travaux satisfont aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur pour le mode d'occupation prévu et notamment à celles du plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ..." ;
Considérant que les travaux autorisés par le maire de Claye-Souilly consistent à accueillir sur un site de 33 hectares, jusqu'à la réalisation d'une butte de 15 mètres de hauteur devant faire ensuite l'objet d'un aménagement paysager, des dépôts de gravats provenant principalement des chantiers de construction ou de démolition de la région parisienne ; qu'en admettant même que les matériaux en cause puissent être regardés comme des déchets au sens de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 susvisée, il est constant que les décharges de matériaux de cette nature ne font l'objet d'aucune rubrique de la nomenclature des installations classées prévue par l'article 2 de la loi du 19 juillet 1976 susvisée et ne peuvent être assimilées aux exploitations visées à la rubrique 268 bis, nonobstant la référence aux dépôts de gravats que celle-ci comporte ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal, ayant regardé les travaux en cause comme soumis à autorisation préfectorale en application de la loi du 19 juillet 1976, a estimé que le maire était incompétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation dont elle l'avait saisi ;

Considérant toutefois que, pour annuler l'autorisation litigieuse, le tribunal administratif de Versailles s'est également fondé sur ce que les travaux en cause méconnaissaient les dispositions du plan d'occupation des sols ;
Considérant que selon le règlement annexé au plan d'occupation des sols de la commune de Claye-Souilly, la zone INC est affectée à l'exploitation agricole et constitue un espace naturel qui doit être protégé en raison de la valeur agricole du sol ; que selon l'article INC 1 dudit règlement ; y sont seules admises les occupations et utilisations du sol suivantes :
- "les constructions à usage agricole, - l'aménagement, l'extension modérée et la reconstruction des bâtiments à usage d'habitation, existant à la date de publication du plan d'occupation des sols," ainsi que "les installations et travaux divers définis à l'article R.442-2 alinéa c) du code de l'urbanisme, s'ils sont nécessaires à la réalisation des occupations et utilisations du sol autorisées dans la zone" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude d'impact réalisée par la société requérante, que les travaux projetés auront pour effet de rendre le terrain impropre à toute exploitation agricole ; que la disparition de la zone humide qu'ils entraîneront ne peut être regardée comme préservant la vocation naturelle de la zone ; que, par suite et alors même qu'ils auraient pour effet de mettre un terme à l'existence d'une décharge sauvage, lesdits travaux n'apparaissent pas nécessaires à la réalisation des occupations ou utilisations du sol définies par l'article INC 1 précité et ne pouvaient donc être autorisés par le maire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé ladite autorisation au motif qu'elle méconnaissait les dispositions propres à la zone INC du plan d'occupation des sols de la commune de Claye-Souilly ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué :
Considérant que, par son recours gracieux en date du 26 février 1994 complété le 29 avril suivant, l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature s'est bornée à demander au préfet de la Seine-et-Marne l'annulation de l'autorisation de travaux délivrée par le maire de Claye-Souilly ; qu'il ne ressort pas des termes de ce recours que l'association aurait entendu demander également au préfet de la Seine-et-Marne de faire usage de ses pouvoirs de police en matière d'installations classées ; qu'il suit de là que la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le prétendu refus implicite du préfet d'user de ses pouvoirs en cette matière ;
Sur les conclusions dirigées contre les articles 3 et 4 du jugement attaqué :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les travaux autorisés par le maire de Claye-Souilly ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 19 juillet 1976 ; que, par suite, il y a lieu, d'une part, de faire droit aux conclusions de la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS tendant à l'annulation des articles 3 et 4 du jugement par lesquels les premiers juges ont enjoint à cette société de se conformer aux dispositions de cette loi , d'autre part, de rejeter les conclusions d'appel incident de l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature tendant aux mêmes fins ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, et l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature, qui n'est pas la partie principalement perdante, soient condamnés sur leur fondement ; qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS à verser à ladite association la somme qu'elle demande au même titre ;
Article 1er : Les articles 1er, 3 et 4 du jugement en date du 30 mai 1995 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE REMBLAIS PAYSAGERS, les conclusions incidentes et les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel présentées par l'association seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 95PA03022;95PA03084
Date de la décision : 17/12/1996
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

44-02-01-03,RJ1 NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - CHAMP D'APPLICATION DE LA LEGISLATION - INSTALLATIONS EXCLUES DU CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI N 76-663 DU 19 JUILLET 1976 -Dépôts de gravats de chantiers de construction ou de démolition (1).

44-02-01-03 Projet d'accueillir sur un site de 33 hectares, jusqu'à la réalisation d'une butte de 15 mètres de hauteur devant faire ensuite l'objet d'un aménagement paysager, des dépôts de gravats inertes provenant principalement des chantiers de construction ou de démolition. En admettant même que les matériaux en cause puissent être regardés comme des déchets au sens de l'article 1er de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, les décharges de matériaux de cette nature, qui ne peuvent être assimilées aux exploitations visées à la rubrique 268 bis de la nomenclature des installations classées prévue par l'article 2 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, nonobstant la référence aux dépôts de gravats que celle-ci comporte, ne sont incluses dans aucune rubrique de cette nomenclature. Elles ne sont dès lors pas soumises à autorisation préfectorale en application de cette dernière loi.


Références :

Code de l'urbanisme R442-8, A442-2, R442-2, R442-3, L442-1, R442-6
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 75-633 du 15 juillet 1975 art. 1
Loi 76-663 du 19 juillet 1976 art. 2
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 3

1. Comp. TA de Lille, 1995-08-07, Tassart, T. p. 918


Composition du Tribunal
Président : M. Leclerc
Rapporteur ?: Mme Corouge
Rapporteur public ?: M. Libert

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-12-17;95pa03022 ?
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