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12/09/1996 | FRANCE | N°94PA01667

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 12 septembre 1996, 94PA01667


(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 novembre 1994, présentée pour la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE, dont le siège social est 32 rue de Mogador (75009) Paris, par Me CRESP, avocat ; la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9208333/3 en date du 6 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit déclarée responsable de la contamination post-transfusionnelle de Mme X par le virus du sida et condamnée à en ré

parer les conséquences dommageables ;
2°) de déclarer l'Assistance pu...

(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 novembre 1994, présentée pour la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE, dont le siège social est 32 rue de Mogador (75009) Paris, par Me CRESP, avocat ; la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9208333/3 en date du 6 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit déclarée responsable de la contamination post-transfusionnelle de Mme X par le virus du sida et condamnée à en réparer les conséquences dommageables ;
2°) de déclarer l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris responsable de la contamination de Mme X et de la condamner à verser à la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE, subrogée dans les droits de la victime, la somme de 3.422.765,98 F, majorée des intérêts légaux ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 1996 :
- le rapport de Mme KAYSER, président-rapporteur,
- les observations de Me CRESP, avocat pour la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE et celles du cabinet FOUSSARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a été victime le 3 février 1987 d'un accident causé par un assuré de la société COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE ; qu'elle a été transportée à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière où elle a subi une intervention chirurgicale au cours de laquelle lui ont été transfusés deux culots globulaires fournis par le centre de transfusion sanguine incorporé à cet établissement hospitalier ; qu'il n'est pas contesté par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris que ces produits sanguins sont à l'origine de la contamination de Mme X par le virus de l'immunodéficience humaine ; que la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE, condamnée le 27 avril 1993 par le tribunal de grande instance de Paris à réparer les conséquences dommageables de l'accident causé par son assuré, demande l'annulation du jugement du 6 avril 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui rembourser les indemnités mises ainsi à sa charge ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 juillet 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs, des produits sanguins ; que, eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ; qu'ainsi, le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le centre de transfusion sanguine qui a fourni les produits sanguins injectés à Mme X relève de l'hôpital de la Pitié-Salpétrière et, donc de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ; que, dès lors, la responsabilité de cette dernière est engagée, même sans faute, à l'égard de la victime ; que, par suite, la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui doit être annulé, le tribunal administratif de Paris a estimé que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne pouvait être regardée comme responsable de la contamination suivie du décès de Mme X ;
Sur le préjudice :

Considérant que l'étendue de la réparation incombant à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne dépend pas de l'appréciation qu'a pu faire l'autorité judiciaire de l'importance des conséquences dommageables de l'accident, de la contamination et du décès de Mme X ; que, si la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE, subrogée, à raison des sommes effectivement payées par elle, dans les droits détenus par les ayants-droit de la victime à l'encontre de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et dans ceux de tout tiers dont elle a réparé le préjudice à l'origine duquel se trouve l'administration hospitalière, est fondée à solliciter cette réparation, il appartient au juge administratif, seul compétent pour se prononcer sur les actions en responsabilité dirigées contre cette administration, d'en évaluer le montant selon les règles de droit commun ;
En ce qui concerne la somme de 708.157 F versée à l'Etat :
Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement du 27 avril 1993 du tribunal de grande instance de Paris et des pièces versées par la requérante, que cette somme recouvre, d'une part, les traitements versés par l'Etat à Mme X, en l'absence de service fait par celle-ci, entre le 16 avril 1990, date à laquelle elle a interrompu ses activités en raison de sa maladie, et le 3 mars 1992, date de son décès, d'autre part, les charges patronales afférentes à ces traitements et, enfin, le capital-décès versé par l'Etat à M. Y ainsi que les intérêts afférents à ces diverses sommes et les frais irrépétibles ; que la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE a droit au remboursement de la somme ainsi définie d'un montant de 708.157 F ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser cette somme, majorée des intérêts à compter du 9 novembre 1993, date à laquelle est intervenu, au plus tard, le règlement définitif ;
En ce qui concerne les sommes se rapportant au préjudice propre de Mme X :
Considérant, d'une part, que si la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE réclame à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 156.627 F, cette somme, fixée par le juge judiciaire en réparation des conséquences directes du seul accident du 3 février 1987, se rapporte à un préjudice dans la réalisation duquel l'administration hospitalière n'a eu aucune part ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;
Considérant, d'autre part, que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère de gravité exceptionnelle du préjudice subi par Mme X du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine, il ne sera pas fait une évaluation exagérée de ce préjudice en condamnant l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser la somme de 1.564.815 F, sollicitée par la requérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doit être condamnée à indemniser la compagnie requérante des sommes versées par elle, au titre du préjudice personnel de Mme X, transmissibles, par voie successorale à M. Y à hauteur de 1.564.815 F ; que cette somme doit porter intérêts, à compter du 28 janvier 1992, date de la demande préalable à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris en ce qui concerne le montant de 1.500.000 F, et pour le surplus à compter du 20 septembre 1993, date à laquelle est intervenu, au plus tard, le règlement définitif ;
En ce qui concerne les sommes se rapportant au préjudice propre de M. Y :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces versées au dossier que les frais de transport et d'hébergement exposés par M. Y au cours de la maladie de son épouse ainsi que les frais d'obsèques de celle-ci, et les frais de procédure s'élèvent à la somme non contestée de 57.418 F ;
Considérant, d'autre part, qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation du préjudice moral et des troubles subis par M. Y dans les conditions de son existence du fait de la maladie et du décès de son épouse, en fixant son montant à la somme de 120.000 F ;
Considérant, enfin, que le préjudice résultant pour M. Y de la perte de la part du salaire de son épouse dont il doit être regardé comme ayant été le bénéficiaire, compte-tenu du montant de ce salaire et de l'âge de la victime au jour de son décès, ne peut entraîner un montant de réparation inférieur à la somme de 320.890 F versée à ce titre par la requérante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris doit être condamnée à indemniser la COMPAGNIE D'ASSURANCE L'EQUITE des sommes versées par elle, au titre du préjudice personnel de M. Y, à hauteur de 498.308 F, majorées des intérêts à compter du 20 septembre 1993, date à laquelle est intervenu, au plus tard, le règlement définitif ;
En ce qui concerne les sommes se rapportant au préjudice propre de M. et Mme Z :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation du préjudice moral et des troubles subis par M. et Mme Z, parents de la victime, en fixant son montant à 40.000 F pour chacun d'eux ; que, compte tenu d'une somme de 10.000 F représentative des frais de procédure supportés par les consorts Z, la requérante est fondée à solliciter la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 90.000 F, majorée des intérêts à compter du 20 septembre 1993, date à laquelle est intervenu, au plus tard, le réglement définif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme totale due par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à la COMPAGNIE D'ASSURANCE L'EQUITE s'élève à 2.861.280 F, majorée des intérêts ainsi qu'il est dit ci-dessus ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE une somme de 8.000 F ;
Article 1er : Le jugement n° 9208333/3 du 6 avril 1994 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE une somme de 2.861.280 F. Cette somme portera intérêts au taux légal dans les conditions prévues au présent arrêt.
Article 3 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la COMPAGNIE D'ASSURANCES L'EQUITE une somme de 8.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA01667
Date de la décision : 12/09/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITE PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVEE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - SUBROGATION - SUBROGATION DE L'ASSUREUR.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 52-854 du 21 juillet 1952
Loi 61-846 du 02 août 1961


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme KAYSER
Rapporteur public ?: M. DACRE-WRIGHT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-09-12;94pa01667 ?
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