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01/04/1996 | FRANCE | N°94PA00180

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 01 avril 1996, 94PA00180


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour la société à responsabilité limitée Chamar, dont le siège est ... V, Le Havre (76351), la société anonyme COMATRAN, dont le siège est rue George V, Le Havre (76351), la COMPAGNIE MARITIME ET PORTUAIRE (COMEP), dont le siège est ... (76351), la société anonyme COMPAGNIE NOUVELLE DE MANUTENTIONS PORTUAIRES dont le siège est ... (76351), la SNC GENERALE DE MANUTENTION PORTUAIRE dont le siège est Quai de l'Europe, Le Havre (76351), la société anonyme JELETRANS, dont le siège est ..., la GIE MTS dont le siège

est Terminal de l'Océan, Quai de Bougainville, Le Havre (76351), la SN...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour la société à responsabilité limitée Chamar, dont le siège est ... V, Le Havre (76351), la société anonyme COMATRAN, dont le siège est rue George V, Le Havre (76351), la COMPAGNIE MARITIME ET PORTUAIRE (COMEP), dont le siège est ... (76351), la société anonyme COMPAGNIE NOUVELLE DE MANUTENTIONS PORTUAIRES dont le siège est ... (76351), la SNC GENERALE DE MANUTENTION PORTUAIRE dont le siège est Quai de l'Europe, Le Havre (76351), la société anonyme JELETRANS, dont le siège est ..., la GIE MTS dont le siège est Terminal de l'Océan, Quai de Bougainville, Le Havre (76351), la SNC OCEANGRAIS, dont le siège est Canal Central maritime à Rogerville (76533), la société anonyme PERRIGAULT, dont le siège est ... (76351), la société anonyme PILLET, dont le siège est ... (76351), la société anonyme RAETS STEVE DORING, dont le siège est Terminal de l'Océan, Quai de Bougainville, Le Havre (76351), la société anonyme SAME DELAMARE, dont le siège est ... (76351), la SNC SMART, dont le siège est ... (76351), la société anonyme SOCIETE GENERALE DE SURVEILLANCE, dont le siège est ..., la société anonyme RECEVEURS CAFES, dont le siège est ... (76351), la société à responsabilité limitée TRANSPORTS BUFFARD, dont le siège est Chaussée de la Moselle, Le Ré (76351), la société à responsabilité limitée TRANSPORTS DERREY, dont le siège est ... (76351), la société anonyme TRANSPORTS GONDRAND, dont le siège est ..., la société anonyme SOCIETE DE MANUTENTION DE LA BASSE SEINE, dont le siège est centre administratif terminal de l'Océan, quai de Bougainville, Le Havre (76351), la société à responsabilité limitée SOMEN, dont le siège est Quai Frissard, Le Havre (76351), la société à responsabilité limitée UNIMAN dont le siège est quai de l'Atlantique, Le Havre (76351), la société anonyme VATINEL ET COMPAGNIE, dont le siège est ... (76351), l'association SEGEMO, dont le siège est ... V, Le Havre (76351), la CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PORT DU HAVRE, dont le siège est ... V, Le Havre (76351), le GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE INTERENTREPRISES PORTUAIRES, dont le siège est ... V, Le Havre (76351), par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés les 17 février et 13 mai 1994 ; les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9112394/3 en date du 17 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi du fait de son incapacité à faire respecter les dispositions de l'article L.521-8 du code des ports maritimes et à leur verser une somme d'un montant total de 20.564.883 F ;
2°) de condamner l'Etat à verser les sommes demandées augmentées des intérêts légaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 1996 :
- le rapport de Mme MARTIN, conseiller,
- les observations de la SCP DELAPORTE, BRIARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société Chamar et autres et celles du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les vingt-deux entreprises de manutention du port du Havre, l'association havraise Segemo, la Caisse de compensation des congés payés du port du Havre et le Groupement d'intérêt économique interentreprises portuaires demandent l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 17 novembre 1993 rejetant leur demande tendant au versement par l'Etat d'une indemnité d'un montant total de 20.564.883 F au titre des années 1987, 1988, 1989 et 1990 résultant du préjudice subi du fait de l'augmentation des cotisations versées à la caisse nationale de garantie des ouvriers dockers (CAINAGOD) en raison du dépassement du pourcentage fixé par l'article L.521-8 du code des ports maritimes pour le nombre des vacations chômées des dockers pro-fessionnels ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant qu'en vertu de l'article L.521-1 du code des ports maritimes, alors en vigueur, l'ouvrier docker professionnel reçoit, pour chaque vacation chômée, dans les conditions prévues par ledit article "une indemnité de garantie" ; qu'en application de l'article L.521-4 de ce code, la caisse nationale de garantie des ouvriers dockers est, notamment, chargée d'assurer le paiement, dans chaque port, de cette indemnité de garantie, en gérant les fonds disponibles et en proposant toutes mesures destinées à assurer l'équilibre financier de l'institution ; qu'à cette fin, le conseil d'administration de la caisse nationale de garantie des ouvriers dockers est, ainsi qu'en dispose l'article L.521-5 du code précité, composé en nombre égal de représentants de l'Etat, des employeurs et des ouvriers dockers ; qu'aux termes de l'article L.521-8 du même code : "Toutes dispositions sont prises pour que, sur le total des vacations de chaque semestre, le nombre des vacations chômées des dockers professionnels ne dépasse pas 25 %" ; que si ce texte assigne un objectif à l'autorité administrative, il lui laisse la libre appréciation des moyens et des délais pour leur mise en oeuvre ; qu'il appartient seulement au juge administratif de constater le cas échéant l'existence d'une carence manifeste de l'Etat résultant de l'absence de toute mesure, du caractère inapproprié des décisions prises, ou d'une lenteur excessive que les circonstances ne permettent pas de justifier ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le nombre des vacations chômées des dockers professionnels s'est élevé au plan national en 1987 à 32,16 %, il a diminué en 1988 pour atteindre en 1989, au cours du premier semestre, 24,03 % ; que la diminution très importante de ce taux a pour origine les plans sociaux mis en place au cours des années 1987 et 1988 qui ont conduit au départ de 2.300 dockers professionnels ; que ces plans ont fait l'objet d'une contribution directe de l'Etat de 230 millions de francs et d'une dotation en capital aux ports autonomes ; que, dans ces conditions, les requérants ne sauraient soutenir que l'Etat n'est pas intervenu par des mesures appropriées ; que, si au cours du second semestre de l'année 1989, le taux a recommencé à augmenter pour atteindre en 1990 le niveau de 29,73 %, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que, en raison de l'échec des consultations nationales avec les partenaires sociaux sur les règles de modulation des cotisations pour permettre une régulation locale des effectifs, le Gouvernement a engagé, dès la fin de 1990, une action qui a conduit au plan de modernisation de la filière portuaire de novembre 1991, puis à la loi du 9 juin 1992 ; que, dans ces conditions, les requérants ne sauraient davantage soutenir que l'Etat a négligé de prendre de nouvelles initiatives en vue d'atteindre l'objectif indiqué par l'article L.521-8 du code des ports maritimes ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que les requérants demandent également l'indemnisation du préjudice subi en soutenant que la responsabilité de l'administration est engagée, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de faire respecter la règle posée par l'article L.521-8 du code des ports maritimes ; qu'ils font valoir que les charges supplémentaires résultant pour eux du dépassement au plan national du taux, alors que le taux d'inactivité des dockers professionnels au Havre était largement inférieur à 25 %, ne peuvent être regardées comme un préjudice qui doit être normalement supporté par les employeurs de main d'oeuvre dans les ports ;
Considérant que le dépassement de ce taux, qui a caractérisé la quasi totalité de la décennie, constitue un risque inhérent à la loi du 6 septembre 1947 qui a prévu un régime d'indemnisation favorable en cas de chômage des dockers et un mécanisme de large péréquation au profit des ports connaissant les plus forts taux de vacations chômées ; que, par suite, dès lors que tout port a vocation à bénéficier du mécanisme de péréquation, même lorsqu'il se trouve dans une situation particulièrement défavorable, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'aléa n'est pas normal, même s'il y a dépassement du taux de 25 % et si elles ont connu un taux d'inactivité inférieur de dix points à la moyenne nationale ; que d'ailleurs la loi du 6 septembre 1947, si elle fixait cet objectif de 25 %, n'avait prévu aucune sanction en cas de dépassement du seuil ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Article 1er : Les requêtes de la société à responsabilité limitée Chamar, de la société anonyme COMATRAN, de la COMPAGNIE MARITIME ET PORTUAIRE, de la société anonyme COMPAGNIE NOUVELLE DE MANUTENTIONS PORTUAIRES, de la SNC GENERALE DE MANUTENTION PORTUAIRE, de la société anonyme JELETRANS, de la GIE MTS, de la SNC OCEANGRAIS, de la société anonyme PERRIGAULT, de la société anonyme PILLET, de la société anonyme RAETS STEVE DORING, de la société anonyme SAME DELAMARE, de la SNC SMART, de la SOCIETE GENERALE DE SURVEILLANCE, de la société anonyme RECEVEURS CAFES, de la société à responsabilité limitée TRANSPORTS BUFFARD, de la société à responsabilité limitée TRANSPORTS DERREY, de la société anonyme TRANSPORTS GONDRAND, de la société anonyme SOCIETE DE MANUTENTION DE LA BASSE SEINE, de la société à responsabilité limitée SOMEN, de la société à responsabilité limitée UNIMAN, de la société anonyme VATINEL ET COMPAGNIE, de l'association SEGEMO, de la CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PORT DU HAVRE, du GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE INTERENTREPRISES PORTUAIRE sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA00180
Date de la décision : 01/04/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PORTS - UTILISATION DES PORTS - MANUTENTION - Indemnisation des vacations chômées des ouvriers dockers (article L - 521-1 du code des ports maritimes) - Objectif d'un taux d'inactivité de 25 % (article L - 521-8 du code des ports maritimes) - Dépassement - Responsabilité de l'Etat à l'égard des cotisants de la caisse nationale de garantie - Absence en l'espèce.

50-02-03, 60-01-02-01, 60-01-02-02, 66-10-02 En vertu de l'article L. 521-1 du code des ports maritimes, l'ouvrier docker professionnel reçoit, pour chaque vacation chômée, une indemnité versée par une caisse nationale de garantie. L'article L. 521-8 du même code prévoit que toutes dispositions sont prises pour que le nombre des vacations chômées ne dépasse pas 25 % du total des vacations de chaque semestre. Les requérantes, entreprises portuaires du Havre, demandent à l'Etat de réparer le préjudice qu'elles ont subi du fait du niveau élevé des cotisations qu'elles ont dû verser à la caisse nationale de garantie en raison du dépassement au niveau national, au cours des années 1987 à 1990, de l'objectif de 25 %. L'article L. 521-8 assignant un objectif à l'autorité administrative en lui laissant la libre appréciation des moyens et des délais, il appartient seulement au juge administratif de constater, le cas échéant, une carence manifeste de l'Etat résultant de l'absence de toute mesure, du caractère inapproprié des décisions prises ou d'une lenteur excessive et injustifiée. En l'espèce, la responsabilité pour faute de l'Etat n'est pas engagée, compte tenu des plans sociaux qu'il a mis en place en 1987 et 1988 puis, après l'échec des consultations nationales en vue d'une régulation locale des effectifs, de l'adoption du plan de modernisation de la filière portuaire de novembre 1991 et de la loi du 9 juin 1992. Par ailleurs, si le taux d'inactivité des dockers professionnels du Havre était nettement inférieur à l'objectif de 25 %, le préjudice subi par les requérants du fait du dépassement de cet objectif sur le plan national ne revêt pas, compte tenu du mécanisme de péréquation voulu par le législateur, un caractère anormal de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - Indemnisation des vacations chômées des ouvriers dockers (article L - 521-1 du code des ports maritimes) - Objectif d'un taux d'inactivité de 25 % (article L - 521-8 du code des ports maritimes) - Dépassement sur le plan national - Responsabilité sans faute de l'Etat à l'égard des cotisants de la caisse nationale de garantie dans un port où le taux d'inactivité était largement inférieur à l'objectif - Absence.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - Disposition législative assignant un objectif à l'administration en lui laissant le choix des moyens - Responsabilité de l'administration n'étant susceptible d'être engagée qu'en cas de carence manifeste - Article L - 521-8 du code des ports maritimes relatif au taux d'inactivité des dockers professionnels - Absence de responsabilité de l'Etat à l'égard des cotisants de la caisse nationale de garantie du fait du dépassement de cet objectif en 1987-1990.

TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS PRIVES D'EMPLOI - Indemnisation des vacations chômées des ouvriers dockers (article L - 521-1 du code des ports maritimes) - Objectif d'un taux d'inactivité de 25 % (article L - 521-8 du code des ports maritimes) - Dépassement - Responsabilité de l'Etat à l'égard des cotisants de la caisse nationale de garantie - Absence en l'espèce.


Références :

Code des ports maritimes L521-8, L521-1, L521-4, L521-5
Loi 47-1746 du 06 septembre 1947
Loi 92-496 du 09 juin 1992


Composition du Tribunal
Président : M. Beyssac
Rapporteur ?: Mme Martin
Rapporteur public ?: Mme Martel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-04-01;94pa00180 ?
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