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29/02/1996 | FRANCE | N°94PA00800

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 29 février 1996, 94PA00800


(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 juin 1994, présentée pour M. Jospeh Y... et Mme Rosita Z... pour le compte de leur fils mineur Franckie par Me X..., avocat ; M. Y... et Mme Z... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9211545/4, en date du 16 mars 1994, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à leur fils mineur Franckie Z... une indemnité de 2.500.000 F avec intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de

l'immunodéficience humaine ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser lad...

(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 juin 1994, présentée pour M. Jospeh Y... et Mme Rosita Z... pour le compte de leur fils mineur Franckie par Me X..., avocat ; M. Y... et Mme Z... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9211545/4, en date du 16 mars 1994, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à leur fils mineur Franckie Z... une indemnité de 2.500.000 F avec intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la santé publique ;
VU la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social ;
VU le décret n° 54-65 du 16 janvier 1954 ;
VU le décret n° 92-759 du 31 juillet 1992 ;
VU le décret n° 93-906 du 12 juillet 1993 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 1996 :
- le rapport de Mme KAYSER, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;

Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant, d'une part, que la requête présentée en appel pour M. Y... et Mme Z... indique qu'elle est dirigée contre le jugement du 16 mars 1994 et précise que la période de responsabilité de l'Etat a été fixée du 22 novembre 1984 au 20 octobre 1985, que le jeune Franckie Z... a reçu des produits antihémophiliques pendant cette période, que les circonstances de l'espèce ont été mal appréciées par le tribunal administratif ; que, comprenant ainsi des conclusions et des moyens, la requête doit être regardée comme répondant aux exigences de l'article R.87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'elle est, par suite, recevable ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des pièces produites devant la cour, que M. Joseph Y..., a reconnu le jeune Franckie le 11 février 1994 et a légitimé l'enfant par son mariage avec Mme Rosita Z... le 4 mars 1994 ; qu'ainsi, il a qualité pour agir et que la requête en tant qu'elle émane de M. Joseph Y... est, contrairement à ce que soutient le ministre, recevable ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant que, par le jugement avant dire droit du 8 juillet 1993 devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a déclaré l'Etat responsable des contaminations des personnes atteintes d'hémophilie et qui ont été contaminées par le virus de l'immunodéficience humaine à l'occasion de la transfusion de produits sanguins non chauffés pendant la période comprise entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985 et ordonné une expertise maximale de Franckie Z... ;
Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Paris, d'une part, que le jeune Franckie Z..., qui est hémophile, a reçu du 20 au 24 mai 1985, des cryoprécipités réalisés par le Centre de transfusion sanguine de Strasbourg à partir d'un pool important de donneurs, et qu'il n'est pas établi que ces produits sanguins étaient sains, d'autre part, que l'enfant, séronégatif à la date du 3 juin 1985, n'a reçu ultérieurement que des produits non susceptibles de le contaminer ; qu'il suit de là que, même si la séropositivité n'a été révélée qu'à la fin de 1987, le lien de causalité est établi entre les transfusions effectuées en mai 1985 et la contamination de Franckie Z... et que, par suite, la responsabilité de l'Etat est engagée à raison de cette contamination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... et Mme Z... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la réparation du préjudice subi par le jeune Franckie ;
Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, qu'eu égard au caractère exceptionnel du préjudice de Franckie Z..., il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature qu'il subit en évaluant le montant de la réparation qui lui est due à la somme de 2.000.000 de francs ;
Considérant, d'autre part, que le juge administratif, saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant de la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine et informé de ce que la victime, ou ses ayants droit, a été indemnisée de ce préjudice, doit déduire d'office les sommes effectivement versées en réparation de ce même préjudice ; qu'ainsi, et même si le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine s'est engagé à verser une fraction de l'indemnisation à compter de la date à laquelle la contamination se traduirait par les manifestations pathologiques du syndrome de l'immunodéficience acquise, le versement de cette somme, subordonné à l'apparition de la maladie, est éventuel ; que, par suite, il n'y a pas lieu à déduction de la fraction allouée à ce titre dès lors qu'elle n'a pas été versée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 1992, Mme Z..., administratrice légale des biens de son fils mineur Franckie, a accepté l'offre d'indemnisation de 2.000.000 de francs qui lui a été faite par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine et a effectivement perçu les sommes de 100.000 F versée par le Fonds de solidarité des hémophiles et de 1.400.000 F versée par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine, le complément de 500.000 F devant être versé par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine si la maladie venait à se déclarer ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déduire de l'indemnité de 2.000.000 de francs le montant de 1.500.000 F déjà versé et de condamner l'Etat à verser la somme de 500.000 F à M. Y... et à Mme Z..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur Franckie Z... ;
Sur les intérêts :
Considérant que les requérants ont droit aux intérêts de la somme de 500.000 F à compter de la réception par l'administration de leur demande préalable en date du 3 janvier 1992 ;
Sur la subrogation de l'Etat :
Considérant qu'il y a lieu de subroger l'Etat dans les droits de Franckie Z... à l'encontre du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine en ce qui concerne la part de l'indemnisation subordonnée à l'apparition du syndrome de l'immunodéficience acquise ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les requérants présentent devant la cour des conclusions tendant à obtenir les sommes de 3.000 F au titre des frais de première instance et de 3.000 F au titre des frais devant la cour ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort du jugement du 16 mars 1994 que le tribunal administratif a statué sur les demandes présentées par M. Y... et Mme Z... sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et leur a accordé à ce titre une somme de 3.000 F ; que les requérants, qui ne présentent aucune critique à l'encontre de cette décision, ne sont pas recevables à présenter en appel une demande complémentaire de ce chef ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions en ce qui concerne les frais exposés en appel et non compris dans les dépens et de condamner l'Etat à payer à ce titre à M. Y... et Mme Z... une somme de 3.000 F ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 16 mars 1994 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Y... et Mme Z..., en leur qualité d'administrateurs légaux des biens de Franckie Z..., la somme de 500.000 F qui portera intérêts à compter de la date de réception par l'administration de leur demande du 3 janvier 1992.
Article 3 : L'Etat est subrogé dans les droits de Franckie Z... à l'encontre du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine en ce qui concerne la part de l'indemnisation subordonnée à l'apparition du syndrome de l'immunodéficience acquise.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à Mme Z... une somme de 3.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA00800
Date de la décision : 29/02/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE.

SANTE PUBLIQUE - UTILISATION THERAPEUTIQUE DE PRODUITS D'ORIGINE HUMAINE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R87, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme KAYSER
Rapporteur public ?: M. DACRE-WRIGHT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-02-29;94pa00800 ?
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