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29/02/1996 | FRANCE | N°93PA01034

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 29 février 1996, 93PA01034


(1ère Chambre)
VU l'arrêt en date du 19 juillet 1994, par lequel, avant de statuer sur les conclusions de M. Z... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2.000.000 F augmentée des intérêts et des intérêts des intérêts, en réparation du préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine, la cour a ordonné un complément d'expertise, ensemble l'ordonnance en date du 22 juillet 1994, par laquelle le président de la cour administrative d'appel a désigné le docteur Y... comme expert ;
VU, enregistré au greffe de

la cour le 19 mai 1995, le rapport déposé par le docteur Y..., expert ;
VU...

(1ère Chambre)
VU l'arrêt en date du 19 juillet 1994, par lequel, avant de statuer sur les conclusions de M. Z... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2.000.000 F augmentée des intérêts et des intérêts des intérêts, en réparation du préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine, la cour a ordonné un complément d'expertise, ensemble l'ordonnance en date du 22 juillet 1994, par laquelle le président de la cour administrative d'appel a désigné le docteur Y... comme expert ;
VU, enregistré au greffe de la cour le 19 mai 1995, le rapport déposé par le docteur Y..., expert ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la santé publique ;
VU la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
VU le décret n° 92-759 du 31 juillet 1992 modifié ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 1996 :
- le rapport de Mme KAYSER, président-rapporteur,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. Z...,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports de l'expert que M. Z... présente une hémophilie A majeure depuis son plus jeune âge et qu'il a appris la pratique de l'"autoperfusion" au cours des années 1971-1976 ; qu'il ressort des carnets de santé d'hémophile produits par M. Z... devant la cour et notamment de celui délivré le 29 juin 1982 que M. Z... se perfusait lui-même les produits sanguins qui lui étaient délivrés, plusieurs fois par mois pendant les années 1982 et 1983 ; qu'il n'est pas contesté que M. Z... a ensuite poursuivi cette pratique selon la même périodicité pendant les années suivantes ; que si l'expert mentionne, dans son second rapport, que les archives du Centre régional de transfusion sanguine de Besançon n'ont pas permis de révéler l'existence de distribution à M. Z... de produits sanguins pour la période du 1er juin 1984 au 28 janvier 1985, il ressort des pièces produites par la caisse primaire d'assurance maladie du Jura devant la cour après le dépôt dudit rapport que de tels produits, dont il n'est pas établi qu'ils étaient sains, ont été prescrits le 26 décembre 1984 par le médecin traitant de M. Z... et remis le même jour à l'intéressé par le Centre régional de transfusion sanguine, la caisse primaire d'assurance maladie du Jura ayant par ailleurs assuré leur prise en charge financière le 7 janvier 1985 ; que, dès lors, compte tenu de la régularité et de la fréquence des perfusions, ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, le lien de causalité doit être regardé comme établi entre la faute de l'Etat et la contamination de M. Z... par le virus de l'immunodéficience humaine, révélée le 30 janvier 1985 ;
Considérant, par suite, que M. Z... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice qu'il a subi ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, qu'eu égard au caractère exceptionnel du préjudice de M. Z..., il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature qu'il subit en évaluant le montant de la réparation qui lui est due à la somme de 2.000.000 F ;
Considérant, d'autre part, que le juge administratif saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant de la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine et informé de ce que la victime, ou ses ayants droit, a été indemnisée de ce préjudice, doit déduire d'office les sommes effectivement versées en réparation de ce même préjudice ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Z... a reçu la somme de 100.000 F versée par le Fonds privé de solidarité des hémophiles et la somme de 1.110.500 F versée par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déduire de l'indemnité de 2.000.000 F le montant de 1.210.500 F déjà versé et de condamner l'Etat à verser à M. Z... la somme de 789.500 F ;
Sur les intérêts :

Considérant que M. Z... a droit aux intérêts sur la somme de 789.500 F à compter de la réception par l'administration de sa demande préalable en date du 15 décembre 1989 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 14 mai 1992, 3 septembre 1993 et 5 octobre 1995 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Jura aux fins de remboursement de ses débours :
Considérant en premier lieu, qu'il ressort du dossier, d'une part, que, par mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 12 mai 1992, la caisse primaire d'assurance maladie du Jura s'est bornée à indiquer qu'elle entendait intervenir dans l'instance et qu'elle produirait sa créance après expertise ; qu'elle n'a présenté cependant aucune demande précise aux premiers juges après la communication du rapport d'expertise ; d'autre part, que les conclusions chiffrées présentées par la Caisse devant la cour tendant au remboursement de frais exposés d'un montant de 338.461,65 F concernent des soins pour la période du 1er janvier 1989 au 17 juin 1993 et des indemnités journalières pour la période du 10 mars 1989 au 7 janvier 1993 ; que concernant des prestations servies avant le 8 juillet 1993, date de l'audience à laquelle l'affaire a été appelée, ces conclusions, faute d'avoir été soumises au tribunal administratif, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ; qu'il en est de même des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser une somme de 388.265,60 F à raison d'une pension d'invalidité qui a été accordée à compter du 8 janvier 1993, soit antérieurement au jugement attaqué ;
Considérant en second lieu, que si la Caisse demande que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 62.971,55 F au titre des frais futurs, ces frais, en raison de la nature même de la maladie, ne sauraient présenter un caractère certain ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter cette demande ;
Sur la subrogation de l'Etat :
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu de subroger l'Etat dans les droits de M. Z... à l'encontre de toute personne reconnue coauteur du dommage ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu de subroger l'Etat dans les droits de M. Z... à l'encontre du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine en ce qui concerne la part de l'indemnisation subordonnée à l'apparition du syndrome de l'immunodéficience acquise ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, d'un montant de 1.280 F à la charge de l'Etat ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à payer à M. Z... une somme de 6.000 F sur le fondement desdites dispositions ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 8 juillet 1993 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Z... la somme de 789.500 F.
Article 3 : Ladite somme de 789.500 F portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'administration de la demande préalable de M. Z... en date du 15 décembre 1989. Les intérêts échus les 14 mai 1992, 3 septembre 1993 et 5 octobre 1995 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura sont rejetées.
Article 5 : Les frais d'expertise d'un montant de 1.280 F sont mis à la charge de l'Etat.
Article 6 : L'Etat est subrogé dans les droits de M. Z..., d'une part à l'encontre de toute personne reconnue coauteur du dommage, d'autre part à l'encontre du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine en ce qui concerne la part de l'indemnisation subordonnée à l'apparition du syndrome de l'immunodéficience acquise.
Article 7 : l'Etat est condamné à verser à M. Z... une somme de 6.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 93PA01034
Date de la décision : 29/02/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE.

SANTE PUBLIQUE - UTILISATION THERAPEUTIQUE DE PRODUITS D'ORIGINE HUMAINE.


Références :

Code civil 1154


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme KAYSER
Rapporteur public ?: M. DACRE-WRIGHT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-02-29;93pa01034 ?
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