La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/04/1995 | FRANCE | N°94PA00549

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 20 avril 1995, 94PA00549


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 mai 1994, présentée pour M. Carmel Z..., demeurant 7 place du Parc aux Lièvres, 91000 Evry, par Me BLANC, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. Z... demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9010038/4 du 22 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a déclaré l'Etat responsable de la contamination par le virus du syndrome de l'immunodéficience acquise les personnes atteintes d'hémophilie qui ont subi des transfusions de produits sanguins non chauffés pendant la période c

omprise entre le 12 mars et le 1er octobre 1985 ;
2°) d'annuler ...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 mai 1994, présentée pour M. Carmel Z..., demeurant 7 place du Parc aux Lièvres, 91000 Evry, par Me BLANC, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. Z... demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9010038/4 du 22 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a déclaré l'Etat responsable de la contamination par le virus du syndrome de l'immunodéficience acquise les personnes atteintes d'hémophilie qui ont subi des transfusions de produits sanguins non chauffés pendant la période comprise entre le 12 mars et le 1er octobre 1985 ;
2°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 9010038/4 du 16 février 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;
3°) de condamner l'Etat à verser à M. Z... une indemnité de 2.000.000 F en réparation du préjudice qu'il a subi en raison de sa contamination par le virus du syndrome de l'immunodéficience acquise, de condamner l'Etat à lui payer les intérêts de droit sur la somme de 2.000.000 F du 2 au 6 mai 1992, sur la somme de 1.750.000 F du 7 mai au 7 décembre 1992, sur la somme de 990.000 F du 8 décembre au 30 décembre 1992, sur la somme de 890.000 F depuis le 31 décembre 1992 jusqu'au jour du paiement du capital à intervenir, et les intérêts des intérêts une première fois au 16 février 1992, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Paris et une seconde fois au 4 mai 1994, enfin, de condamner l'Etat à verser à M. Z... une somme de 6.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 1995 :
- le rapport de Mme KAYSER, président-rapporteur,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. Z...,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 22 avril 1992, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, déclaré que la responsabilité de l'Etat était intégralement engagée à l'égard des personnes contaminées par le virus de l'immunodéficience humaine à la suite d'une transfusion de produits sanguins non chauffés opérée entre le 12 mars et le ler octobre 1985, d'autre part, ordonné, avant-dire droit sur la demande de M. Z... une expertise médicale ; que par un second jugement en date du 16 février 1994, le tribunal a rejeté la demande présentée par M. Z... aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de sa contamination au motif que le lien de causalité entre sa contamination par le virus du syndrome de l'immunodéficience acquise et l'administration de produits sanguins pendant la période de responsabilité de l'Etat telle que définie ci-dessus ne pouvait être regardée comme étant établi ;
Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 22 avril 1992 :
Considérant que M. Z... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 avril 1992 en tant qu'il a limité à la période du 12 mars au ler octobre 1985 la responsabilité encourue par l'Etat à raison des contaminations par le syndrome de l'immunodéficience acquise ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le risque de contamination par le virus de l'immunodéficience humaine par la voie de la transfusion sanguine était tenu pour établi par la communauté scientifique dès novembre 1983 et que l'efficacité du procédé du chauffage pour inactiver le virus était reconnue au sein de cette communauté dès octobre 1984, tandis qu'il était admis, à cette époque qu'au moins 10 % des personnes séropositives contractent le syndrome d'immunodéficience acquise dans les cinq ans et que l'issue de cette maladie est fatale dans au moins 70 % des cas ; que ces faits ont été consignés le 22 novembre 1984 par le docteur Y..., épidémiologiste à la direction générale de la santé, dans un rapport soumis à la commission consultative de la transfusion sanguine ; qu'eu égard au caractère contradictoire et incertain des informations antérieurement disponibles tant sur l'évolution de la maladie que sur les techniques susceptibles d'être utilisées pour en éviter la transmission, il ne peut être reproché à l'administration de n'avoir pas pris avant cette date de mesures propres à limiter les risques de contamination par transfusion sanguine, notamment en interdisant la délivrance des produits sanguins non chauffés, en informant les hémophiles et leurs médecins des risques encourus, ou en mettant en place des tests de dépistage du virus sur les dons de sang et une sélection des dons ; qu'en revanche il appartenait à l'autorité administrative, informée à ladite date du 22 novembre 1984, de façon non équivoque, de l'existence d'un risque sérieux de contamination des transfusés et de la possibilité d'y parer par l'utilisation des produits chauffés qui étaient alors disponibles sur le marché international, d'interdire, sans attendre d'avoir la certitude que tous les lots de produits dérivés du sang étaient contaminés, la délivrance des produits dangereux, comme elle pouvait le faire par arrêté ministériel pris sur le fondement de l'article L.669 du code de la santé publique ; qu'une telle mesure n'a été prise que par une circulaire dont il n'est pas établi qu'elle ait été diffusée avant le 20 octobre 1985 ; que cette carence fautive de l'administration est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des contaminations provoquées par des transfusions de produits sanguins pratiquées entre le 22 novembre 1984 et le 20 octobre 1985 ; que, dès lors, M. Z... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué en date du 22 avril 1992, le tribunal administratif a retenu une période de responsabilité comprise entre les 12 mars et 1er octobre 1985 ; qu'il y a lieu, par suite, de réformer le jugement du 22 avril 1992 sur ce point ;
Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 16 février 1994 :
Considérant que, à l'appui de sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2.000.000 F, majorée des intérêts de droit et des intérêts des intérêts, M. Z... soutient qu'il a subi des perfusions de produits sanguins non chauffés lors de son hospitalisation à l'hôpital de Corbeil qui a eu lieu du 28 janvier au 5 février 1985 ;

Considérant qu'il ressort du rapport déposé par l'expert commis par le tribunal administratif de Paris que cette hospitalisation s'est imposée devant la survenue d'une surdité brusque du côté gauche et que cette surdité fluctuante nécessitait des perfusions de Praxilène R et des inhalations de Carbogène R ; que l'expert précise que, malgré de nombreuses recherches, il n'a pas retrouvé dans le dossier de notion de transfusions sanguines ou d'utilisation de facteurs anti-hémophiliques, la cause de l'hospitalisation ne le justifiant d'ailleurs pas, et qu'à cette date, l'intéressé n'a pas subi d'intervention chirurgicale ; que ne peut être regardé comme une preuve contraire un certificat rédigé par le médecin traitant de M. Z... le 23 janvier 1992 affirmant que celui-ci avait été hospitalisé pour des extractions dentaires, dès lors qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise susmentionné, que M. Z... avait été hospitalisé pendant la période précitée en raison de la surdité mentionnée ci-dessus ;
Considérant, dès lors et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise supplémentaire, que le lien de causalité entre la faute de l'Etat et la contamination de M. Z... ne peut être regardé comme établi ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dispose : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Z... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article ler : L'article ler du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 avril 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94PA00549
Date de la décision : 20/04/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE SANITAIRE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - ABSENCE.

SANTE PUBLIQUE - UTILISATION THERAPEUTIQUE DE PRODUITS D'ORIGINE HUMAINE.


Références :

Code de la santé publique L669
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme KAYSER
Rapporteur public ?: M. DACRE-WRIGHT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1995-04-20;94pa00549 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award