VU le recours, enregistré le 6 février 1991 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu, assorties de pénalités, de l'année 1978, ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 3 juillet 1978 au 31 mai 1979, impositions réclamées à M. X... par voie de solidarité avec la société à responsabilité limitée Axial intérim ;
2°) de remettre les impositions en cause à la charge de M. X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 et notamment son article 3 ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 1993 :
- le rapport de Mme MARTEL, conseiller,
- les observations de Me SAUTELET, avocat à la cour, pour M. X...,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par jugement en date du 29 janvier 1982, confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 8 juillet 1982, le tribunal de grande instance de Paris a reconnu M. X..., dirigeant de deux sociétés d'affacturage complice, par fourniture des moyens, de la fraude fiscale commise par la société à responsabilité limitée Axial intérim et l'a déclaré solidairement responsable des droits éludés par cette dernière, ainsi que des pénalités y afférentes ; que, toutefois par jugement en date du 27 avril 1990, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. X... des impositions qui lui étaient réclamées par voie de solidarité avec la société à responsabilité limitée Axial intérim ; que le MINISTRE DELEGUE AU BUDGET fait appel dudit jugement ;
Sur le jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 septies du code général des impôts, alors applicable : "Les contribuables peuvent se faire assister au cours des vérifications de comptabilité ... d'un conseil et doivent être avertis de cette faculté, à peine de nullité de la procédure. Dans tous les cas, la procédure de vérification doit comporter l'envoi d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification en mentionnant expressément la faculté pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, que par avis en date du 10 juillet 1979, reçu le 11 juillet par le contribuable, la direction nationale d'enquêtes fiscales, 2ème brigade de contrôle et de recherches, a informé la société à responsabilité limitée Axial intérim qu'un inspecteur se présenterait le 13 juillet au matin à son siège social en vue de vérifier l'ensemble de ses déclarations fiscales relatives à l'exercice 1978, s'agissant de l'impôt sur les sociétés et taxes annexes et à la période du 1er janvier 1978 au 31 mai 1979, s'agissant des taxes sur le chiffre d'affaires ; que le vérificateur, qui s'est présenté à la date ainsi fixée, a constaté l'absence du gérant ainsi que l'absence dans les locaux de toute comptabilité ; que, par lettre en date du 18 juillet 1979, refusée par le gérant, un nouveau rendez-vous a été fixé au 3 septembre ; que le vérificateur, qui s'était rendu sur les lieux le 20 août 1979, a constaté que la société avait quitté définitivement les locaux, sans communiquer de nouvelle adresse ; que, par suite, le service a considéré que l'entrevue du 3 septembre était devenue sans objet et a procédé à des redressements, selon la procédure de taxation d'office ou de rectification d'office, au titre des différentes impositions en cause ;
Considérant qu'il résulte des faits susénoncés que, nonobstant la circonstance que l'administration ait mentionné à tort sur les notifications de redressement des 18 juillet et 28 août 1979 que ceux-ci faisaient suite à la vérification de comptabilité du 13 juillet, aucune opération de contrôle n'a eu lieu à cette date ; que, dès lors, le MINISTRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé que la brièveté du délai entre la réception de l'avis de vérification et le début des opérations de vérification n'avait pas permis à la société à responsabilité limitée Axial intérim de se faire assister d'un conseil de son choix, conformément aux dispositions susvisées de l'article 1649 septies du code général des impôts et a accordé à M. X... la décharge des impositions qui lui étaient réclamées par voie de solidarité avec ladite société ; qu'il y a lieu en conséquence, d'examiner par l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens invoqués par M. X... tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
En ce qui concerne la procédure de rectifi-cation d'office :
Considérant que par notification du 28 août 1979, l'administration a assujetti la société Axial intérim à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, portant sur la période du 3 juillet au 31 décembre 1978, selon la procédure de rectification d'office pour absence de comptabilité et de pièces justificatives concernant l'activité commerciale de la société ; qu'à cette date, le service n'avait effectué aucune vérification de la comptabilité de l'entreprise, le commencement de celle-ci ayant été reporté au 3 septembre 1979 ; que, par suite, et en dépit de l'attitude du gérant et de la constatation de la fermeture des locaux de la société en août 1979 le vérificateur ne pouvait, à la date du 28 août 1979, présumer l'absence de comptabilité pour procéder, en application des dispositions susvisées de la loi du 29 décembre 1977, à la détermination du chiffre d'affaires taxable par recoupement de renseignements obtenus auprès de tiers, selon la procédure de rectification d'office, la circonstance, invoquée par l'administration, que les décisions pénales intervenues ultérieurement auraient constaté l'absence de tenue de comptabilité par la société Axial intérim, ne pouvant avoir pour effet de valider la procédure irrégulièrement mise en oeuvre ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à demander le rétablissement du rappel de taxe sur la valeur ajoutée relative à la période du 3 juillet au 31 décembre 1978 ;
En ce qui concerne le surplus des conclusions :
Sur la motivation des décisions de rejet :
Considérant que si M. X... soutient que les décisions par lesquelles l'administration a rejeté ses réclamations étaient insuffisamment motivées, un tel moyen, non seulement manque en fait mais est, en tout état de cause, inopérant ;
Sur la régularité des procédures :
EN CE QUI CONCERNE LA SAISIE DE DOCUMENTS :
Considérant, d'une part, que, sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945 relative au prix, des agents du contrôle économique ont effectué une perquisition avec saisie de documents au siège de la société à responsabilité limitée Axial intérim ; qu'à la suite du procès-verbal établi par la direction générale de la concurrence et des prix, les dirigeants de ladite société ont fait l'objet de poursuites pénales pour infraction à la législation sur les prix, qui ont donné lieu à un jugement du 15 mars 1982 du tribunal de grande instance de Paris ; que dès lors, si M. X... soutient que les opérations de contrôle dont s'agit auraient été engagées à des fins exclusivement fiscales et constitueraient un détournement de procédure, le moyen qu'il présente sur ce point manque en fait ;
Considérant, d'autre part, que les irrégu-larités qui affecteraient, selon M. X..., les opérations de contrôle réalisées sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945 ne sont pas, en tout état de cause, de nature à vicier la procédure d'imposition suivie en ce qui concerne les cotisations contestées ;
EN CE QUI CONCERNE LES DROITS DE LA DEFENSE :
Considérant, en premier lieu, qu'en admettant même que les documents ainsi saisis aient pu être utiles à M. X... pour contester les impositions mises à sa charge par voie de solidarité avec la société d'intérim en cause, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue, avoir demandé la communication desdits documents et s'être heurté à un refus de la part de l'autorité judiciaire ;
Considérant, en second lieu, que si le requérant soutient que les droits de la défense ont été méconnus lors de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée Axial intérim, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucune précision, ni aucun élément de nature à permettre à la cour d'apprécier le bien-fondé du moyen ainsi soulevé ;
Considérant, enfin, qu'aucune disposition n'oblige l'administration à reprendre à l'égard d'un tiers, tenu en tout ou en partie à la dette d'un contribuable, les procédures de vérification diligentées vis-à-vis de celui-ci pour établir l'assiette de l'impôt ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne l'aurait pas mis en mesure de discuter la méthode utilisée par le vérificateur ne peut qu'être rejeté ;
EN CE QUI CONCERNE LA MECONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1649 SEPTIES B DU CODE GENERAL DES IMPOTS :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 septies B du code général des impôts, alors applicable : "Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe.. est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période" ;
Considérant que M. X... soutient que l'administration ne pouvait notifier le 28 août 1979 à la société à responsabilité limitée Axial intérim des redressements portant sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice 1978 dans la mesure où la vérification de comptabilité était close par la notification de redressement du 18 juillet ; que, non seulement il n'y a pas eu vérification de comptabilité mais au surplus l'intéressé ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions précités de l'article 1649 septies B du code général des impôts, dès lors qu'il est constant que la notification susvisée du 18 juillet ne concernait que les cotisations de taxe sur la valeur ajoutée relatives à la période du 1er janvier au 31 mai 1979 ;
EN CE QUI CONCERNE LE RECOURS A LA TAXATION D'OFFICE :
Considérant qu'aux termes de l'article 288 du code général des impôts, applicable en l'espèce : "Les dispositions de l'article 179 sont applicables en matière de taxes sur la valeur ajoutée" ; qu'aux termes de l'article 179 dudit code, dans sa rédaction en vigueur : "Est taxé d'office à l'impôt sur le revenu tout contribuable qui n'a pas souscrit, dans le délai légal, la déclaration de son revenu global prévue à l'article 170" ; qu'enfin aux termes de l'article 223 du même code : "1- Les personnes morales ... passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux ... En cas d'absence de déclaration ou de déclaration tardive, la liquidation de l'impôt dû à raison des résultats de la période d'imposition est faite d'office" ;
Considérant, d'une part, que dans le jugement susmenstionné du 29 janvier 1982, le tribunal de grande instance de Paris a relevé que la société à responsa-bilité limitée Axial intérim n'avait souscrit de déclaration en matière de taxe sur la valeur ajoutée que pour la période du 1er juillet 1978 au 31 décembre 1978 et qu'elle n'avait pas déclaré les résultats afférents à l'exercice 1978 ; que ces constatations matérielles, confirmées par l'arrêt précité du 8 juillet 1982 de la cour d'appel, en tant qu'elles constituent les supports nécessaires au dispositif desdites décisions, sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée ; que, par suite, l'administration, qui avait mis en demeure le 7 juin 1979 la société à responsabilité limitée Axial intérim de souscrire la déclaration de ses résultats afférents à l'exercice 1978, était en droit d'évaluer d'office le bénéfice imposable de ladite société ; que, de même, c'est par une exacte application des dispositions précitées des articles 288 et 179 du code général des impôts, que le service, qui n'était pas tenu en l'espèce de recourir à une mise en demeure préalable, a taxé d'office la société à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 mai 1979 ;
Considérant, d'autre part, que l'absence de déclarations fiscales n'ayant pas été révélée par une vérification de comptabilité, l'administration était en droit sans attendre la date du 3 septembre 1979 fixée pour l'entrevue avec le gérant de la société, de procéder à la taxation d'office du bénéfice et du chiffre d'affaires imposables ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, en premier lieu, que M. X... ne saurait utilement se prévaloir, dans le cadre du présent litige, des moyens relatifs à la reconstitution des chiffres d'affaires de la société d'affacturage Application de techniques moderne et de l'entreprise individuelle Alpha magium qu'il dirigeait ;
Considérant, en second lieu, que dans l'arrêt précité du 8 juillet 1982, la cour d'appel de Paris s'est fondée sur les liens familiaux existant entre les dirigeants des sociétés d'intérim et le requérant, les clauses particulièrement "sévères" imposées aux sociétés d'intérim et les modalités de paiement des factures cédées, pour juger que le recours systématique à l'affacturage constituait pour les sociétés d'intérim un moyen d'éluder l'impôt ; que cette constatation, revêtue, en tant que support nécessaire du dispositif de la décision en cause, de l'autorité absolue de la chose jugée, était de nature à permettre à l'administration de retenir l'existence d'un acte anormal de gestion et, par suite, d'écarter les dispositions contractuelles léonines imposées à la société à responsabilité limitée Axial intérim pour ne prendre en compte que les charges normalement supportées par des entreprises similaires ;
Considérant, en troisième lieu, que si le jugement susvisé du tribunal de grande instance en date du 29 janvier 1982 a fixé, par référence aux quittances subrogatives saisies par la police judiciaire, le montant minimum des droits éludés par la société à responsabilité limitée Axial intérim à un chiffre inférieur à celui retenu par l'administration, cette décision de l'autorité judiciaire, agissant dans le cadre de la répression d'un délit, n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la fixation des revenus imposables et ne saurait, en tout état de cause, établir l'exagération des bases d'imposition retenues par les services fiscaux ;
Considérant, enfin, que si M. X... soutient que l'administration a sous-évalué les charges supportées par la société à responsabilité limitée Axial intérim et n'a pas tenu compte des doubles emplois, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément de nature à établir que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires utilisée par le vérificateur était fondamentalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire ;
Considérant sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des documents saisis et de prescrire une mesure d'expertise, qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, en vertu de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu, relatif à l'année 1978 et le rappel de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier au 31 mai 1979 ;
Sur la déduction en "cascade" :
Considérant que si M. X... demande à bénéficier de la "cascade" prévue à l'article L.77 du livre des procédures fiscales, ces conclusions ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées, dès lors que la société à responsabilité limitée Axial intérim n'avait pas demandé, avant la mise en recouvrement des impositions contestées, qu'il lui soit fait application, pour le calcul de l'impôt ;
Article 1er : Les cotisations d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu afférentes à l'année 1978, ainsi que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er janvier au 31 mai 1979, réclamés à M. X... par voie de solidarité avec la société à responsabilité limitée Axial intérim sont remises à la charge de l'intéressé, de même que les pénalités relatives auxdites impositions.
Article 2 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre est rejeté.