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26/01/1993 | FRANCE | N°90PA01032

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 26 janvier 1993, 90PA01032


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 30 novembre 1990, la requête présentée par la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS, dont le siège est à Paris (17ème), ... ; la société demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 4 juillet 1990 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a rejeté ses demandes en décharge des cotisations à l'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1976, des cotisations supplémentaires de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamées pour la période du 1

er janvier 1975 au 31 décembre 1976, de la taxe d'apprentissage afférente...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 30 novembre 1990, la requête présentée par la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS, dont le siège est à Paris (17ème), ... ; la société demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 4 juillet 1990 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a rejeté ses demandes en décharge des cotisations à l'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1976, des cotisations supplémentaires de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamées pour la période du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1976, de la taxe d'apprentissage afférente à l'année 1976 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 1993 :
- le rapport de M. GAYET, conseiller,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;

En ce qui concerne l'imposition forfaitaire annuelle :
Sur le principe de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : "1 ... sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que ... les établissements publics .... et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. 2 ... sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35" ;
Considérant que la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS, créée et dirigée par les époux X..., a pour activité la rédaction et l'édition de livres et de disques destinés à l'enseignement des langues ; qu'il résulte de l'instruction que la société emploie des salariés, parmi lesquels figurent notamment un chef de service, un rédacteur et un directeur d'études et recourt, pour la rédaction, à des collaborateurs qu'elle rémunère ; que, dans ces conditions, les deux associés ne sauraient être regardés comme contribuant personnellement aux activités rédactionnelles et pédagogiques ainsi qu'à la direction technique de la société ; qu'en outre, il n'est pas contesté que la requérante livre les deux tiers de sa production à la société civile de professeurs libres et d'auteurs, appartenant, comme elle au groupe "langues et affaires", dirigé également par les époux X... ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a regardé la société comme se livrant à une activité de nature commerciale au sens des dispositions de l'article 34 du code général des impôts et comme étant, par suite, en vertu des dispositions précitées de l'article 206 du même code, passible de l'impôt sur les sociétés et, par voie de conséquence, de l'imposition forfaitaire annuelle prévue par l'article 223 septies dudit code ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, qu'il est constant que la société requérante n'a pas fait au titre de l'année 1976 la déclaration prévue à l'article 175 du code ; que, à défaut de déclaration dans les délais, le bénéfice imposable est fixé d'office en vertu des dispositions combinées des articles 223 et 59 du même code ; que le moyen tiré par la société de la circonstance qu'elle a souscrit régulièrement la déclaration exigée des personnes qui réalisent des bénéfices non commerciaux est inopérant, dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, son activité était de caractère commercial ;

Considérant, d'autre part, que l'article 1649 quinquies A-4 du code général des impôts, alors en vigueur, précise que les dispositions concernant notamment la consultation de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en cas de désaccord persistant entre le contribuable et l'administration ne sont pas applicables "dans les cas de taxation, rectification ou évaluation d'office des bases d'imposition" ; que, par suite, et alors même que la nature de l'activité de la société posait une question de fait, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les services fiscaux n'ont pas consulté cette commission ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'année 1975 :
Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à l'année 1975 ont fait l'objet d'une notification de redressement en date du 20 décembre 1979 ; que si le pli recommandé contenant cette notification a été présenté par les services postaux au siège de la société le 26 décembre 1979, il n'a été toutefois retiré par la requérante que le 3 janvier 1980 ; qu'ainsi le délai spécial imparti à la contribuable par l'article 1932-5 du code général des impôts repris à l'article R.196-3 du livre des procédures fiscales, expirait le 31 décembre de la 4ème année suivant celle au titre de laquelle les redressements ont été régulièrement notifiés, soit, en l'espèce le 31 décembre 1984 ; que, par suite, la réclamation relative aux rappels de taxes litigieux, introduite le 20 décembre 1984 auprès du directeur des services fiscaux n'était pas tardive ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déclaré irrecevables les conclusions de la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui étaient réclamées au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1975 par avis de mise en recouvrement du 24 mars 1981 ; qu'il s'ensuit que ledit jugement doit être annulé sur ce point ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande susvisée présentée par la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'absence de réponse aux observations du contribuable :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration, qui a suivi s'agissant de taxe sur la valeur ajoutée afférente aux années 1975 et 1976, la procédure de redressement contradictoire, a répondu par lettre du 2 juillet 1980 aux observations du contribuable ; que cette lettre a été reçue le 8 juillet 1980 par la requérante ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1649 quinquies A-2, dernier aniléa, du code général des impôts manque en fait ;
En ce qui concerne l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1649 quinquies A-2 et 3 du code général des impôts, lorsque le service maintient les redressements notifiés au contribuable et contestés par celui-ci, le litige peut être soumis, à l'initiative de l'administration ou à la demande du redevable, à l'avis de la commission départementale des impôts ;
Considérant qu'en admettant même que la requérante puisse être regardée comme ayant demandé régulièrement la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa lettre du 18 janvier 1980, la qualification à donner aux frais de publicité engagés par la société nouvelle de professeurs libres et d'auteurs au regard de leur caractère nécessaire à l'exploitation de la requérante posait une question de droit, et ne relevait pas, par suite, de la compétence de la commission départementale des impôts ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition a été entachée d'irrégularité par le motif que ladite commission n'a pas été saisie ;
Considérant, d'autre part, que la société requérante ne saurait utilement, et en tout état de cause, se prévaloir d'une doctrine administrative, qu'elle ne précise pas, recommandant aux agents de saisir d'office la commission départementale des impôts en cas de désaccord persistant avec le contribubable, dès lors qu'une telle doctrine, qui a trait à la procédure d'imposition, ne constitue pas une intreprétation formelle du texte fiscal au sens de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement individuel :
Considérant qu'aux termes de l'article 389-1 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, l'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article 1915 du code général des impôts comporte : "1° Les indications nécessaires à l'identification des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de l'avis ; 2° Les éléments de la liquidation et le montant du principal et des pénalités, indemnités de retard ou intérêts de retard constitutifs de la créance. Toutefois, les éléments de la liquidation peuvent être remplacés par la référence au document qui les renferme, lorsque celui-ci a été établi ou signé par le redevable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement" ;

Considérant que si la requérante se plaint, d'une part, de ce que l'avis de mise en recouvrement individuel du 24 mars 1981 ne comporte pas la ventilation entre l'année 1975 et l'année 1976 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'autre part, de ce que s'agissant des indemnités de retard afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1976, l'avis se borne à indiquer leur montant total et leur date de liquidation, sans préciser, année par année, tous les éléments de leur liquidation ; que ce moyen ne saurait être accueilli, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas soumise au principe d'annualité ; que, par suite, la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS n'est pas fondée à soutenir que les indemnités de retard qui ont été appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à l'année 1975 ont été établies irrégulièrement et à en demander la décharge ;
En ce qui concerne les autres moyens :
Considérant que la requérante fait valoir que le service ne l'a pas informée des fautes qu'elle aurait commises ; que, toutefois, la mise en oeuvre par l'administration de la procédure de redressement contradictoire étant indépendante de toute faute du contribuable, le moyen est inopérant ;
Considérant que, par ailleurs, la société invoque l'insuffisance ou la tardiveté des motivations, l'absence ou l'irrégularité des notifications, le non respect de la procédure contradictoire ainsi que la méconnaissance des articles 1649 quinquies A et 1649 septies du code général des impôts ; qu'en se limitant ainsi à une énumération d'ordre général, sans préciser, à l'appui de ses allégations, les motifs de fait et de droit auxquels elle se refère, elle ne met pas la cour à même de statuer sur les moyens ainsi soulevés ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant, d'une part, que la présentation régulière opérée par les services postaux au siège de la société, le 26 décembre 1979, de la lettre recommandée contenant la notification de redressements du 20 décembre 1979, a eu pour effet d'interrompre la prescription au titre de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période s'achevant le 31 décembre 1975 ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du fait qu'elle n'a retiré la lettre en cause que le 3 janvier 1980, pour soutenir que l'imposition contestée était prescrite lors de sa mise en recouvrement le 24 mars 1981 ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts seule est déductible la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services nécessaires à l'exploitation de l'entreprise ; qu'il résulte de l'instruction, que les frais de publicité pour des cours par correspondance dispensés par la société civile de professeurs libres et d'auteurs ne pouvaient être regardés, quels que soient les liens existant entre ladite société et la société requérante, comme étant nécessaires à l'exploitation de cette dernière ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions susvisées de l'article 230 de l'annexe II, que, l'administration a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de publicité en cause ;
Sur l'amende fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1731 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur : "En ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, ... les insuffisances, les inexactitudes ou omissions mentionnées à l'article 1728 donnent lieu, lorsque la mauvaise foi du redevable est établie, à l'application d'une amende fiscale ..." ;
Considérant que l'administration, en affirmant que la société, en ne portant pas de manière réitérée sur ses déclarations de chiffre d'affaires des sommes facturées avec la taxe sur la valeur ajoutée aux clients, a entendu se soustraire délibérément à l'impôt, apporte dans les circonstances de l'espèce, la preuve qui lui incombe de la mauvaise foi de la redevable ; que, par suite, la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS est fondée à demander la décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée au titre de l'année 1975 ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'année 1976 :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a répondu aux observations du contribubable concernant les redressements de la taxe sur la valeur ajoutée envisagés au titre de l'année 1976 par lettre en date du 2 juillet 1980, reçue le 8 juillet 1980 par la requérante ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1649 quinquies A2, dernier alinéa, du code général des impôts manque en fait ;
Considérant, d'autre part, que l'administration était en droit, pour les motifs susexposés, de refuser, sur le fondement de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de publicité engagées par la requérante pour des cours par correspondance dispensés par la société civile de professeurs libres et d'auteurs ;
En ce qui concerne la taxe d'apprentissage :

Considérant que la taxe d'apprentissage est due, aux termes de l'article 224-2° du code général des impôts "par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l'article 206-1 à 4 quel que soit leur objet" ; que, par suite, la société requérante étant passible, comme il a été dit ci-dessus, de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1976, c'est à bon droit qu'elle a été également assujettie à la taxe d'apprentissage ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 4 juillet 1990 est annulé en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité la demande de la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui étaient réclamées au titre de l'année 1975.
Article 2 : Les conclusions de la demande visées à l'article 1er et le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE CIVILE DE PROFESSEURS DE LETTRES ET D'ARTS sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 90PA01032
Date de la décision : 26/01/1993
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-02-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECLAMATIONS AU DIRECTEUR - DELAI -Délai de réclamation en cas de reprise ou de redressement - Point de départ du délai.

19-02-02-02 Pour l'application de l'article 1932-5 du code général des impôts, repris à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, le délai de réclamation relatif à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui expirait le 31 décembre de la 4ème année suivant celle au titre de laquelle les redressements avaient été régulièrement notifiés, courait non à compter de la date de présentation du pli contenant leur notification mais à compter de la date de retrait auprès des services postaux de ladite notification.


Références :

CGI 206, 34, 223 septies, 175, 1649 quinquies A, 1932-5, 1915, 1649 septies, 1731, 224, 59, 206
CGI Livre des procédures fiscales R196-3, L80 A
CGIAN2 389-1, 230


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: M. Gayet
Rapporteur public ?: Mme de Segonzac

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1993-01-26;90pa01032 ?
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