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23/04/1992 | FRANCE | N°90PA00887

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Pleniere, 23 avril 1992, 90PA00887


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 octobre et 24 décembre 1990, présentés pour la société d'assurances LA Commercial Union, dont le siège est ..., et la société anonyme Cofreth, dont le siège est ..., par la SCP Coutard, Mayer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les sociétés La Commercial Union et Cofreth demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8701331/6 - 8806067/6 du 27 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes dirigées contre la société Borg-

Warner et relatives aux dommages subis par l'installation géothermique d'...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 octobre et 24 décembre 1990, présentés pour la société d'assurances LA Commercial Union, dont le siège est ..., et la société anonyme Cofreth, dont le siège est ..., par la SCP Coutard, Mayer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les sociétés La Commercial Union et Cofreth demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8701331/6 - 8806067/6 du 27 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes dirigées contre la société Borg-Warner et relatives aux dommages subis par l'installation géothermique d'Aulnay-sous-Bois ;
2°) de condamner la société Borg-Warner à verser les sommes respectives de 517.154 F à la société d'assurances La commercial Union et 382.846 F à la société anonyme Cofreth, au titre des dommages matériels, et les sommes respectives de 128.154 F à la société d'assurances LA Commercial Union et 19.138 F à la société anonyme Cofreth, au titre des pertes d'exploitation ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 1992 :
- le rapport de Mme Albanel, conseiller,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société d'assurances LA Commercial Union et la société anonyme Cofreth et celles de la SCP Heiszmann, Salvia, Meunier, avocat à la cour, pour la société Borg-Warner,
- et les conclusions de M. Gipoulon, commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant que la société Sodedat 93, maître d'ouvrage de l'installation géothermique d'Aulnay-sous-Bois, a prononcé, le 13 mars 1985, la réception des travaux confiés, par un marché en date du 11 septembre 1984, à la société Borg-Warner et portant sur la fourniture et la mise en place d'un groupe moto-pompe d'exhaure comportant un moteur, une pompe et un câble ; qu'aux termes de l'article 9-5 de l'additif au cahier des clauses administratives particulières, applicable au marché précité, "le délai de garantie sera de douze mois à partir de la réception après les essais" ; qu'il n'est pas contesté en appel que, dans la commune intention des parties, cette stipulation doit être regardée comme ayant entendu viser seulement la garantie de bon fonctionnement ; qu'elle ne saurait donc trouver à s'appliquer en matière de garantie décennale ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte, des principes dont s'inspirent les articles 1792, 1792-2 et 2270 du code civil que la garantie décennale peut être recherchée pour des équipements qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination, alors même qu'il s'agirait d'éléments d'équipements dissociables d'un bâtiment ;
Considérant, en second lieu, que si l'article 9-5 de l'additif au cahier des clauses administratives particulières précité prévoit, pour les installations souterraines du complexe géothermique, une garantie d'un an, ce délai de garantie contractuelle qui court à compter de la réception n'implique nullement la renonciation à la responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que les désordres affectant l'installation géothermique d'Aulnay-sous-Bois, qui sont apparus à la suite d'un incident survenu le 8 octobre 1986 à la pompe d'exhaure, sont dus à un court-circuit d'origine électrique survenu au niveau de la prise de raccordement du câble d'alimentation de la pompe, à la suite d'un défaut d'isolement imputable à la société Borg-Warner ; que celle-ci doit être regardée comme ayant la qualité de constructeur, dès lors qu'elle était chargée, non seulement de la fourniture du groupe moto-pompe, mais également de sa mise en place ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres litigieux sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'ils engagent de ce fait la responsabilité décennale des constructeurs, et ce, alors même que le contrat d'affermage, conclu le 25 janvier 1984 entre la société anonyme Cofreth et le maître de l'ouvrage, prévoit, à titre indicatif, que la durée de vie du groupe moto-pompe est limitée à cinq ans ;

Considérant que le constructeur dont la responsabilité est recherchée en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil n'est fondé à se prévaloir, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de l'imputabilité à un autre constructeur cocontractant du maître de l'ouvrage de tout ou partie des désordres litigieux et à demander en conséquence que sa responsabilité soit écartée ou limitée, que dans la mesure où ces désordres ne lui sont pas également imputables ; qu'ainsi, la société Borg-Warner ne saurait se prévaloir de ce que l'incident litigieux relèverait de la maintenance pour demander que sa responsabilité soit écartée ou limitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés La Commercial Union et Cofreth sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'expiration du délai de garantie de bon fonctionnement pour rejeter leur requête ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne le remplacement de la pompe :
Considérant que l'expert a évalué le coût du remplacement de la pompe à la somme non contestée de 900.000 F ; qu'il y a lieu, cependant, dans les circonstances de l'espèce, d'appliquer à ce montant la décote de 125.000 F retenue par l'expert pour tenir compte de la réduction des frais afférents à la révision de la pompe qui doit avoir lieu tous les deux ans, en vertu de l'article 18-II.2 du contrat d'affermage conclu le 25 janvier 1984 entre la société anonyme Cofreth et le maître de l'ouvrage ; qu'au surplus, le remplacement de la pompe est constitutif d'une plus-value qui peut être évaluée au 2/5ème du montant correspondant à l'échange standard de la pompe, soit 244.000 F ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 531.000 F la part du préjudice subi par la société anonyme Cofreth et son assureur ;
En ce qui concerne les pertes d'exploitation :
Considérant qu'aux termes de l'article 9-7 de l'additif au cahier des clauses administratives particulières du marché précité : "Les frais supplémentaires d'exploitation résultant d'un dommage matériel sont garantis à concurrence de 500.000 F par sinistre et 1.500.000 F par année d'assurance pour l'ensemble des opérations couvertes (franchise cinq jours)" ; que, comme il a été dit ci-dessus, cette stipulation ne saurait trouver à s'appliquer en matière de garantie décennale ; que, les sociétés requérantes sont, dès lors, fondées à invoquer le caractère inapplicable de cette clause de limitation de garantie et à demander le remboursement du surcoût d'exploitation évalué à la somme non contestée de 147.900 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Borg-Warner doit être condamnée à verser aux requérantes la somme de 678.900 F, répartie comme suit : 645.916 F à la société d'assurances LA Commercial Union et 32.984 F à la société anonyme Cofreth ;

Sur les intérêts :
Considérant que les sociétés La Commercial Union et Cofreth ont droit aux intérêts des sommes dues à compter du 16 février 1987, date d'enregistrement de leur demande au tribunal administratif ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 22 septembre 1988 et 9 octobre 1990 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par contre, il ne s'était pas écoulé une année depuis la précédente demande de capitalisation des intérêts quand celle-ci a été demandée à nouveau les 12 mai 1989 et 18 juin 1991 ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit aux demandes présentées les 22 septembre 1988 et 9 octobre 1990 ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais à la charge de la société Borg-Warner ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur requête ;
Article 1er : Le jugement en date du 27 juin 1990 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La société Borg-Warner est condamnée à verser aux sociétés LA Commercial Union et Cofreth la somme de 678.900 F, répartie comme suit : 645.916 F à la société d'assurances LA Commercial Union et 32.984 F à la société anonyme Cofreth.
Article 3 : Les sommes de 645.916 F et 32 984 F porteront intérêts au taux légal à compter du 16 février 1987. Les intérêts échus les 22 septembre 1988 et 9 octobre 1990 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de la société Borg-Warner.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 90PA00887
Date de la décision : 23/04/1992
Sens de l'arrêt : Annulation indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE -Désordres de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination - Eléments dissociables d'un bâtiment.

39-06-01-04-03-02 Il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792, 1792-2 et 2270 du code civil que la garantie décennale peut être recherchée pour des désordres qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination, alors même qu'ils concernent des éléments dissociables d'un bâtiment. En l'espèce, pompe d'exhaure d'une installation géothermique.


Références :

Code civil 1792, 1792-2, 2270, 1154


Composition du Tribunal
Président : M. Rivière
Rapporteur ?: Mme Albanel
Rapporteur public ?: M. Gipoulon

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-04-23;90pa00887 ?
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