VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 juin 1989, présentée pour la société anonyme ABEILLE France, venant aux droits de la compagnie ABEILLE ASSURANCES, dont le siège est ... O9 et pour la société MATTRESS LIMOUSIN dont le siège est à Moulin de la Pareix, Route de la Cascade 23400 Bourganeuf, par Me SLOAN, avocat à la cour ; la société anonyme ABEILLE France et la société MATTRESS LIMOUSIN demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8804836 en date du 14 mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire, ou l'un à défaut de l'autre, de la ville de Bobigny et du département de la Seine-Saint-Denis au paiement de la somme de 78.280,58 F à la compagnie ABEILLE ASSURANCES avec intérêts à compter de la date du règlement et de la somme de 116.752,63 F à la société MATTRESS LIMOUSIN avec intérêts à compter de la date de l'accident, en réparation du préjudice subi à la suite de l'accident survenu au camion de la société MATTRESS LIMOUSIN le 24 avril 1987 à Bobigny ;
2°) de condamner solidairement ou, l'un à défaut de l'autre, la ville de Bobigny et le département de la Seine-Saint-Denis à payer à la société anonyme ABEILLE ASSURANCES la somme de 78.280,58 F avec intérêts à compter de la date de règlement de cette somme, à la société MATTRESS LIMOUSIN la somme de 116.752,63 F avec intérêts à compter du jour de l'accident, subsidiairement, de déclarer la société MATTRESS LIMOUSIN responsable à concurrence de 30 % au maximum des conséquences dommageables de l'accident dont s'agit et de condamner, en conséquence, solidairement le département de la Seine-Saint-Denis et la ville de Bobigny au versement de leur quote-part des sommes énoncées ci-dessus ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la route ;
VU le code des communes ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 1992 :
- le rapport de M. LIEVRE, conseiller,
- les observations de Me SAUTON, avocat à la cour, substituant Me SLOAN, avocat à la cour, pour la société anonyme ABEILLE ASSURANCES et la société MATTRESS LIMOUSIN, celles de Me PORCHER, avocat à la cour, pour la commune de Bobigny et celles de la SCP SUR, MARTIN, avocat à la cour, pour le département de la Seine-Saint-Denis,
- et les conclusions de Mme MESNARD, commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme ABEILLE ASSURANCES, venant aux droits de la compagnie Assurances Abeille Paix, et la société MATTRESS LIMOUSIN sont respectivement représentées devant la cour par leurs dirigeants sociaux en exercice M. X... et M. Y... ; que, par suite, le département de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que la requête desdites sociétés, en tant que celles-ci n'établiraient pas être représentées par leurs dirigeants statutaires, n'est pas recevable ;
Sur la responsabilité :
Considérant que l'ensemble routier haut de 4,30 m, appartenant à la société MATTRESS LIMOUSIN a subi d'importants dommages en heurtant le tablier du pont "SNCF" franchissant, à une hauteur de 4,10 m, le chemin départemental n° 27, dénommé rue de la République dans l'agglomération de Bobigny, sur lequel il circulait ; qu'il résulte de l'instruction que le danger constitué par cet obstacle n'était pas signalé ; que, dans ces conditions, le département de la Seine-Saint-Denis maître de l'ouvrage, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de l'entretien normal de cette voie ; que cet aménagement défectueux de la voie publique n'est pas imputable à la commune de Bobigny ; qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune n'a été commise par le maire dans l'exercice du pouvoir de police qu'il tient de l'article L.131-3 du code des communes ; que dans ces conditions, la responsabilité du département de la Seine-Saint-Denis, maître de l'ouvrage, est seule engagée à l'égard des sociétés requérantes ;
Considérant toutefois qu'il résulte des dispositions de l'article R.3.2 du code de la route que tout conducteur de véhicule dont la hauteur, chargement compris, dépasse 4 m, est tenu à une obligation particulière de prudence au passage des ouvrages d'art ; que dans les circonstances de l'espèce et en raison du faible écart séparant la hauteur du véhicule de celle du passage libre sous le pont, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues par le département de la Seine-Saint-Denis et par la société MATTRESS LIMOUSIN en déclarant le département responsable à concurrence du quart seulement des conséquences dommageables de l'accident ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme ABEILLE ASSURANCES et la société MATTRESS LIMOUSIN, sont fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déclaré la société MATTRESS LIMOUSIN entièrement responsable de l'accident et a rejeté leur demande ;
Sur le préjudice :
Considérant que les dommages subis par la société ABEILLE ASSURANCES et par la société MATTRESS LIMOUSIN s'élèvent respectivement aux sommes non contestées de 78.280,58 F et de 116.752,63 F ; que compte tenu du partage de responsabilité entre le département de la Seine-Saint-Denis et la société MATTRESS LIMOUSIN, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation des préjudices subis en condamnant le département de la Seine-Saint-Denis à payer à la société ABEILLE ASSURANCES la somme de 19.570,14 F et à la société MATTRESS LIMOUSIN la somme de 29.188,15 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que la somme due à la société ABEILLE ASSURANCES portera intérêts au taux légal, à compter du 8 décembre 1987, date à laquelle il est établi que le département de la Seine-Saint-Denis a eu connaissance, au plus tard, de la demande de règlement du litige que lui a présentée la société ; que la somme due à la société MATTRESS LIMOUSIN portera intérêts au taux légal à compter du 19 mai 1988, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal ;
Sur l'appel en garantie du département de la Seine-Saint-Denis à l'encontre de la ville de Bobigny :
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la responsabilité de la ville de Bobigny ne saurait être engagée ni en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage ni en raison d'une prétendue faute de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ; que, dans ces conditions, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel au bénéfice du département de la Seine-Saint-Denis et de la commune de Bobigny :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; que le département de la Seine-Saint-Denis qui succombe à l'instance ne peut, dès lors, prétendre au bénéfice de ces dispositions ; qu'il n'y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la commune de Bobigny ;
Article 1er : Le département de la Seine-Saint-Denis est condamné à payer à la société anonyme ABEILLE ASSURANCES la somme de 19.570,14 F et à la société MATTRESS LIMOUSIN la somme de 29.188,15 F ; la somme due à la société anonyme ABEILLE ASSURANCES portera intérêts à compter du 8 décembre 1987 ; la somme due à la société MATTRESS LIMOUSIN portera intérêts à compter du 19 mai 1988.
Article 2 : Le jugement n° 8804836 en date du 14 mars 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme ABEILLE ASSURANCES et de la société MATTRESS LIMOUSIN est rejeté.
Article 4 : L'appel en garantie du département de la Seine-Saint-Denis à l'encontre de la ville de Bobigny est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du département de la Seine-Saint-Denis et de la commune de Bobigny tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.