La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/1992 | FRANCE | N°89PA01165

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 02 février 1992, 89PA01165


Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par la société anonyme Lanvin Trade Marks ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la société anonyme Lanvin Trade Marks ayant son siège ..., par la SCP Bore et Xavier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au

secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat respectivem...

Vu l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par la société anonyme Lanvin Trade Marks ;
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la société anonyme Lanvin Trade Marks ayant son siège ..., par la SCP Bore et Xavier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat respectivement les 1er avril et 1er août 1988 ; la société Lanvin Trade Marks demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 62559/1 du 2 février 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1978, 1979, 1980, 1981 et 1982 dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) de prononcer la décharge réclamée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 1992 :
- le rapport de M. Lotoux, conseiller,
- et les conclusions de M. Bernault, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que, si la société Lanvin Trade Marks soutient que le jugement attaqué est "intervenu sur une procédure irrégulière" et "est entaché d'insuffisance et de contradiction de motifs et de défaut de réponse à conclusions", elle n'assortit ces griefs d'aucune précision de nature à en apprécier la portée ; que, par suite, ces moyens doivent être écartés ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, que les moyens tirés d'une méconnaissance, par l'administration, des droits et garanties des contribuables vérifiés prévues par les articles L.47 et suivants et L.57 et suivants du livre des procédures fiscales sont dépourvus de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, lesdits moyens ne sauraient être accueillis ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que dans la notification de redressements en date du 28 janvier 1981 le vérificateur s'est borné à constater que la société vérifiée avait, par un "accord de licence" du 1er mars 1978, concédé à la société Lanvin parfums Inc le droit d'exploiter des marques acquises par elle aux termes d'un acte passé le 5 janvier 1978 ; qu'ainsi l'administration, qui, à aucun stade de la procédure contentieuse n'a indiqué remettre en cause la nature et la portée des clauses de cet "accord de licence", ne peut être regardée, contrairement à ce que soutient la société requérante, comme ayant entendu user en l'espèce de la procédure de répression des abus de droit ; que, par suite, elle n'était pas tenue, en tout état de cause, de soumettre le redressement litigieux à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit prévu à l'article 1649 quinquies B, alors en vigueur, du code général des impôts ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable en l'espèce : " ... 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient ... l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois ces produits doivent être pris en compte : pour les prestations continues ... au fur et à mesure de l'exécution" ; que ces dispositions sont applicables pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 dudit code ;

Considérant qu'il ressort des stipulations du contrat susmentionné du 1er mars 1978 que la société Lanvin Trade Marks a concédé à la société Lanvin parfums Inc, pour une durée de soixante années, le droit d'utiliser les marques déposées dont elle est propriétaire ainsi que les formules, procédés, modèles de conditionnement et autres savoir-faire de la ligne Lanvin sur le territoire des Etats-Unis, de Porto-Rico et du Canada et qu'en "paiement de la redevance totale" couvrant la durée de cet accord de licence la société Lanvin parfums Inc a mis "à la disposition" de la société Lanvin Trade Marks "72.726 parts de ses actions privilégiées, d'une valeur de 100 dollars chacune" soit une contre-valeur au cours du jour de cette devise de 31.054.000 F ; que la société requérante qui soutient que l'opération litigieuse correspond à la cession d'un élément incorporel de son actif immobilisé conteste les impositions supplémentaires qui lui ont été assignées à raison de la réintégration d'un soixantième de ladite somme dans ses bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun au titre des exercices clos le 31 décembre des années 1978 et 1979 ;
Considérant, en premier lieu, que l'actif immobilisé d'une entreprise se compose de l'ensemble des biens de toute nature qui ont été acquis par l'entreprise non pas pour être vendus, mais pour être utilisés d'une manière durable comme instrument ou moyen d'exploitation dans le cadre de l'activité professionnelle de ladite entreprise ;
Considérant que la société Lanvin Trade Marks, qui a acquis les marques de la ligne Lanvin par acte du 5 janvier 1978, a pu régulièrement inscrire à l'actif de son bilan ces immobilisations incorporelles en vue de les exploiter, ainsi qu'elle le soutient, conformément à son objet social ; que, toutefois, ayant exploité lesdites marques dans les conditions susrappelées de l'accord de licence du 1er mars 1978 moyennant une redevance globale perçue d'avance et couvrant la durée dudit contrat, elle ne peut, dès lors, valablement soutenir que cette opération, fût-elle l'occasion pour elle de disposer d'un nouvel élément d'actif constitué par des titres de la société Lanvin parfums Inc, puisse être regardée de ce fait comme un apport à cette société d'un élément incorporel de son actif ; que cette modalité de paiement par anticipation des redevances annuelles afférentes aux prestations fournies au bénéficiaire de l'accord de licence est sans influence sur le caractère de recettes d'exploitation des redevances en cause ; que, par suite, les réintégrations litigieuses procèdent d'une exacte application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts ;
Considérant, en deuxième lieu, que la concession des droits de marque n'ayant pas, ainsi qu'indiqué ci-dessus, le caractère d'une cession d'un élément d'actif immobilisé, la société requérante ne peut, dès lors, utilement invoquer en l'espèce le bénéfice du régime fiscal des plus-values prévu tant par l'article 39 duodecies et l'article 39 terdecies du code général des impôts, précisés par l'instruction administrative du 18 mars 1966, que par l'article 210 B du même code relatif aux apports partiels d'actif soumis à un agrément du ministre de l'économie et des finances ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne saurait davantage utilement invoquer, à l'appui de sa contestation de l'imposition litigieuse, la possibilité d'une double imposition pouvant résulter d'une éventuelle taxation des dividendes de ses actions de la société Lanvin parfums Inc ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la convention fiscale du 28 juillet 1967 modifiée, conclue entre la France et les Etats-Unis : "1. Les redevances provenant de sources situées sur le territoire d'un Etat contractant et perçues par un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat" ; que le contribuable, bénéficiaire des redevances litigieuses, ayant la qualité de résident de France, a dès lors été, à bon droit, assujetti à l'impôt en France ; que, par suite, la société requérante, qui n'établit pas avoir été imposé aux Etats-Unis à raison de ces mêmes redevances, ne peut, en tout état de cause, valablement soutenir qu'elle aurait également fait l'objet à ce titre d'une double imposition ;
Sur les pénalités :
Considérant que les intérêts de retard, seuls appliqués en l'espèce, n'ont pas le caractère d'une sanction au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; que, par suite, le moyen tiré, par la société requérante, du défaut de motivation desdites pénalités est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Lanvin Trade Marks n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la société Lanvin Trade Marks est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA01165
Date de la décision : 02/02/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-04,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - PROFITS DE TOUTE NATURE -Concession d'exploitation de marque rémunérée par des titres de la société concessionnaire - Recettes imposables (1).

19-04-02-01-03-04 Concession d'exploitation de marques de longue durée (60 ans) rémunérée par la mise à la disposition de la société concédante d'actions de la société concessionnaire. Cette opération ne constitue pour la société concédante ni un apport, ni une cession d'élément d'actif mais la concession du droit d'exploiter des marques, génératrice de recettes d'exploitation. La redevance globale représentée par la valeur des actions mises à sa disposition est à répartir sur la durée de la concession (application de l'article 38-2 bis du code général des impôts).


Références :

CGI 1649 quinquies B, 38, 209, 39 terdecies, 39 duodecies, 210 B
CGI Livre des procédures fiscales L47, L57
Convention fiscale du 28 juillet 1967 France Etats-Unis d'Amérique art. 11
Instruction du 18 mars 1966
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1

1.

Cf. CE, 1989-10-25, Société Caterpillar France, 69009


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: M. Lotoux
Rapporteur public ?: M. Bernault

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1992-02-02;89pa01165 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award