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10/12/1991 | FRANCE | N°90PA00380

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 10 décembre 1991, 90PA00380


VU le recours présenté par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; il a été enregistré au greffe de la cour le 19 avril 1990 ; le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 72-260/2 en date du 5 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Bolle et Cie la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des indemnités de ret

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VU le recours présenté par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; il a été enregistré au greffe de la cour le 19 avril 1990 ; le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 72-260/2 en date du 5 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Bolle et Cie la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des indemnités de retard y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1979 ;
2°) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société Bolle et Cie ;
3°) d'ordonner le reversement de la somme de 83.644,80 F allouée au titre de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la VIème directive du Conseil n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 et notamment son article 9 ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 1991 :
- le rapport de M. LOTOUX, conseiller,
- les observations de la SCP COLLIN, MILCHIOR et associés, avocat à la cour, pour la société Bosse et Cie,
- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, Com-missaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions relatives à l'imposition en litige :
En ce qui concerne la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1990 : "A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au MINISTRE CHARGE DU BUDGET. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué en date du 5 décembre 1989 a été notifié au directeur des services fiscaux de la direction des vérifications de la région Ile-de-France Est le 21 décembre 1989 ; que le recours par lequel le MINISTRE CHARGE DU BUDGET fait appel de ce jugement a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 19 avril 1990, soit avant l'expiration du délai de quatre mois qui lui était imparti en application des dispositions précitées de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen tiré par la société Bolle et Cie de la tardiveté du recours manque en fait ;
En ce qui concerne le principe de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 259 B du code général des impôts pris pour l'adaptation de la législation nationale aux objectifs définis à l'article 9 de la sixième directive du Conseil des ministres de la Communauté européenne en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : "Egalement par dérogation aux dispositions de l'article 259, les prestations suivantes : ... prestations de publicité ... sont imposables en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le bénéficiaire est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. Elles ne sont pas imposables en France même si le prestataire est établi en France lorsque le bénéficiaire est établi hors de la Communauté économique européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A. Bolle et Cie a conclu, le 28 novembre 1978, un accord avec la société de droit belge "Bass" aux termes duquel elle était chargée de réaliser et mettre en oeuvre un vaste programme promotionnel pour faire connaître la bière "Bass" au public français ; que, dans le cadre de cet accord, la société anonyme Bolle et Cie a organisé une "opération-évènement", en 1979, en créant sur le quai d'Iéna, à Paris, un pôle publicitaire comportant un port anglais reconstitué, une terrasse, un podium et un bateau, le tout servant de support à la publicité de la bière "Bass" ; que le site ainsi créé a été utilisé pour la dégustation gratuite de la bière "Bass" par le public et pour les invitations de personnalités du monde du sport, de la télévision et du spectacle ; que les manifestations publicitaires organisées sur place étaient annoncées dans la presse et par les radios périphériques et n'ont donné lieu à aucune perception de recettes ; que le budget total de cette opération a été fixé à 2.290.500 F et a fait l'objet d'une facturation en six tranches échelonnées sur l'année 1979 et mentionnant que la taxe sur la valeur ajoutée relative à cette "opération-évènement" était due en Belgique en vertu des dispositions de l'article 259 B du code général des impôts ; que pour assujettir à la taxe sur le territoire français une partie des sommes facturées à la société "Bass", soit un total de 1.719.730 F hors taxe, le service a estimé que les invitations, la location du bateau, les cachets des artistes, les frais de podium et de gardiennage ainsi qu'une partie des honoraires ne pouvaient être regardés comme des prestations de publicité au sens des dispositions de l'article 259 B ; qu'à l'appui de son recours le ministre soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, ces opérations, par leur nature n'avaient pas le caractère de prestations de publicité ouvrant droit à l'exonération de taxe prévue par ledit article et qu'en toute hypothèse, elles étaient passibles de la taxe sur la valeur ajoutée tant en vertu de l'article 259-A-4° du code général des impôts qu'en application de la doctrine administrative alors en vigueur ;

Considérant que la notion de "prestations de publicité" au sens des dispositions précitées de l'article 259 B du code général des impôts prises pour l'adaptation de la législation nationale aux objectifs définis à l'article 9 de la sixième directive couvre l'ensemble des opérations qui y concourent effectivement ; que si les diverses actions entreprises participent à une finalité unique, exclusivement publicitaire, elles doivent, dès lors, et quelle que soit la forme de ces interventions en direction du public, être regardées comme procédant directement de l'exécution d'une prestation unique dont elles sont indissociables ; qu'il s'ensuit, eu égard aux circonstances susrappelées, que la société anonyme Bolle et Cie a réalisé par l'ensemble des opérations mises en oeuvre en exécution du contrat de promotion publicitaire de la bière "Bass" prévoyant une rémunération globale, fût elle échelonnée dans son paiement, des "prestations de publicité" au sens de l'article susvisé du code ; que lesdites prestations, par leur objet, n'étant pas au nombre de celles visées au 4° de l'article 259-A du code, le ministre ne saurait utilement justifier l'imposition litigieuse en se fondant sur ce texte ni davantage, et en tout état de cause, en se prévalant de la doctrine administrative exprimée dans l'instruction du 14 décembre 1983 référencée 3A-28-83 ; que, par suite, et dès lors qu'il est constant que le bénéficiaire des prestations de publicité fournies par la société anonyme Bolle et cie est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à ladite société la décharge au titre de l'année 1979, du complément de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 302.676 F ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions relatives au bénéfice des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 reprises à l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200-4 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce : " ... Les pièces et documents joints à la requête ou aux mémoires produits sont, dès réception, adressés d'office en communication à l'administration" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le mémoire de la société Bolle et Cie enregistré au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 1989 contenait des conclusions nouvelles tendant au bénéfice de l'article 1er du décret susvisé ; que les pièces justificatives accompagnant ledit mémoire n'ayant pas été communiquées à l'administration par le tribunal administratif, le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté sur ce point ; que, par suite, l'article 2 du jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer la demande présentée à ce titre par la société Bolle et Cie devant le tribunal administratif et d'y statuer immédiatement ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 5 décembre 1989 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de la société Bolle et Cie tendant à l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 90PA00380
Date de la décision : 10/12/1991
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - TERRITORIALITE - Prestations de publicité - Notion.

19-06-02-01-02 Constituent des composantes indissociables d'une prestation de publicité, les diverses actions entreprises qui participent à une finalité unique, exclusivement publicitaire, quelle que soit la forme de ces interventions en direction du public. Dès lors, les sommes perçues par une entreprise française en contrepartie de la fourniture à une entreprise belge d'une telle prestation de publicité ne sont pas taxables en France à la taxe sur la valeur ajoutée.

PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - REMBOURSEMENT DES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS - Bénéfice de l'article R - 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel - Nécessité de respecter le caractère contradictoire de la procédure.

54-06-05-11 Irrégularité du jugement d'un tribunal administratif rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure dès lors que n'ont pas été communiquées à l'administration les pièces justificatives jointes au mémoire contenant des conclusions nouvelles par lequel le contribuable demandait le remboursement de frais irrépétibles.


Références :

CGI 259 B, 259
CGI Livre des procédures fiscales R200-18, R200-4
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: M. Lotoux
Rapporteur public ?: Mme de Segonzac

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1991-12-10;90pa00380 ?
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