VU la requête présentée par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; elle a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 22 mai 1990 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8706068/1 en date du 14 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme "Hauts Fourneaux Réunis de Saulnes et Uckange" la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1980 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de décider que la société "Hauts Fourneaux Réunis de Saulnes et Uckange" sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1980 à raison de l'intégralité des droits et pénalités dégrévés par le tribunal administratif ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 1991 :
- le rapport de M. GAYET, conseiller,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôts sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1 ... le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises ... - 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt ... L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. - 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient ..." ; que, par cours du jour à la clôture de l'exercice, au sens des dispositions de l'article 38, il y a lieu d'entendre, s'agissant des marchandises dont une entreprise fait le commerce, le prix auquel, à cette date, cette entreprise peut, dans les conditions de son exploitation à cette même date, normalement escompter vendre les biens qu'elle possède en stock ;
Considérant que la société anonyme "Les Hauts Fourneaux Réunis de Saulnes et d'Uckange" aux droits de laquelle se trouve la société anonyme "Lorfonte", qui avait pour objet la fabrication de fonte, avait constitué à la clôture de l'exercice 1980 une provision au titre des frais futurs de commercialisation de ses stocks d'un montant de 539.745 F ; qu'il n'est pas contesté que le prix que la société pouvait escompter obtenir de la vente des biens en stock à la clôture de l'exercice excédait le prix de revient ; que, dès lors, la provision litigieuse ne trouve pas de base légale dans les dispositions précitées du 3 de l'article 38 du code général des impôts ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 39, également applicable en matière d'impôt sur les sociétés : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... - 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice et figurent au relevé des provisions prévu à l'article 54 " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut, sans qu'y fassent obstacle les règles d'évaluation des stocks définies au 3 de l'article 38, déduire de ses bénéfices imposables, en application des dispositions du 5° de l'article 39 du code général des impôts, une provision si, à la clôture de l'exercice, il est prévisible que la cession des matériels en stock fera apparaître une perte du fait de la différence, telle qu'elle peut être appréciée à la clôture de l'exercice, entre, d'une part, le prix de vente des marchandises escompté à cette date et, d'autre part, le prix de revient total desdites marchandises à la date de la vente, c'est-à-dire le prix de revient à la clôture de l'exercice majoré de l'évaluation prévisionnelle des charges liées à la vente ;
Considérant que si l'administration soutient que la perte n'est ni probable ni liée à des événements intervenus au cours de l'exercice de comptabilisation, les perspectives de la conjoncture et l'existence du stock de produits sidérurgiques destinés à être commercialisés à brève échéance autorisaient la société à constituer la provision litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de la société ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET est rejeté.