La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/1991 | FRANCE | N°89PA01973

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 18 juin 1991, 89PA01973


VU la requête et le mémoire ampliatif présentés pour M. Didier X..., demeurant ..., par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat au Conseil d'Etat à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au greffe de la cour les 31 mars 1989 et 16 octobre 1989 ; M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements n° 61642/2 et 67161/2 des 28 juin et 15 décembre 1988 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981 ;
2°) de prononcer la déchar

ge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU ...

VU la requête et le mémoire ampliatif présentés pour M. Didier X..., demeurant ..., par la SCP DELAPORTE-BRIARD, avocat au Conseil d'Etat à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au greffe de la cour les 31 mars 1989 et 16 octobre 1989 ; M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements n° 61642/2 et 67161/2 des 28 juin et 15 décembre 1988 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 1991 :
- le rapport de Mme SIMON, conseiller,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 26 avril 1991 postérieure à l'introduction de la requête, la direction générale des impôts a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités du complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1979 à concurrence de la somme de 28.799 F ; que les conclusions de la requête de M. X... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
En ce qui concerne la recevabilité de la demande n° 61643/2 devant le tribunal administratif :
Considérant que M. X... a saisi, le 9 avril 1984, le directeur des services fiscaux, sans y joindre les avis d'imposition, d'une réclamation relative aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1978, 1979, 1980 et 1981 dans les rôles de la ville de Paris ; que cette réclamation a été rejetée comme non recevable, en raison de l'absence de production des avis d'imposition, par une décision du directeur du 20 septembre 1985 ; que M. X... a saisi le 29 novembre 1985 le tribunal administratif de Paris d'une requête dirigée contre cette décision et tendant à la décharge des impositions susvisées ; qu'il fait appel du jugement en date du 28 juin 1988 par lequel le tribunal a rejeté cette requête comme non recevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.197-3 du livre des procédures fiscales : "Toute réclamation doit, à peine d'irrecevabilité : ... d) être accompagnée de l'avis d'imposition ... La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d", et qu'aux termes de l'article R.200-2 du livre des procédures fiscales alinéa 5 : "Les vices de forme prévus aux a, b et d de l'article R.197-3 peuvent lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif" ; que, si par application de ces dispositions, M. X... pouvait utilement couvrir le vice dont était entachée sa réclamation au directeur en joignant les avis d'imposition à cette demande, il est constant qu'il ne les a pas produits devant le tribunal administratif ; qu'il suit de là que sa demande n'était pas recevable ;
Considérant que M. X... ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, d'instructions administratives relatives aux procédures d'imposition pour soutenir que l'administration était tenue de l'inviter à régulariser sa demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation." ;

Considérant qu'il ressort des termes de la notification du 22 décembre 1982 adressée à M. X... que l'administration lui a indiqué qu'en raison du caractère commercial et lucratif de l'"Association pour l'unification du christianisme mondial" (AUCM), cette association était assujettie à l'impôt sur les sociétés et qu'en conséquence les versements en espèces reçus de cette association devaient être considérés comme des revenus distribués imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'en ne mentionnant pas ainsi les raisons de fait pour lesquelles elle estimait devoir imposer l'association à l'impôt sur les sociétés, l'administration n'a pas satisfait aux exigences des dispositions légales précitées ; que, par suite, la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à demander la décharge des revenus de capitaux mobiliers mis à sa charge au titre des années 1980 et 1981 ;
Considérant que si l'administration demande de substituer à la base légale primitivement retenue celle des revenus d'origine indéterminée, cette substitution de base légale est subordonnée au respect de la procédure prévue par l'article 176 du code général des impôts repris à l'article L.16 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il ressort des dispositions susmentionnées et des articles 179 du code général des impôts et L.69 du livre des procédures fiscales que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration, et qu'en cas de défaut de réponse , le contribuable est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le 2 juin 1982, après la remise d'un avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, M. X... a communiqué des pièces à l'administration, celles-ci lui ont été rendues le 6 septembre 1982 le jour même où l'administration lui a adressé une demande de justification ; que si, par ailleurs, divers documents lui appartenant ont fait l'objet d'une saisie judiciaire le 8 juin 1982, M. X... ne soutient pas avoir été privé de la possibilité d'en obtenir communication conformément aux dispositions de l'article 97 du code de procédure pénale alors en vigueur ;
Considérant que les revenus bruts déclarés par M. X... se montaient à 97.998 F, 136.363 F respectivement pour les années 1980, 1981 alors qu'il résulte de l'instruction que les crédits inscrits sur son compte bancaire se montaient pour les mêmes années à 262.606 F et 343.782 F ; que les discordances ainsi constatées étaient suffisantes pour permettre au vérificateur de demander au contribuable de fournir des justifications ; que, sous réserve des justifications admises les réponses de M. X... qui se borne à faire état de versements effectués pour le compte de tiers sur son compte bancaire sans produire des documents de nature à établir cette allégation équivalent à un défaut de réponse justifiant la substitution de base légale demandée par l'administration.

Considérant que M. X... qui a la charge de prouver l'exagération de l'évaluation administrative n'a pas produit devant le juge de l'impôt de documents établissant que, comme il le soutient, les crédits bancaires taxés auraient été perçus pour le compte d'une association dont il est membre et à laquelle il les aurait reversés ;
Considérant qu'il suit de là qu'il y a lieu de prononcer la substitution de base légale demandée par l'administration ;
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit la procédure de taxation d'office a été légalement suivie pour les années 1980 et 1981 ; qu'en ce qui concerne l'année 1978 dès lors que les revenus bruts déclarés de M. X... se montaient à 63.691 F et que les crédits portés à son compte bancaire s'élevaient à la somme de 138.171 F l'administration doit être regardée comme ayant réuni à cette date des éléments suffisants pour lui permettre d'établir que l'intéressé pouvait avoir disposé des revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés ;
Considérant qu'en cas de taxation d'office, le contribuable ne peut obtenir par voie contentieuse la décharge ou la réduction de la cotisation qui lui a été assignée qu'en apportant la preuve de l'exagération de son imposition ;
Considérant, en premier lieu, que M. X... soutient que différentes sommes correspondent à des dons au profit d'une association, dont il est membre, et à laquelle il les aurait reversées ainsi qu'au remboursement par cette association de frais qu'il avait assumés pour son compte ; que si l'intéressé produit les avis de dépôt de chèques sur son compte bancaire, les opérations décrites ne précisent ni leur objet, ni leur origine ; que ces documents n'établissent pas ainsi la réalité des dons et des remboursements allégués ; qu'enfin M. X... n'établit pas avoir reversé les sommes prétendument perçues pour le compte de cette association ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir, en ce qui concerne les droits simples, que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande ;
En ce qui concerne les traitements et les salaires :
Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts : "Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... ayant rompu l'engagement qu'il avait pris de servir l'Etat, en sa qualité d'ancien élève de l'école polytechnique, aux fins d'être embauché par un employeur relevant du secteur privé a été contraint de rembourser à l'Etat ses frais d'étude ; que si cette dette a été faite pour l'acquisition d'un revenu, la somme qui lui a été versée par son nouvel employeur à titre de participation à ce remboursement doit être regardée comme une "indemnité" qui, en vertu des dispositions de l'article 79 du code général des impôts, doit être prise en compte dans la catégorie des "traitements, salaires, pensions et rentes viagères" pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ;
Considérant que M. X... ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, alors en vigueur, d'une réponse Bourg-Broc, étrangère à l'imposition des sommes perçues d'un employeur ;
En ce qui concerne les pénalités afférentes aux revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, qu'en faisant valoir que les dissimulations de recettes sont intervenues de façon systématique et que l'intéressé a soustrait en toute connaissance de cause les revenus d'origine indéterminée des bases d'imposition, l'administration ne justifie pas que le contribuable se serait abstenu de déclarer lesdites sommes dans des conditions révélatrices de l'absence de bonne foi ; que celle-ci n'est pas davantage établie par l'importance desdits redressements ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder à M. X... la décharge de la majoration pour absence de bonne foi dont la taxation des revenus d'origine indéterminée a été assortie en vertu de l'article 1729 du code général des impôts, en y substituant toutefois les intérêts de retard prévus à l'article 1728 du même code qui n'ont pas à être motivés, dans la limite, pour chacune des années d'imposition, du montant de ladite majoration ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts que les intérêts de retard sont dus de plein droit sur la base de l'imposition à laquelle ils s'appliquent dès lors que l'insuffisance des chiffres déclarés excède le dixième de la base d'imposition ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'action de l'administration n'est pas atteinte par la prescription au moment où elle met en recouvrement les droits omis, les intérêts légalement applicables à ces droits ne peuvent être eux-mêmes atteints par la prescription ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de mise en recouvrement du complément d'impôt sur le revenu de l'année 1978, l'action de l'administration n'était pas atteinte par la prescription laquelle avait été interrompue par une notification de redressements du 9 novembre 1982 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les pénalités auraient été prescrites pour l'année 1978 n'est pas fondé ;
Sur l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article R.222 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 20.000 F au titre des sommes exposées par lui ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 28.799 F en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1979, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 : Les intérêts de retard sont substitués, dans la limite du montant des pénalités de mauvaise foi aux pénalités mises à la charge de M. X... et afférentes à la taxation des revenus d'origine indéterminée relatifs aux années 1978, 1980 et 1981.
Article 3 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant des pénalités qui lui ont été assignées et celui résultant de l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 décembre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA01973
Date de la décision : 18/06/1991
Sens de l'arrêt : Non-lieu partiel réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-07-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGERES - PERSONNES ET REVENUS IMPOSABLES -Revenus imposables dans la catégorie des traitements et salaires - Divers - Imposable dans la catégorie des traitements et salaires - Prise en charge par l'employeur du remboursement des frais de scolarité dus par un ancien élève de l'Ecole Polytechnique.

19-04-02-07-01 Un ancien élève de l'Ecole Polytechnique, recruté par un employeur du secteur privé, a rompu son engagement de servir l'Etat et a dû, en conséquence, rembourser à l'Etat ses frais d'études. La somme que lui alloue son nouvel employeur comme participation à ce remboursement a, en application de l'article 79 du code général des impôts, la nature d'une "indemnité" qui doit être prise en compte dans la catégorie des "traitements, salaires, pensions et rentes viagères" pour l'assiette de l'impôt sur le revenu.


Références :

CGI 176, 179, 79, 1649 quinquies E, 1729, 1728
CGI Livre des procédures fiscales R197-3, R200-2, L80, L57, L16, L69
Code de procédure pénale 97
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222


Composition du Tribunal
Président : M. Chanel
Rapporteur ?: Mme Simon
Rapporteur public ?: M. Bernault

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1991-06-18;89pa01973 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award