VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" ;
VU la requête présentée par la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" dont le siège social est ..., légalement représentée par son président-directeur général ; elle a été enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 22 janvier 1988 ; la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer les jugements n° 55033 et 55034 en date des 14 mai 1987 et 12 novembre 1987 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de la retenue à la source et des compléments d'impôts sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1978, 1979 et 1980 dans les rôles de la ville de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 14 février 1991 :
- le rapport de Mme SIMON, conseiller,
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 8 décembre 1989 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur de la direction des vérifications de la région d'Ile-de-France Est a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 44.889 F, de la retenue à la source à laquelle la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" a été assujettie au titre de l'année 1979 ; que les conclusions de la requête de la S.A. "BALZAROTTI et U.N.M. Réunis" relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur les conclusions restant en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : " ... Les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admises comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. Pour l'application de l'alinéa qui précède, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également à tout versement effectué sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des Etats ou territoires visés au même alinéa" ;
Considérant que l'administration a, sur le fondement des dispositions précitées, exclu des charges déductibles et réintégré dans le bénéfice imposable de la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" pour les exercices clos les 31 décembre des années 1978, 1979 et 1980 des commissions d'un montant respectivement de 153.657 F, 238.158 F et 386.459 F versées en 1978 à la société "Intertrad" dont le siège se trouve en Suisse, et en 1979 et 1980 au "Zehner Anstalt" dont le siège se trouve au Lichtenstein ; qu'en outre, en application des dispositions de l'article 109-1-1° du code général des impôts, elle a regardé les commissions versées au "Zehner Anstalt", comme des revenus distribués devant être soumis à la retenue à la source prévue à l'article 119 bis 2 du même code ; que le contribuable ne conteste pas que la société "Intertrad" et le "Zehner Anstalt" sont soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A précité ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Considérant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est compétente pour apprécier le caractère réel d'une opération et le caractère anormal ou exagéré de sa rémunération ; que, par suite, c'est à tort que dans sa séance du 21 février 1983, cette commission s'est déclarée incompétente pour apprécier le caractère fictif des commissions versées à la société "Intertrad" et au "Zehner Anstalt" et leur caractère anormal ou exagéré ; que cette circonstance qui n'est pas de nature à vicier la procédure a pour seul effet de mettre à la charge de l'administration la preuve des éléments de fait dont elle se prévaut ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Sur l'impôt sur les sociétés :
Considérant que par conventions en date des 31 août 1976 et 20 septembre 1978 passées respectivement avec la société "Intertrad" et le "Zehner Anstalt", la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" leur a confié la mission de la représenter auprès de tous fournisseurs de meubles installés en Italie et d'effectuer toutes démarches auprès de ceux-ci et des administrations moyennant le paiement des frais engagés dans ces opérations ; que l'administration ne conteste pas la réalité de ces conventions ; que la réalité de l'intervention de la société "Intertrad" et du "Zehner Anstalt" dont les intérêts ne se confondaient pas avec ceux de la société française est corroborée par l'évolution du montant des achats conclus avec des artisans italiens qui se sont élevés à 1.900.000 F en 1978, 2.505.814 F en 1979 et 3.132.000 F en 1980 ; que l'administration n'établit pas, dans les circonstances de l'espèce, que les sommes versées à ces intermédiaires présentent eu égard aux usages du commerce dans le secteur d'activité concerné et au montant du chiffre d'affaires rappelé un caractère anormal ou exagéré pour l'application des dispositions de l'article 238 A précité du code général des impôts ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort de l'article 240 du code général des impôts que les chefs d'entreprise qui versent, à l'occasion de l'exercice de leur profession, à des tiers ne faisant pas partie de leur personnel salarié, notamment des commissions, doivent les déclarer en faisant ressortir distinctement pour chacun des bénéficiaires le montant des remboursements de frais qui lui ont été alloués ; qu'il est constant que la société requérante n'a pas déclaré les commissions versées à la société "Intertrad" et au "Zehner Anstalt" ; que le moyen tiré de ce que, d'une part, ces deux entités ont la qualité de commerçant, d'autre part, les commissions versées comportent pour partie des remboursements de frais est inopérant ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir sur la base de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la position prise précédemment par l'administration pour des exercices antérieurs à ceux dont s'agit ;
Sur la retenue à la source :
Considérant qu'il ressort de l'article 119 bis - 2 du code général des impôts que les revenus distribués donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur siège en France ; que, par suite, dès lors que la société requérante a versé au "Zehner Anstalt" des commissions et ne lui a pas distribué des revenus de capitaux mobiliers, il y a lieu de prononcer la décharge de la retenue à la source à laquelle la société a été assujettie sur la base de l'article 119 bis - 2 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société "BALZAROTTI et UNM Réunis" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en tant qu'il a refusé de lui accorder la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1978 et 1980 ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 44.889 F en ce qui concerne la retenue à la source à laquelle la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" a été assujettie au titre de l'année 1979, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SA "BALZAROTTI et UNM Réunis".
Article 2 : La SA "BALZAROTTI et UNM Réunis" est déchargée de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1978 et 1980.
Article 3 : Les jugements du tribunal administratif de Paris en date des 14 mai 1987 et 12 novembre 1987 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.