VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 5e sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par M. CHIEN CHOW Y... ;
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. René X... CHOW Y..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs Didier et Caroline, demeurant ... par la S.C.P. DESACHE-GATINEAU, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4 mars et 24 juin 1988 ; M. CHIEN CHOW Y... demande au Conseil d'Etat ;
1°) d'annuler un jugement n° 382-84 en date du 2 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier départemental Félix Guyon soit déclaré responsable du décès de Mme Danièle X... CHOW Y... survenu le 6 juillet 1979 à la suite d'un accouchement ;
2°) de condamner ledit centre hospitalier à lui verser une indemnité de 550.000 F, soit 150.000 F pour lui-même et 200.000 F pour chacun de ses enfants, augmentée des intérêts ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 18 septembre 1990 :
- le rapport de Mme MESNARD, conseiller,
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le moyen tiré par M. CHIEN CHOW Y... de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, il ne peut qu'être écarté ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi lors de l'instance pénale, que l'obésité dont était atteinte Mme CHIEN CHOW Y... "rendait considérable le risque de toute intervention chirurgicale et de toute anesthésie" ; que, compte tenu de ce risque, la circonstance que l'anesthésie générale dont elle a été l'objet le 1er juillet 1979 au centre hospitalier départemental Félix Guyon à Saint-Denis (Réunion) en vue d'y subir une césarienne ait été conduite par deux infirmières aides-anesthésistes qui se sont relayées au cours de l'intervention, sans qu'aient été, au préalable, effectués une radiographie pulmonaire et un bilan cardio-vasculaire et sans que le médecin anesthésiste ait été prévenu de l'opération et de l'état de la patiente, a été constitutive d'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier qui a compromis les chances qu'avait la patiente de survivre au bronchospasme dont elle a été victime pendant l'intervention ; qu'il s'ensuit que M. CHIEN CHOW Y..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a refusé de déclarer le centre hospitalier départemental Félix Guyon responsable du décès de Mme Chien Chow Y... ;
Sur le préjudice :
Considérant, que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. CHIEN CHOW Y... et ses deux enfants du fait du décès de leur épouse et mère en condamnant le centre hospitalier départemental Félix Guyon à verser à M. CHIEN CHOW Y... une indemnité de 220.000 F, soit 100.000 F pour lui-même et 60.000 F pour chacun de ses deux enfants ; Sur les intérêts :
Considérant que M. CHIEN CHOW Y... a droit à ce que les intérêts de la somme susmentionnée de 220.000 F courrent à compter du 15 décembre 1983, date de réception par le centre hospitalier départemental Félix Guyon de sa demande préalable d'indemnisation ;
Article 1er : Le jugement n° 382-84 du tribunal administratif de Saint-Denis en date du 2 décembre 1987 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier départemental Félix Guyon à Saint-Denis versera à M. CHIEN CHOW Y... une indemnité de 220.000 F, soit 100.000 F pour lui-même et 60.000 F pour chacun de ses deux enfants.
Article 3 : La somme susmentionnée de 220.000 F portera intérêts à compter du 15 décembre 1983.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. CHIEN CHOW Y... est rejeté.