Vu la requête présentée par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 13 février 1989 ; le MINISTRE demande à la cour :
1°) d'annuler un jugement n° 932/TAP/87 en date du 8 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Papeete a annulé sa décision implicite rejetant la demande de M. Gérard X... et condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 518.196 FCP, augmentée des intérêts, en remboursement de ses loyers ainsi qu'une somme de 120.000 FCP en réparation du préjudice subi du fait du non remboursement des sommes dues ;
2°) de rejeter la demande de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 modifié par le décret n° 85-1237 du 25 novembre 1985 ;
Vu le décret n° 83-1O25 du 28 novembre 1983 ;
Vu les arrêtés des 6 janvier 1986 et 24 juin 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 10 juillet 1987 :
- le rapport de Mme MESNARD, conseiller ;
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la demande de remboursement de loyers présentée par M. X... couvrait la période de son séjour en Polynésie Française s'étendant du 1er mai 1985 au 30 septembre 1988 ; que cette demande devait être examinée au regard de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967, portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer, dans sa rédaction antérieure à sa modification par le décret du 25 novembre 1985, pour la période courant jusqu'à l'entrée en vigueur de ce décret, puis, pour la période postérieure, au regard des dispositions de l'article 1er du décret précité du 25 novembre 1985 ; que l'arrêté interministériel du 6 janvier 1986 pris pour son application ayant été publié au journal officiel de la République française le 23 janvier 1986, la date d'entrée en vigueur, pour les agents de l'Etat, du décret du 25 novembre 1985 doit être fixée au 25 janvier 1986 ;
- Sur les droits à remboursement de M. X... au titre de la période du 1er mai 1985 au 24 janvier 1986 inclus :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 novembre 1967, portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'Outre-Mer : "Les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat mariés ayant la qualité de chef de famille, veufs, divorcés ou célibataires, en poste dans les territoires d'Outre-Mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie" ; qu'aux termes de l'article 6 du dit décret dans sa rédaction alors applicable : "Au cas où, faute de logement et d'ameublement administratifs, les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat visés à l'article 1er seraient obligés de se loger et de se meubler à leurs frais, ils seront admis, sur présentation de la quittance remise par le propriétaire au remboursement du loyer. Ce remboursement ne pourra toutefois pas excéder un montant maximum fixé par un arrêté conjoint du ministre d'Etat chargé de la fonction publique, du ministre d'Etat chargé des départements et territoires d'Outre-Mer et du ministre de l'économie et des finances. De ce remboursement sera déduite la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service" ;
Considérant que l'intervention de l'arrêté interministériel fixant le montant maximum du remboursement n'est pas nécessaire à la mise en application des dispositions précitées qui ouvrent droit, au profit des fonctionnaires de l'Etat qui ne disposent pas d'un logement administratif, au remboursement des loyers acquittés par eux ; qu'ainsi la circonstance qu'aucun arrêté interministériel fixant le montant maximum du remboursement n'est, faute de publication régulière, opposable aux intéressés n'est pas de nature à les priver du droit au remboursement qu'ils tiennent des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précéde que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a, pour la période considérée, annulé la décision implicite du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE refusant à M. X... tout droit à remboursement de ses loyers et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une indemnité correspondant, après déduction de la retenue prévue par l'alinéa 3 de l'article 6 précité du décret du 29 novembre 1967, au montant des loyers qu'il a acquittés ;
- Sur les droits à remboursement de M. X... au titre de la période postérieure au 24 janvier 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er alinéa 2 du décret du 25 novembre 1985 modifiant l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 précité concernant le logement des magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'Outre-Mer lorsqu'ils ne sont pas logés par l'administration, le loyer qu'ils paient effectivement fait l'objet d'un remboursement partiel ainsi défini : "Le montant du remboursement ne pourra pas excéder la différence entre le loyer effectivement acquitté, d'une part, et, d'autre part, la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service, augmentée le cas échéant de l'un ou l'autre ou des deux éléments suivants : a) Une part égale à 25 % de la différence entre le montant de la retenue prévue à l'article 3 du décret susvisé et celui du loyer réel dans la limite du loyer plafond fixé par arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et du budget, du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des simplifications administratives ; b) Une part égale à 75 % de la partie du loyer acquitté qui excède le loyer plafond prévu ci-dessus" ;
Considérant qu'en retenant, pour déterminer la part du loyer acquitté restant à la charge des agents qui se logent par leurs propres moyens, des critères tirés du montant du traitement perçu, du coût du loyer versé dans la limite d'un plafond et de la retenue opérée sur le traitement des agents logés par l'administration, les auteurs du décret du 25 novembre 1985 n'ont pas édicté des règles qui seraient par elles-mêmes susceptibles de créer des disparités entre des agents se trouvant dans une situation comparable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour la période en cause, le tribunal administratif s'est fondé sur la violation du principe d'égalité du traitement des agents publics par le décret du 25 novembre 1985 et, par suite, sur son illégalité pour annuler la décision implicite du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE et condamner l'Etat à verser à M. X... une indemnité en application de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 dans sa rédaction antérieure à celle modifiée par le décret du 25 novembre 1985 ;
Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Papeete ;
En ce qui concerne la légalité du décret du 25 novembre 1985 :
Considérant que le moyen tiré par M. X... des erreurs que comporterait le décret du 25 novembre 1985 n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier la portée ; que, contrairement à ce qu'il soutient, la complexité des règles de remboursement instituées par ledit décret n'est pas de nature à en rendre impossible l'application ;
En ce qui concerne la légalité du refus implicite de tout remboursement opposé par le ministre à M. X... :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du décret précité du 25 novembre 1985, modifiant l'article 6 du décret du 29 novembre 1967, que l'ensemble des magistrats et fonctionnaires de l'Etat mariés ayant la qualité de chef de famille, veufs, divorcés ou célibataires en poste dans les territoires d'Outre-Mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent et qui se logent par leurs propres moyens sans avoir refusé d'occuper le logement administratif mis à leur disposition ont droit au remboursement d'une partie du loyer acquitté dans les conditions susrappelées ; que M. X... satisfait aux conditions lui permettant de bénéficier du remboursement prévu par ce texte ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ne pouvait légalement, pour la période en cause, lui refuser tout remboursement des loyers acquittés ;
En ce qui concerne le montant du remboursement dû à M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 susvisé : "Tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et réglements" ; que, par circulaire du 26 juin 1986, le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation a prévu que "les fonctionnaires présents dans le territoire d'Outre-Mer ou la collectivité territoriale avant le 1er février 1986, continueront à titre tout à fait exceptionnel, à bénéficier du remboursement de leur loyer réel ..." ; que de telles dispositions sont contraires au décret du 25 novembre 1985 ; que, par suite, M. X... ne saurait utilement s'en prévaloir ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le loyer effectivement acquitté par M. X..., supérieur au loyer plafond de 3.400 F applicable avant l'entrée en vigueur, le 9 juillet 1987, de l'arrêté du 24 juin 1987 publié au Journal Officiel de la République française le 7 juillet 1987 portant la somme précitée à 4.900 F, est, à compter de cette entrée en vigueur, devenu inférieur au nouveau loyer-plafond ; que la retenue de 15 % opérée sur son traitement a été pendant toute la période en cause inférieure, d'une part, au loyer acquitté, et, d'autre part, aux loyers-plafonds successifs ;
Considérant que les droits à remboursement de M. X... doivent être déterminés à partir des dispositions de l'article 1er alinéa 2 du décret du 25 novembre 1985 et non de celles des deux circulaires émanant du vice-recteur de Polynésie française et du ministre chargé du budget, respectivement datées des 18 novembre et 4 décembre 1986, qui, d'ailleurs, s'agissant de la première et de la troisième formule qu'elles exposent, seules applicables au cas de M. X..., sont purement interprétatives ; que, par suite, les moyens de la demande de première instance tirés de ce que ces circulaires seraient irrégulières en raison de leur complexité, de ce qu'elles ne tiendraient pas compte de la situation familiale des agents et de l'illégalité de la deuxième des formules qu'elles contiennent sont inopérants ;
Considérant, en premier lieu, que, pour la période du 25 janvier 1986 au 8 juillet 1987 inclus au cours de laquelle le loyer réellement acquitté par M. X... était supérieur au loyer-plafond, le remboursement qui lui est dû doit correspondre à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer-plafond et d'une somme égale à 75 % de la partie du loyer acquitté excédant le loyer-plafond ;
Considérant, en second lieu, que, pour la période du 9 juillet 1987 au 30 septembre 1988 inclus où son loyer réel était inférieur au loyer plafond, M. X... a droit à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté, et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer acquitté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour la période postérieure au 24 janvier 1986, le tribunal administratif de Papeete a décidé que le remboursement dû à M. X... devait correspondre à la différence entre le loyer effectivement acquitté et la seule retenue de 15 % ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé au calcul de ses droits se rapportant à la période précitée dans les conditions susindiquées ;
- Sur les intérêts :
Considérant que les sommes dues à M. X... pour la période courant du 25 janvier 1986 inclus au 3O septembre 1988 inclus devront porter intérêts au taux légal à compter de la réception par l'administration de sa demande préalable en date du 3 mai 1986 pour la partie de la créance échue à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour la partie postérieure à cette date ;
- Sur la réparation du préjudice subi par M. X... du fait du non remboursement de ses loyers :
Considérant que le refus du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS, de procéder à tout remboursement de loyers en faveur de M. X... est, dans les circonstances de l'espèce, constitutif d'un mauvais vouloir de nature à engager à son égard la responsabilité de l'Etat ; que le ministre ne conteste pas la réalité du préjudice, distinct de celui qui sera réparé par l'allocation d'intérêts, subi, de ce fait, par l'intéressé et n'établit pas l'exagération de la somme de 120.000 FCP, comprenant tous intérêts, allouée à ce titre par le tribunal administratif de Papeete ; qu'ainsi il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme précitée de 120.000 FCP en réparation du préjudice causé à celui-ci par le refus de l'administration de lui attribuer le remboursement auquel il pouvait prétendre ;
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. X... en remboursement de ses loyers par l'article 2 du jugement n° 932/TAP/87 du tribunal administratif de Papeete en date du 8 novembre 1988 est, en tant qu'elle se rapporte à la période postérieure au 24 janvier 1986, ramenée à une somme correspondant au montant cumulé des deux sommes suivantes :
- pour la période courant du 25 janvier 1986 inclus au 8 juillet 1987 inclus durant laquelle les loyers acquittés étaient supérieurs au loyer plafond de 3.400 F, une somme correspondant à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer plafond et d'une somme égale à 75 % de la partie du loyer acquitté dépassant le loyer plafond ;
- pour la période postérieure courant du 9 juillet 1987 au 30 septembre 1988 inclus, durant laquelle les loyers acquittés étaient inférieurs au loyer plafond de 4.900 F, une somme correspondant à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer acquitté.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant l'administration pour qu'il soit procédé au calcul de ses droits dans les conditions susindiquées. Les sommes dues pour les périodes citées à l'article précédent porteront intérêts à compter de la réception par l'administration de la demande préalable en date du 3 mai 1986 pour la partie de la créance échue à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour la partie postérieure à cette date.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 8 novembre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DE L'EDUCATION, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS et de la demande de M. X... sont rejetés.