Vu l'ordonnance en date du 1er février 1989 par laquelle le président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par le ministre de l'intérieur ;
Vu la requête et le mémoire ampliatif présentés par le ministre de l'intérieur ; ils ont été enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 6 octobre 1988 et 1er février 1989 ; le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat ;
1°) d'annuler le jugement n° 8709485/6 du 28 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à payer à la société Cofiroute la somme de 4O.561 F avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 1982, et capitalisation des intérêts échus le 24 décembre 1986 ;
2°) de condamner la société Cofiroute à la restitution de l'indemnité et des intérêts versés, augmentés des intérêts à compter de la date du paiement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu la convention de concession et le cahier des charges du 26 mars 1970, approuvés par décret du 12 mai 1970, et modifiés par avenants des 23 novembre 1973, 13 octobre 1977 et 21 février 1978 approuvés par décrets des 6 mars 1974, 18 novembre 1977 et 10 mars 1978 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987,
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 9 mai 1990 :
- le rapport de Mme Camguilhem, conseiller,
- les observations de la S.C.P Cécile-Blancpain, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la compagnie financière industrielle des autoroutes (Cofiroute),
- et les conclusions de M. Loloum, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention de concession en vue de la construction et de l'exploitation des autoroutes A.10 et A.11 en date du 26 mars 1970, approuvée par décret du 12 mai 1970 : "La société concessionnaire est autorisée à percevoir des péages sur l'autoroute et des redevances pour installations annexes, dans les conditions définies par le cahier des charges" ; qu'aux termes de l'article 29 du cahier des charges dans sa rédaction issue de l'avenant du 21 février 1978 approuvé par décret du 10 mars 1978 : "Les fonctionnaires tenus d'emprunter l'autoroute pour l'exercice de leurs fonctions sont exemptés des péages dans les conditions et limites fixées par une instruction du ministre chargé de l'équipement ..." ;
Considérant que dans son instruction n° 3/2 du 30 décembre 1980, à laquelle renvoie l'article 29 précité du cahier des charges, le ministre de l'équipement a pu légalement préciser que "nul ne peut bénéficier du droit de circulation en franchise de péage, s'il n'est dans l'exercice de ses fonctions et si ces fonctions n'ont pas de liens directs avec l'exploitation de l'autoroute" ; que ladite instruction précise en son point 1-3-2 : "pour ce qui concerne les agents de l'Etat, deux situations peuvent se présenter : a) l'agent appartient à une administration dont les attributions ne nécessitent pas qu'il intervienne à un titre quelconque sur l'autoroute. Dans ces conditions, tout parcours effectué sur l'autoroute doit être, soit réglé immédiatement, soit facturé à l'administration concernée, l'intéressé devant acquitter le péage dans les mêmes conditions que l'ensemble des usagers. b) l'agent appartient à une administration qui a, entre autres missions, celle de contribuer à la bonne marche du service autoroutier ou qui est dans l'obligation d'intervenir sur le réseau d'autoroutes pour l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Les parcours qu'il effectuera sur l'autoroute par simple commodité devront être facturés, aucun lien direct n'existant entre l'autoroute et la mission exercée. En revanche, ceux effectués pour assurer une mission nécessitant une intervention sur l'autoroute lui donneront droit au passage gratuit. Il devra être porteur, à cet effet, d'un titre de circulation dûment signé par son chef de service" ; qu'il résulte clairement de ces dispositions que doivent être distingués les passages sur autoroute des agents de l'Etat par simple commodité qui doivent être facturés - des interventions dans l'intérêt du service public de l'autoroute qui, seules, peuvent bénéficier de la franchise ;
Considérant que, contrairement aux allégations du ministre de l'intérieur, la rapidité de déplacement, même si elle est particulièrement nécessaire aux missions de la police nationale, est sans lien avec l'exploitation de l'autoroute ; que l'absence de droit de circulation en franchise de péage n'est pas incompatible avec la confidentialité des déplacements de police, alors surtout que le paiement s'effectue au vu des factures plusieurs mois après le passage ; qu'enfin, le ministre n'allègue pas que les passages qui ont donné lieu aux factures qu'il a refusé de payer aient été rendus nécessaires par des interventions sur l'autoroute elle-même ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les passages des personnels de police sur l'autoroute uniquement pour des motifs de rapidité de déplacement ne sont pas dispensés de péage ; que le ministre n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué qui l'a condamné à verser à la société Cofiroute la somme de 40.561 F avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 1982, et capitalisation des intérêts échus le 24 décembre 1986 ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'en l'absence de toute justification sur les dépenses engagées par la société Cofiroute, la demande de cette dernière tendant au remboursement des frais irrépétibles ne saurait être accueillie ;
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Cofiroute tendant au remboursement des frais irrépétibles sont rejetées.