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19/09/1989 | FRANCE | N°89PA00012

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 19 septembre 1989, 89PA00012


VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la société SOTRADIP, dont le siège social est ..., par Me FOUSSARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
VU la requête et le mémoire complémentaire de la société SOTRADIP ; ils ont été enregistrés les 7 avril et 7 août 1986 au secrétariat du con

tentieux du Conseil d'Etat ; la société SOTRADIP demande au Conseil d'Eta...

VU l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat pour la société SOTRADIP, dont le siège social est ..., par Me FOUSSARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
VU la requête et le mémoire complémentaire de la société SOTRADIP ; ils ont été enregistrés les 7 avril et 7 août 1986 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; la société SOTRADIP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 52817/6 du 5 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamnée, conjointement et solidairement avec Electricité de France, à payer les sommes de 35.000 F au syndicat des copropriétaires du ... (Nogent-sur-Marne) et de 385.000 F à la ville de Nogent-sur-Marne et à supporter les frais d'expertise, ainsi qu'à garantir Electricité de France des condamnations prononcées à son encontre ;
2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat précité devant le tribunal administratif de Paris ainsi que l'appel en garantie d'Electricité de France et la demande présentée par la ville de Nogent-sur-Marne dans son mémoire du 7 janvier 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-7O7 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 14 février 1989 :
- le rapport de Mme. MESNARD, conseiller ;
- les observations orales de : - Me Foussard, avocat du Conseil d'Etat à la Cour de cassation pour la société SOTRADIP ; - Me Gaschigward, avocat à la Cour substituant la S.C.P. Delaporte, Briard pour le syndicat des copropriétaires du ... ; - Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour la ville de Nogent-sur-Marne ; - la S.C.P. Coutard, Mayer pour Electri-cité de France.
- et les conclusions de M. DACRE-WRIGHT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un marché en date du 19 avril 1983, Electricité de France a confié à la société SOTRADIP la pose de câbles souterrains sur le territoire de la commune de Nogent-sur-Marne ; qu'après l'ouverture d'une tranchée par l'entreprise le long du mur de soutènement du jardin de l'immeuble sis au n° 31 de la rue Edmond Vitry, ce mur s'est partiellement effondré le 11 mai 1983 ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la partie effondrée du mur suplombait la voie publique où a été creusée la tranchée et avait pour fonction de maintenir la terre d'un jardin appartenant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble précité ; qu'ainsi, quel qu'ait pu être en tout état de cause son constructeur, elle n'avait pas le caractère d'une dépendance de cette voie ; que le syndicat a la qualité de tiers vis-à-vis des travaux publics en cause ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif que ces travaux ont été la cause directe de l'effondrement du mur ; que, si l'expert a relevé que ce mur, de construction ancienne, ne présentait pas les caractéristiques requises par les règles de l'art pour assurer son auto-stabilité, il a constaté que le mur comportait des dispositifs permettant l'écoulement des eaux et évitant toute suppression de nature à mettre en cause sa stabilité en l'absence de perturbation extérieure; que, dans ces conditions, les premiers juges ont, à juste titre, estimé qu'aucune faute des propriétaires du mur ne pouvait être retenue et condamné Electricité de France et la société SOTRADIP à supporter conjointement et solidairement l'intégralité des conséquences dommageables du sinistre ;
Sur la garantie d'Electricité de France par l'entreprise :
Considérant qu'aux termes de l'article 12-2 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux travaux exécutés pour le service de la distribution mixte et de la direction de la production et du transport d'Electricité de France auxquelles se réfère le marché : "L'entrepreneur restera seul responsable de tous dommages matériels ou corporels résultant directement ou indirectement de ses travaux qu'il s'agisse de dommages ... aux tiers, aux ouvrages publics ou aux biens publics ... Toutefois E.D.F. G.D.F. gardera à sa charge les seules conséquences de ses propres fautes" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SOTRADIP n'a pris aucune précaution pour pallier les risques dus à la proximité du mur de soutènement, n'a émis aucune réserve sur ces risques et a même démoli sans ménagement des excroissances de maçonnerie appartenant aux fondations ; que, toutefois, le plan fourni par Electricité de France à cette entreprise prévoyait la mise en place des câbles au pied du mur sans qu'aucune étude sérieuse ait été faite au préalable sur les conséquences que pourrait avoir le creusement de la tranchée destinée à recevoir les câbles sur la stabilité du mur dont elle était trop proche ; que l'erreur de conception ainsi commise par Electricité de France est constitutive d'une faute ; que cette faute d'Electricite de France décharge la société SOTRADIP de ses obligations de garantie à concurrence d'un tiers des sommes en cause ; que, dès lors, la société SOTRADIP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à garantir totalement Electricité de France des condamnations prononcées à son encontre;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne la société SOTRADIP :
Considérant qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif, la commune de Nogent-sur-Marne a fait reconstruire le mur à ses frais puis, par une demande reconventionnelle déposée après que le syndicat des copropriétaires eût renoncé à solliciter une indemnisation pour ce chef de préjudice, en a demandé le remboursement ; qu'elle n'a cependant pas précisé le montant des sommes effectivement consacrées par elle à la reconstruction et n'établit pas qu'elles aient été conformes à l'évaluation faite par l'expert ; qu'ainsi sa demande non chiffrée n'était pas recevable ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens développés par l'entreprise sur ce point, le deuxième alinéa de l'article 1er du jugement attaqué par lequel la société SOTRADIP a été condamnée à payer à la ville de Nogent-sur-Marne la somme de 385.000 F, coût de la reconstruction évalué par l'expert, doit être annulé en ce qui la concerne ;
En ce qui concerne Electricité de France :
Considérant que ce qui vient d'être dit aggrave la situation d'Electricité de France qui est, dès lors, recevable à demander par la voie de l'appel provoqué à bénéficier, ainsi que l'entreprise, de la décharge accordée à cette dernière ; que, pour les mêmes raisons, il y a lieu de faire droit à cette demande ; que, par suite, le deuxième alinéa de l'article 1er du jugement attaqué doit être également annulé en ce qui concerne Electricité de France ;
Sur les conclusions du syndicat des copropriétaires :

Considérant que les conclusions par lesquelles le syndicat demande une indemnité de 50.000 F au titre des troubles de jouissance ont le caractère d'un recours incident en tant qu'elles sont dirigées contre la société SOTRADIP et sont ainsi recevables ; que les dommages subis par le jardin du ... et l'impossibilité pour les copropriétaires de l'immeuble d'y accéder pendant plus de deux ans justifient l'attribution au syndicat d'une indemnité de 10.000 F ; que ce syndicat est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de faire droit à cette demande ;
Considérant, en revanche, que les conclusions précitées ont le caractère d'un appel provoqué en tant qu'elles sont dirigées contre Electricité de France ; que la situation du syndicat n'étant pas aggravée par le présent arrêt, ces conclusions ne sont pas recevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 35.000 F que la société SOTRADIP et Electricité de France ont été condamnées à payer, conjointement et solidairement, au syndicat doit être augmentée de la somme de 10.000 F qui sera supportée par la seule société SOTRADIP ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par le syndicat le 20 mai 1987 ; qu'à cette date, au cas où le jugement n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le deuxième alinéa de l'article 1er du jugement n° 52817/6 du 5 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné la société SOTRADIP et Electricité de France à payer conjointement et solidairement à la ville de Nogent-sur-Marne la somme de 385.000 F, est annulé.
Article 2 : La somme de 35.000 F que la société SOTRADIP et Electricité de France ont été condamnées, conjointement et solidairement, à payer au syndicat des copropriétaires du ... est augmentée de la somme de 10.000 F qui sera supportée par la seule société SOTRADIP.
Article 3 : La société SOTRADIP garantira à concurrence des deux tiers Electricité de France des condamnations prononcées à son encontre par le premier alinéa de l'article 1er, pour 35.000 F, et par l'article 2 du même jugement.
Article 4 : Le premier alinéa de l'article 1er et l'article 3 de ce jugement sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les intérêts des sommes de 35.000 F et de 10.000 F précitées, échus le 20 mai 1987, seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SOTRADIP, l'appel provoqué du syndicat des copropriétaires du 31 de la rue Edmond Vitry, le surplus des conclusions d'Electricité de France et les conclusions de la ville de Nogent-sur-Marne sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOTRADIP, à Electricité de France, à la ville de Nogent-sur-Marne, au syndicat des copropriétaires du ... et au ministre de l'Intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89PA00012
Date de la décision : 19/09/1989
Sens de l'arrêt : Annulation partielle réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - CONCLUSIONS - CONCLUSIONS IRRECEVABLES - Plein contentieux - Prétentions non chiffrées autrement que par référence à l'évaluation opérée par un expert.

54-07-01-03-02 Demande tendant au remboursement des frais de reconstruction d'un mur. Le requérant ne précisant pas le montant des sommes effectivement consacrées par lui à cette reconstruction et n'établissant pas qu'elles aient été conformes à l'évaluation faite par un expert, sa demande non chiffrée est irrecevable.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DE JOUISSANCE - Privation de jouissance d'un jardin.

60-04-03-025 Un syndicat de copropriétaires peut être indemnisé des troubles de jouissance résultant de l'impossibilité, pour les copropriétaires habitant l'immeuble attenant à un jardin, d'accéder à ce dernier en raison des dommages subis du fait de travaux publics. (Privation de jouissance de plus de deux ans indemnisée par l'allocation d'une somme de 10.000 F).


Références :

Code civil 1154


Composition du Tribunal
Président : M. Massiot
Rapporteur ?: Mme Mesnard
Rapporteur public ?: M. Dacre-Wright

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1989-09-19;89pa00012 ?
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