Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 avril 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2402043 du 15 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé l'arrêté du 9 avril 2024 attaqué ;
2°) de rejeter dans cette mesure la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de cet arrêté.
Il soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 7 mai 1981, déclare être entré irrégulièrement en France au mois de septembre 2008. Il a présenté une demande de carte de séjour temporaire au titre de l'admission exceptionnelle au séjour le 16 novembre 2017 auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. L'intéressé a fait l'objet, le 11 décembre 2018, d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, qu'il n'a pas exécuté. Le 8 avril 2024, le requérant a été placé en retenue administrative par les services de la police aux frontières de Saint-Malo. Par un arrêté du 9 avril 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Par un jugement du 15 avril 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... ne peut justifier de sa date d'entrée sur le territoire français, il verse toutefois au dossier un ensemble de documents constitués notamment de plusieurs contrats et certificats de travail en qualité de mécanicien et de carrossier à compter de 2016, d'une attestation de Pôle emploi certifiant qu'il a exercé un emploi du 2 novembre 2017 au 30 juin 2018, de ses avis d'imposition dont notamment ceux afférents aux années 2014, 2015, 2018 et 2020, des baux d'habitation conclus les 1er octobre 2016 et 6 janvier 2018. L'intéressé produit également une attestation datée du 9 avril 2024 établissant qu'il a ouvert un compte en 2013 dans un établissement bancaire français et qu'il y a réalisé des opérations courantes ainsi que de nombreux relevés bancaires.
4. Au regard de ces éléments, attestant de la volonté d'insertion dans la société française de l'intimé, qui justifie de sa connaissance de la langue française, et compte tenu de la durée de son séjour en France, le préfet d'Ille-et-Vilaine a, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté en litige du 9 avril 2024.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT011532