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28/06/2024 | FRANCE | N°24NT00442

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 28 juin 2024, 24NT00442


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

3 novembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai.



Par un jugement n° 2216041 du 2 novembre 2023, le tribunal administ

ratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... A....



Procédure devant la cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

3 novembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2216041 du 2 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 février 2024, M. B... A..., représenté par

Me Rodrigue Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter d'un délai de

15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

- à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, il entend reprendre les moyens d'illégalité externe développés au soutien de sa demande d'annulation de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2024, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 28 mai 2024, il a été demandé à l'appelant de produire, dans le meilleur délai et au plus tard à l'audience, en application de l'article R. 611-8-7 du code de justice administrative, l'original de l'attestation de naissance délivrée le 22 janvier 2020 par la commission nationale de la population nigériane à M. B... A... et comportant la photographie de celui-ci.

Cette pièce originale ayant été déposée à la cour le 4 juin 2024, le préfet de la

Loire-Atlantique a été informé de la possibilité de la consulter aux horaires d'ouverture du greffe et lors de l'audience.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

29 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. Le requérant, qui se dit M. B... A..., né le 30 avril 2001 et de nationalité nigériane, déclare être entré en France au mois de mars 2017. Il a été confié au département de la Loire-Atlantique dans le cadre d'une ordonnance de mise sous tutelle. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 juin 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 4 octobre 2019. Devenu majeur, il a sollicité le 1er mars 2020 du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles

L. 423-23, L. 435-1 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français a été pris à son encontre le 19 novembre 2020 mais retiré le 14 décembre 2021 pour qu'il soit procédé à un réexamen de sa situation. Par un arrêté du 3 novembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique a finalement rejeté la demande de M. A... et assorti ce refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, cet arrêté fixant le Nigéria comme pays vers lequel l'intéressé serait renvoyé d'office s'il n'exécutait pas lui-même la mesure d'éloignement prise à son encontre. Le requérant relève appel du jugement du

2 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Enfin, aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ".

3. La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de

L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la

Loire-Atlantique a retenu que l'intéressé ne justifiait pas de son état civil ni, par suite, avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans.

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son état-civil, et notamment de sa date de naissance, le requérant a produit une attestation de naissance délivrée le 22 janvier 2020 par la commission nationale de la population nigériane à M. B... A..., né le 30 avril 2001 à Benin City, une attestation de nationalité comportant sa photographie qui lui a été délivrée le 20 octobre 2020 par une conseillère aux affaires consulaires et de l'immigration de l'ambassade du Nigéria à Paris, mentionnant que " Monsieur A... B... né le 30 avril 2001 à Benin City (Nigéria) est un ressortissant du Nigéria, dont sa photo est apposée ci-dessus", ainsi qu'un certificat d'identification et d'origine comportant sa photographie mais non sa date de naissance qui lui a été délivrée le 26 novembre 2019 par les autorités locales nigérianes de l'Etat d'Edo au Nigéria.

6. L'attestation de naissance comporte une photographie du requérant dont l'appartenance au document support (souche) sur lequel elle a été apposée est sécurisée par l'apposition d'un timbre humide à cheval sur la photographie et son support papier. Les services de la police aux frontières (PAF), sollicités par le préfet de la Loire-Atlantique, ont relevé dans un rapport simplifié d'analyse documentaire du 28 juin 2022 versé à l'instance que l'impression par timbre humide figurant sur la photographie se trouvait en décalage avec celle figurant sur le document souche et que la photographie présente des traces de perforations d'agrafage, comme le verso du document lui-même. Ils en ont conclu que, bien que cette attestation ait été confectionnée sur une souche conforme aux préconisations délivrées par l'ambassade de France au Nigéria, la correspondance de la photographie avec le document ne pouvait être certifiée et qu'une falsification de l'acte par substitution de photographie pouvait être retenue.

7. Pour expliquer les constatations décrites ci-dessus, qu'il ne conteste pas, le requérant donne l'explication plausible selon laquelle il a été obligé de réparer le document en sa possession, qui était détérioré, et a dû, pour ce faire, réagrafer sa photographie, qui est bien la photographie originale. Il fait ainsi valoir que le décalage repéré comme suspect par l'administration n'est que la conséquence d'une réparation maladroite et non l'indice d'une falsification. Il produit à l'instance la copie, exempte de décalage suspect, correspondant à une numérisation du document en cause avant sa détérioration qu'il avait produite dès le 31 décembre 2020 dans sa requête introduite devant le tribunal administratif à l'encontre d'un précédent arrêté préfectoral. L'examen de l'original de l'attestation de naissance, fourni par l'intéressé à la suite de la mesure d'instruction diligentée par la cour, permet de corroborer cette explication et de constater qu'un réagrafage de la photographie sur l'attestation de naissance peut être à l'origine du décalage constaté entre les deux parties des mentions figurant sur le timbre humide apposé sur ce document. M. A... produit aussi une nouvelle attestation de naissance comportant également sa photographie, et les mêmes informations d'état civil, établie à sa demande le

24 mars 2023, qui est également de nature à affaiblir l'indice d'insincérité relevé ci-dessus. L'administration défenderesse, qui n'a pas soumis cette pièce à l'examen des services documentaires de la PAF, se borne à relever, pour en disqualifier la portée, qu'elle est postérieure à la décision attaquée et, par suite, selon elle, sans incidence sur la légalité de celle-ci. Enfin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, une attestation de nationalité comportant la photographie de

M. A... lui a été délivrée le 20 octobre 2020 par l'ambassade du Nigéria à Paris, attestant qu'il est né le 30 avril 2001 à Benin City (Nigéria), qu'il est ressortissant du Nigéria et que la photographie correspond bien à sa personne. L'administration défenderesse ne formule aucune critique ni observation, en première instance comme en appel, sur l'authenticité ou la portée de ce document. Dans ces conditions, M. A..., dont l'identité et l'état de minorité avaient d'ailleurs été retenus en 2017 par l'autorité judiciaire après une évaluation réalisée le 15 mars 2017 par le département de la Loire-Atlantique en charge de la protection de l'enfance, concluant qu'il était mineur, doit être regardé comme justifiant de son identité. Le préfet ne pouvait donc légalement fonder sur le motif mentionné ci-dessus au point 4 pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour que celui-ci sollicitait sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, et, par voie de conséquence, de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination prises sur le fondement de ce refus.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. L'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de M. A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, d'une part, de procéder à ce réexamen dans un délai qu'il y a lieu de fixer, dans les circonstances de l'espèce, à trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prévoir une astreinte en cas d'inexécution ou de retard d'exécution, et, d'autre part, de munir l'intéressé, durant cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

12. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de

1 200 euros HT à Me Rodrigue Devesas dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 novembre 2023 et l'arrêté du

3 novembre 2022 du préfet de Loire-Atlantique sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder au réexamen de la demande de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rodrigue Devesas une somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rodrigue Devesas renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00442
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;24nt00442 ?
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