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07/06/2024 | FRANCE | N°23NT02996

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 07 juin 2024, 23NT02996


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Par une première requête enregistrée sous le n° 2300227, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation sous les mêmes

conditions de délai et d'astreinte.



Par une seconde requête enregistrée sous le n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première requête enregistrée sous le n° 2300227, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2301703, M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement nos 2300227, 2301703 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté les requêtes de M. B... A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 octobre 2023, 9 novembre 2023,

7 mars 2024 et 24 avril 2024, M. B... A..., représenté par Me Lebey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- c'est à tort que le préfet du Calvados a considéré qu'il ne justifiait d'une présence habituelle sur le territoire que depuis 2014 et non depuis plus de dix ans et s'est abstenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article 3 de l'accord-franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 et est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il appartenait au préfet, qui ne pouvait lui opposer la non détention d'un visa de long séjour ou d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, de faire instruire la demande d'autorisation de travail qui lui était présentée dans le cadre d'une demande de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation, alors notamment qu'il a travaillé près de quatre ans et non seulement durant les périodes retenues par l'autorité administrative, qu'il justifie donc d'une solide expérience professionnelle et qu'il est parfaitement intégré ;

- la décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de l'accord franco-tunisien ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires enregistrés les 3 et 25 avril 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant tunisien né en 1988, a déclaré être entré irrégulièrement en France en 2011. Par un arrêté du 26 octobre 2020, le préfet du Val-d'Oise a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire de soixante jours. Le recours formé contre cet arrêté par M. A... a été rejeté par un jugement du 11 décembre 2020 du tribunal administratif de Caen et l'appel formé contre cette décision juridictionnelle a été rejeté par une ordonnance du 21 juillet 2021 du président de la cour administrative d'appel de Nantes. Le 21 février 2022, M. A... a sollicité un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demande qui a été implicitement rejetée à l'expiration du délai d'instruction de quatre mois. Par un arrêté du 6 juin 2023, le préfet du Calvados a expressément refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité par celui-ci, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être éloigné d'office s'il ne se conformait pas lui-même à la mesure d'éloignement ainsi prise à son encontre. M. A... relève appel du jugement n° 2300227, 2301703 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté après les avoir jointes les demandes d'annulation de ces décisions administratives.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes de l'article L. 435-1 de ce même code : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

3. Il ressort de l'ensemble des pièces produites que M. A... ne justifie d'une présence habituelle sur le territoire français que depuis 2014 et non depuis plus de dix ans. Dans ces conditions, le préfet du Calvados n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. En tout état de cause, cette commission a été consultée par le préfet du Calvados et s'est prononcée le 31 mars 2023 en faveur de la régularisation de la situation administrative de l'intéressé. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié " (...) ". Aux termes de l'article 11 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 2.3.3 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 412-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".

5. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que la délivrance aux ressortissants tunisiens d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour et d'un contrat visé par les services en charge de l'emploi.

6. D'autre part, l'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code dans sa version applicable : " / (...) / II. - La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du même code : " I. - L'étranger qui bénéficie de l'autorisation de travail prévue par l'article R. 5221-1 peut, dans le respect des termes de celle-ci, exercer une activité professionnelle salariée en France lorsqu'il est titulaire de l'un des documents et titres de séjour suivants : / (...) / 3° La carte de séjour temporaire "salarié" ou "travailleur temporaire" délivrée en application du 1° de l'article L. 426-11 du même code ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue au I de l'article R. 5221-1 l'étranger résidant hors du territoire national ou l'étranger résidant en France et titulaire d'un titre de séjour prévu à l'article R. 5221-3. ". Aux termes de l'article R. 5221-15 du même code : " La demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est adressée au moyen d'un téléservice au préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence. ". Enfin, l'article R. 5221-17 de ce code prévoit que : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que la demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger qui est déjà présent sur le territoire national doit être adressée au préfet, autorité investie du pouvoir décisionnel, par l'employeur et que, dans l'hypothèse où les services de la préfecture ou les services chargés de l'emploi ont été saisis d'une telle demande, le préfet ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. En pareille hypothèse, il appartient en effet au préfet de faire instruire la demande d'autorisation de travail par ses services avant de statuer sur la demande d'admission au séjour.

8. Pour rejeter, sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, le titre de séjour sollicité, le préfet du Calvados, qui avait été rendu destinataire par

M. A... de demandes d'autorisation de travail datées du 17 janvier 2022 et du 10 février 2023 établies sur le formulaire CERFA requis par les sociétés BMG 14 et SBG 19 ainsi que des promesses d'embauche correspondantes, ne pouvait refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que l'autorisation de travail qui lui était présentée n'était pas validée par les services en charge de l'emploi sans faire instruire ces demandes par ses services. Il suit de là que, sur ce point, le requérant est fondé à soutenir que la décision qu'il conteste est entachée d'erreur de droit. Il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté contesté du 6 juin 2023 que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., dont il est constant qu'il est entré irrégulièrement en France, le préfet du Calvados s'est également fondé sur l'absence de présentation par l'intéressé d'un visa de long séjour. L'absence de présentation d'un tel document constitue un motif qui justifiait à lui seul le refus de titre de séjour en qualité de salarié opposé à M. A... et il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il avait pris en compte ce seul motif. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur de droit exposé ci-dessus est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse et que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

7. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article

L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

10. Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2011 et de son insertion professionnelle au cours de cette période en qualité de peintre, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a exercé une activité professionnelle en qualité de peintre qu'entre janvier 2014, au plus tôt, et janvier 2017, cette première période d'activité n'étant néanmoins étayée que par une attestation d'employeur, sans production des bulletins de salaires correspondants, puis entre octobre 2019 et mai 2020, et entre octobre 2020 et janvier 2021. Il a répondu par l'affirmative à la demande qui lui a été faite au cours de la commission du titre de séjour du 31 mars 2023, de confirmer qu'il avait " travaillé 12 mois depuis [son]arrivée en France ". Il est constant qu'il n'a pas exécuté une obligation de quitter le territoire prise à son encontre par le préfet du Val-d'Oise le 26 octobre 2020 à la suite de son interpellation lors d'un contrôle de chantier par la police et l'URSSAF au cours duquel il a reconnu avoir été employé sous couvert d'une fausse carte d'identité italienne. Par ailleurs, sa présence continue sur le territoire français depuis 2011, donc depuis plus de dix ans, ne peut être retenue alors qu'il a déclaré lors de son audition par la police, à propos de la durée de sa présence en France, " depuis décembre 2011. Puis parti en 2013 et revenu en 2014 ", faisant état d'un séjour d'un an en Italie. Il ne ressort pas des pièces du dossier, enfin, qu'il aurait tissé, en France, des liens personnels stables et d'une particulière intensité. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et bien que le métier de peintre soit considéré comme un métier en tension, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser la situation de M. A....

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du

17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ". Aux termes de l'article

L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15,

L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A..., qui est célibataire et sans enfant à charge en France, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre en octobre 2020 et n'a sollicité pour la première fois son admission au séjour qu'en février 2022. Il ne justifie pas avoir noué des liens personnels et amicaux d'une particulière intensité ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dans ces conditions, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, en l'absence d'annulation de la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.

14. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire ne sont pas illégales. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions dirigé contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

16. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12 du présent jugement.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02996


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02996
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LEBEY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23nt02996 ?
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