La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2024 | FRANCE | N°24NT00141

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 24 mai 2024, 24NT00141


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

1er février 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office s'il n'exécute pas lui-même cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2303189 du 11 juillet 2023, le tr

ibunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... A....



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

1er février 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office s'il n'exécute pas lui-même cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2303189 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 janvier et 29 janvier 2024, M. B... A..., représenté par Me Deme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 par lequel le préfet de la Sarthe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours, laquelle obligation fixe le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons de santé dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ou à défaut de procéder sous la même astreinte à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et notamment de son état de santé ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 18 avril 2024, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

13 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22,

R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né en 1983, est entré en France le 2 juillet 2019 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 15 juin 2021, il a sollicité la régularisation de sa situation administrative et a obtenu, le 18 novembre 2021, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " qui lui a été délivrée en raison de son état de santé. Il a sollicité, le 27 septembre 2022, auprès du préfet de la Sarthe le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un avis du 19 décembre 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié, son état de santé lui permettant aussi de voyager sans risque pour y retourner. Par un arrêté du 1er février 2023, le préfet de la Sarthe a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. A... relève appel du jugement du

11 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé et l'obligeant à quitter le territoire cite l'avis rendu le 19 décembre 2022 par le collège des médecins de l'OFII dont il s'approprie les conclusions après avoir énoncé qu'" après un examen approfondi de la situation, aucun élément ni aucune circonstance particulière ne justifie de s'écarter de cet avis ". Il rappelle la date d'entrée en France de M. A... le 2 juillet 2019, le fait que celui-ci est célibataire, non dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans, et qu'il ne justifie pas de liens intenses, stables et anciens sur le territoire français. Il en déduit qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à la situation personnelle et à la vie familiale de l'intéressé. Cette motivation révèle que l'autorité administrative, pour prendre l'arrêté en litige, a tenu compte des éléments dont il est établi qu'ils lui avaient été communiqués. Le moyen tiré par le requérant de ce que cet arrêté serait entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation " au regard de sa situation personnelle et notamment de son état de santé " ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et si ce dernier peut y avoir effectivement accès.

5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il lui appartient, à lui seul, de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment, l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, dont il peut demander la communication s'il estime utile cette mesure d'instruction au regard des éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... est porteur du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) qui a été diagnostiqué en 1996 et pour lequel il faisait l'objet d'un traitement dans son pays d'origine, avant son départ en 2019. Il prend des médicaments et est régulièrement suivi en France pour cette pathologie. Par un avis du 1er mars 2021, le collège des médecins de l'OFII a estimé que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié.

7. Pour contester ce dernier point de l'avis, M. A... expose qu'il suit en France un traitement associant le Darunavir, le Norvir et l'Emtrici / Teno et que lui sont prescrits, outre ces substances, des examens du sang et des selles annuels, semestriels ou trimestriels " si besoin ". Sans contester l'existence de traitements du VIH en Côte-d'Ivoire, il fait valoir que, s'il " avait partiellement accès à un traitement dans son pays d'origine, [ce traitement] s'accompagne d'effets indésirables importants de nature à impacter sa qualité de vie ", qu'il " souffrait ainsi d'éruptions cutanées, de prurit, de nausées et de vertiges ", et qu'il avait " de grandes difficultés à accéder à ce traitement " alors que, depuis son arrivée en France, il a accès à un traitement différent " qui lui a permis d'améliorer sa qualité de vie et les symptômes de son affection ". Toutefois, la réalité et l'ampleur des effets secondaires évoqués ainsi qu'une éventuelle contre-indication du traitement administré au requérant en Côte-d'Ivoire en raison d'une intolérance du patient, et le défaut d'accessibilité effective dans ce pays aux traitements contre le VIH ne sont pas établis par les certificats médicaux du praticien hospitalier qui suit M. A... au service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital du Mans, qui se borne à énoncer que " lorsque

M. A... était en Côte-d'Ivoire, il ne tolérait pas les médicaments pour le VIH (éruptions, nausées, vertiges, prurit) et avait des difficultés insurmontables d'accès aux traitements ". Ainsi, le requérant ne justifie pas, en l'état du dossier, de circonstances exceptionnelles tirées de particularités de sa situation personnelle et de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel il peut accéder effectivement en Côte d'Ivoire, comme les autres ressortissants de ce pays, à une prise en charge médicale adaptée à l'affection chronique dont il est atteint. Par suite, et sans qu'il soit besoin de solliciter l'entier dossier médical détenu par l'OFII concernant le requérant, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Sarthe aurait méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

9. Le moyen tiré d'une méconnaissance par la mesure d'éloignement des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés au point 7 du présent arrêt.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du

1er février 2023 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, présidente,

M. Vergne, président-assesseur,

Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00141


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00141
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : DEME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;24nt00141 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award