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24/05/2024 | FRANCE | N°23NT02680

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 24 mai 2024, 23NT02680


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et obligation de se présenter à la gendarmerie de Saint-Avé pour indiquer les diligences accomplies en vue de son départ.



Par un jugement n° 2300419 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejet

é sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 8 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et obligation de se présenter à la gendarmerie de Saint-Avé pour indiquer les diligences accomplies en vue de son départ.

Par un jugement n° 2300419 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2023, M. B..., représenté par

Me Berthet-Le Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2022 du préfet du Morbihan ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 422-1 et L. 422-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de se présenter à la gendarmerie de Saint-Avé n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête d'appel est tardive et, par suite, irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, né en 2001, est entré régulièrement en France le 27 septembre 2019 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenu en situation irrégulière à l'expiration de la durée de validité de celui-ci. Il a sollicité le 13 avril 2022 la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des articles L. 422-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 octobre 2022, le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et l'a obligé à se présenter à la gendarmerie de Saint-Avé pour y indiquer les diligences accomplies en vue de son départ. M. B... relève appel du jugement du

11 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Le préfet du Morbihan oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête de M. B.... Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 15 mai 2023, soit dans le délai d'appel d'un mois prévu par les dispositions de l'article R.776-9 du code de justice administrative. L'intéressé a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023. La date de notification de cette décision ne peut toutefois être déterminée avec certitude. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet ne peut qu'être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 422-2 du même code : " La carte de séjour prévue à l'article L. 422-1 est également délivrée lors de sa première admission au séjour, sans avoir à justifier de ses conditions d'existence et sans que soit exigée la condition prévue à l'article

L. 412-1, à l'étranger ayant satisfait aux épreuves du concours d'entrée dans un établissement d'enseignement supérieur ayant signé une convention avec l'Etat. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., le préfet du Morbihan s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'était pas entré en France sous couvert d'un visa de long séjour et ne pouvait pas bénéficier de l'exemption de produire ce visa telle que prévue par les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant, qui est entré régulièrement en France, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, muni d'un visa de court séjour, fait valoir qu'il a été scolarisé dans un lycée de la région parisienne au cours de l'année scolaire 2019-2020 puis a obtenu son baccalauréat STI2D avec mention bien, à la fin de l'année scolaire 2020-2021. M. B... se prévaut ensuite de sa réussite au concours Geipi Polytech en juin 2021 à l'issue duquel il s'est inscrit en " bachelor universitaire de technologie en informatique " à l'institut universitaire de technologie de Vannes, et a pu suivre, dans le même temps, au sein de cet établissement, une préparation intégrée en vue de poursuivre des études d'ingénieur à l'Ecole nationale supérieure d'ingénieurs de Bretagne sud (ENSIBS). Toutefois, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, si les responsables de sa formation font état de sa probable admission à l'ENSIBS, l'intéressé n'établit pas avoir été effectivement admis dans cette école pour y effectuer la suite de son cursus d'ingénieur et en avoir informé les services de la préfecture. Il ressort également des pièces du dossier que le requérant, qui a séjourné en France durant plus de deux années sans avoir cherché à régulariser sa situation, n'a pas sollicité, au soutien de sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant, de dispense de production d'un visa de long séjour et n'a pas produit, dans le cadre de cette demande, de visa de court séjour portant la mention " étudiant-concours ". Dès lors, l'intéressé ne peut être regardé comme justifiant ni de la nécessité de poursuivre ses études en France, ni que lui soit appliquée la dérogation à l'obligation de production d'un visa de long séjour, prévue pour l'étranger ayant satisfait aux épreuves du concours d'entrée dans un établissement d'enseignement supérieur ayant signé une convention avec l'Etat. Dans ces conditions, le préfet du Morbihan n'a, en refusant de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " à M. B..., ni méconnu les dispositions des articles L. 422-1 et

L. 422-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

5. En deuxième lieu, M. B..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité d'étudiant, n'a pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Morbihan aurait entendu examiner sa demande au regard de ces dispositions. Par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de leur méconnaissance.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., est entré en France le 27 septembre 2019, soit trois ans avant l'arrêté en litige, et s'y est maintenu en situation irrégulière sans effectuer de démarche en vue de sa régularisation. L'intéressé, célibataire et sans charge de famille, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Maroc, où il a vécu la majeure partie de son existence jusqu'à l'âge de dix-huit ans. S'il se prévaut des relations amicales nouées au cours de ses études et de ses nombreux engagements associatifs, le requérant ne peut justifier de liens intenses et stables sur le territoire français, eu égard notamment à la brièveté de son séjour en France. Dans ces conditions, et en dépit du parcours scolaire dont M. B... fait état, le préfet du Morbihan n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. En quatrième lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation, de la méconnaissance, par cette décision, des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

S'agissant des autres décisions :

10. Les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions.

11. Les moyens tirés par M. B... tirés de ce que la décision l'obligeant à se présenter à la gendarmerie de Saint-Avé n'a pas été précédée d'un examen de sa situation et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, moyens que M. B... réitère en appel sans apporter d'éléments nouveaux, ne peuvent qu'être rejetés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

Le président-assesseur,

G-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT026802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02680
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BERTHET-LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;23nt02680 ?
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