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24/05/2024 | FRANCE | N°22NT02429

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 24 mai 2024, 22NT02429


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Par une première requête n° 1800190, Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser la somme totale de 219 927,41 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du décès d'Yvon B... et, à titre subsidiaire, de condamner l'ONIAM à lui verser la même somme au titre de la solidarité nationale en raison de l'accident médical non fautif dont M. B... a été victime.

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Par une seconde requête n° 1900159, Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première requête n° 1800190, Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser la somme totale de 219 927,41 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du décès d'Yvon B... et, à titre subsidiaire, de condamner l'ONIAM à lui verser la même somme au titre de la solidarité nationale en raison de l'accident médical non fautif dont M. B... a été victime.

Par une seconde requête n° 1900159, Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser la somme totale de 219 927,41 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du décès d'Yvon B....

Par un jugement n° 1800190,1900159 du 1er juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux à verser à Mme D... une somme totale de 219 927,41 euros, a mis à la charge de l'ONIAM les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la demande de Mme D....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juillet 2022, le 5 août 2022 et le 29 avril 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), représenté par Me Saumon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de le mettre hors de cause et de rejeter l'ensemble des demandes présentées à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener les prétentions indemnitaires de Mme D... à de plus justes proportions et de rejeter ses conclusions à fin d'indemnisation de son préjudice moral ;

4°) en tout état de cause, de rejeter la demande des tiers payeurs en ce qu'elle serait dirigée contre lui et celle de Mme D... présentée au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- à titre principal, les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies et l'ONIAM doit être mis hors de cause ;

- la responsabilité sans faute de l'hôpital est engagée du fait de la mise en œuvre d'un matériel défectueux, une valve hémostatique qui présentait lors de son retrait un flambage de 6,4 cm de son extrémité et une déchirure au niveau de la valve, donc un défaut de perméabilité à l'origine de l'embolie à l'origine du décès du patient ; la société Medtronic a détecté des éléments de défectuosité sur la sonde FlexCath utilisée lors de l'intervention ;

- des fautes ont été commises dans la prise en charge d'Yvon B..., une maladresse chirurgicale fautive ayant été commise ; l'opérateur aurait dû s'apercevoir du déroulement anormal de l'intervention, qu'il existait des difficultés à l'aspiration du sang lors de la purge de la gaine, et qu'il devait en tirer les conséquences par un repositionnement du matériel et le contrôle de la défectuosité de celui-ci ; l'absence d'infirmier ou d'anesthésiste dans la salle pour gérer l'accident est à l'origine d'une perte de chance de 20% ou 10%, comme le reconnaît l'expert dans son pré-rapport, et même d'une chance de 95% si l'on retient le taux proposé par les docteurs Thomas et Wintrebert ;

- il ne peut être considéré qu'un aléa thérapeutique serait à l'origine du décès du patient, un tel aléa ne pouvant être déduit de l'impossibilité de déterminer si les altérations de la sonde sont dues au matériel ou aux manœuvres de cathétérisme ; la solidarité nationale ne peut être un palliatif à l'absence de certitude sur les causes d'une complication ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'intervention de la solidarité nationale serait retenue, les préjudices de Mme D... doivent être indemnisés comme suit :

* 76 845,52 euros au titre de la perte de revenus ;

* 251,15 euros au titre des frais divers ;

* 300 euros au titre du préjudice d'accompagnement ;

* 20 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

* la demande d'indemnisation du préjudice moral sera rejetée ;

- aucun recours des tiers payeurs ne peut être accueilli lorsque l'ONIAM intervient au titre de la solidarité nationale.

Par des mémoires enregistrés les 22 décembre 2022 et 5 décembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le centre hospitalier du Mans, représenté par

Me Le Prado, demande au tribunal :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de l'ONIAM ;

2°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où sa responsabilité sans faute serait retenue, de de condamner la société Medtronic France à l'indemniser de toute condamnation prononcée à son encontre.

Il soutient que :

- sa responsabilité sans faute ne peut être engagée puisqu'aucun défaut du matériel utilisé n'a été constaté ou identifié par les experts ; en outre, ceux-ci ne retiennent pas que l'embolie gazeuse cérébrale dont est mort le patient serait en lien avec un défaut de perméabilité de la valve hémostatique ou un quelconque défaut du matériel mis en œuvre ;

- à titre subsidiaire, si le tribunal devait retenir sa responsabilité en raison de la mise en œuvre d'un matériel défectueux, il est fondé à solliciter la garantie de la société Medtronic, fabricant ;

- il n'est pas établi que sa responsabilité pour faute pourrait être engagée en raison d'une maladresse chirurgicale du fait que la gaine aurait été poussée trop loin et se serait alors trouvée contre la paroi de l'oreillette gauche, empêchant une aspiration et un retour de sang ; aucune maladresse technique fautive n'est identifiée au cours de l'intervention ;

- l'expert n'a pas considéré l'absence d'un membre de l'équipe des anesthésistes réanimateurs sur place comme fautive et une telle présence n'aurait pas permis au patient d'échapper à l'embolie gazeuse dont il a été victime ;

- à titre très subsidiaire, l'hôpital estime comme l'ONIAM que les préjudices subis par Mme D... ont été surévalués et que les indemnisations prononcées doivent être ramenées à plus juste mesure.

Par des mémoires enregistrés le 23 décembre 2022, 18 septembre 2023 et 7 novembre 2023, Mme A... D..., représentée par Me Dupuy, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête de l'ONIAM ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a limité à la somme de 219 927,41 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM en réparation de ses préjudices moraux et matériels et de porter à la somme de 345 025,91 euros ou, à défaut, à celle de 246 723, 29 euros l'indemnité qui lui est due au titre de ces préjudices, sommes assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier du Mans à réparer ses préjudices moraux et matériels par le versement d'une indemnité portée à 345 025,91 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, ou, à défaut, à 246 723, 29 euros également assortis des intérêts capitalisés, et de mettre à la charge de cet hôpital la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance ;

4°) à titre extrêmement subsidiaire, de condamner la société Medtronic France à réparer ses préjudices moraux et matériels par le versement d'une indemnité portée à 345 025,91 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, ou, à défaut, à

246 723, 29 euros également assortis des intérêts capitalisés, et de mettre à la charge de cette société la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- à titre principal, le jugement attaqué et la responsabilité de l'ONIAM doivent être confirmés, l'accident ne pouvant, selon les experts, être attribué à un défaut de perméabilité de la valve hémostatique, ni à une faute technique dans la manipulation de la gaine, ni encore à l'absence sur place de certains personnels, mais à la survenance d'un aléa thérapeutique ;

- à titre subsidiaire, si l'engagement de la responsabilité de l'ONIAM au titre de la la responsabilité pour faute du centre hospitalier du Mans doit être engagée ; le décès d'Yvon B... résulte d'une faute de cet établissement de santé dans la manipulation de la gaine utilisée au cours de l'intervention du 27 novembre 2013 et du fait de l'absence d'un médecin anesthésiste réanimateur ou d'un infirmier anesthésiste ayant conduit à une réaction tardive dans l'intervention de réanimation ; la gestion de la sédation n'était pas adaptée ; un délai trop long s'est écoulé avant l'appel d'un réanimateur ; les risques correspondant à la cryoablation n'ont jamais été présentés à la victime ;

* la responsabilité sans faute du centre hospitalier du Mans doit être engagée du fait de la défectuosité du matériel utilisé lors de l'intervention du 27 novembre 2013 ;

- à titre subsidiaire, le décès d'Yvon B... résulte d'un aléa thérapeutique ; les conditions d'intervention de la solidarité nationale sont réunies ;

- en tout état de cause, il y a lieu d'indemniser ses préjudices comme suit :

* 784,09 euros en réparation de ses pertes de gains professionnels actuels ;

* 317 642,45 euros ou, à titre subsidiaire, 219 339,83 euros au titre de son préjudice économique ;

* 299,37 euros au titre de ses frais divers ;

* 300 euros au titre de son préjudice d'accompagnement ;

* 25 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

* 1 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par des mémoires enregistrés les 11 septembre 2023, 30 octobre 2023 et 15 novembre 2023, la société Medtronic France, représentée par Me Bandon-Tourret, demande à la cour :

1°) à titre principal de rejeter la requête de l'ONIAM, d'ordonner sa mise hors de cause, et de rejeter l'ensemble des conclusions dirigées contre elle par les parties ;

2°) à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être retenue, de définir la part contributive de celle-ci à 10% du préjudice à indemniser et de limiter à des plus justes proportions l'indemnisation prononcée.

Elle fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle en cause d'appel ne sauraient être considérées comme recevables sans la priver du bénéfice du double degré de juridiction, dès lors qu'elle n'était pas partie à la première instance ;

- elle doit être mise hors de cause dès lors que le matériel mis en œuvre lors de l'opération n'était pas défectueux et que l'imputabilité du dommage à ce matériel n'est pas démontrée, les experts ayant retenu la survenance d'un aléa thérapeutique.

- si sa responsabilité devait être retenue, sa part contributive devrait être limitée à 10% du préjudice à indemniser et l'évaluation des préjudices devrait être ramenée à 784,09 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, soit 78,40 euros à sa charge ;

* 95 058,89 euros au titre du préjudice économique, soit 9 505,89 euros à sa charge ;

* 299,37 euros au titre des frais divers, soit 29,93 euros à sa charge ;

* 25 000 euros au titre de son préjudice d'affection, soit 2 500 euros à sa charge ;

* 300 euros au titre du préjudice d'accompagnement, soit 30 euros à sa charge ;

* 1 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, soit 100 euros à sa charge.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Vu :

- l'ordonnance n° 1503033 du 27 mai 2015 par laquelle le juge des référés a prescrit une expertise et désigné comme expert le docteur E... ;

- l'ordonnance n° 1503033 du 9 juillet 2015 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a désigné le docteur F... en qualité de sapiteur ;

- le rapport d'expertise du 30 juin 2016 du docteur E... ;

- l'ordonnance de taxation n°1503033 du 1er août 2016 par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé les frais et honoraires d'expertise ;

- les autres pièces du dossier.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Dupuy, représentant Mme D..., et de Me Sastre, représentant la société Medtronic France.

Une note en délibéré, présentée pour Mme D... par Me Dupuy, a été enregistrée le

14 mai 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Yvon B..., alors âgé de 65 ans, qui souffrait depuis 2009 d'une arythmie par fibrillation auriculaire, récidivante malgré les traitements mis en œuvre, et qui le limitait dans ses activités sportives, a subi, le 27 novembre 2013 au centre hospitalier du Mans (Sarthe), une tentative de réduction du rythme cardiaque par cryoablation, sous anesthésie locale. Après qu'il a été installé dans la salle de cardiologie interventionnelle de l'établissement de santé, un des infirmiers présents lui a administré un sédatif et un anesthésique. Un médecin échographiste lui a ensuite posé une sonde en vue de la réalisation d'une échographie transoesophagienne destinée à s'assurer de la vacuité de son oreillette gauche. Une première gaine a ensuite été mise en place pour permettre la réalisation d'une ponction transseptale, puis un guide permettant d'installer une deuxième gaine, destinée à recevoir le ballon de cryoablation, après quoi la première gaine et le guide ont été retirés. Au moment du retrait de la sonde ayant permis la réalisation de l'échographie transoésophagienne, Yvon B... a présenté une importante toux se traduisant par une ascension de son thorax à quatre reprises, qui a rendu nécessaire l'intervention physique d'un infirmier pour l'immobiliser. Les deux chirurgiens cardiologues présents ont ensuite tenté, vers 9h30, de purger la gaine restante mais n'ont pu obtenir de retour de sang. Le patient a alors présenté des signes de coma aréactif. Une antagonisation des drogues a été effectuée, ainsi qu'un électrocardiogramme, qui a mis en évidence la survenance d'un infarctus. Les chirurgiens cardiologues rythmologues en charge de l'intervention ont alors fait appel à un de leurs collègues qui a effectué une coronarographie. Une échocardiographie trans-thoracique (ETT) a également été réalisée. Après un essai infructueux d'intubation par un des médecins cardiologues en charge de la cryoablation, l'équipe de réanimation a été appelée et a intubé Yvon B.... Un angioscanner cérébral a été prescrit par le médecin neurologue d'astreinte et Yvon B... a été transféré au sein du service de réanimation médico-chirurgicale du centre hospitalier du Mans. Les résultats de l'angioscanner cérébral ont permis de poser le diagnostic d'embolie gazeuse avec signe précoce d'ischémie. L'intéressé a alors été transféré, le même jour, au centre hospitalier universitaire d'Angers où ont été réalisées deux séances d'oxygénothérapie dans un caisson hyperbare, qui n'ont pas permis d'améliorer l'état de santé du patient. Compte tenu de l'évolution péjorative de son état de santé au plan neurologique, Yvon B... a été transféré au sein du service de réanimation du centre hospitalier du Mans le 29 novembre 2013 dans un coma profond. Il y est décédé le 14 décembre 2013, après qu'un arrêt des soins a été décidé collégialement par les médecins en accord avec la famille.

2. Par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes, statuant sur la requête de la compagne d'Yvon B..., Mme A... D..., et sur la base d'une expertise rendue par le Dr E..., cardiologue, assisté d'un sapiteur également cardiologue, le Dr F..., a imputé l'évolution dramatique de l'état de santé du patient et son décès à un accident médical non fautif dont la réparation des conséquences dommageables devait incomber à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre de la solidarité nationale, par application des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. L'ONIAM, qui met en cause une manipulation fautive de la gaine par le médecin opérateur lors de l'intervention du 27 novembre 2013 ainsi que l'organisation fautive des soins au centre hospitalier du Mans, et la mise en œuvre d'un matériel médical défectueux, relève appel de ce jugement, par lequel le tribunal l'a condamné à verser à Mme D... une somme totale de 219 927,41 euros assortie des intérêts au taux légal et a mis à sa charge les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 4 200 euros. Par la voie de l'appel incident, Mme D... demande que l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM soit portée à un montant total de 345 025,91 euros ou, à titre subsidiaire, mise à la charge de l'hôpital du Mans. Ce dernier, au cas où sa responsabilité du fait de la mise en œuvre d'un dispositif défectueux, écartée par les premiers juges, serait retenue en appel, présente des conclusions tendant à être garanti, dans cette hypothèse, par la société Medtronic France, fabricant, de toute condamnation prononcée contre lui.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".

4. D'autre part, sans préjudice des actions susceptibles d'être exercées à l'encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute du centre hospitalier du Mans du fait de la mise en œuvre d'un produit défectueux :

5. L'ONIAM fait valoir que son obligation d'indemnisation au titre de la solidarité nationale est subordonnée à la condition que la responsabilité de l'établissement de soins ne soit pas engagée à un autre titre et qu'en l'espèce, la responsabilité sans faute de l'hôpital du Mans est engagée du fait de la défectuosité de la gaine utilisée par le chirurgien pour l'opération de réduction du rythme cardiaque par cryoablation pratiquée le 27 novembre 2013 au centre hospitalier du Mans.

6. Il est constant qu'Yvon B... est décédé des suites d'une embolie gazeuse cérébrale. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, mais également des rapports des experts désignés tant par la Société Hospitalière des Assurances Mutuelles (SHAM) que par l'assureur d'Yvon B... que cette embolie, qui s'est révélée par une ischémie cardiaque et un coma d'emblée profond et aréactif, a pour origine une entrée d'air liée à la mise en œuvre, avant que commence l'opération chirurgicale proprement dite, de la gaine destinée à accueillir le ballon de cryoablation. Il résulte aussi de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire mais également du compte rendu de l'investigation diligentée par la directrice du centre hospitalier du Mans et par le président de la commission médicale de cet établissement, ainsi que du rapport de matério vigilance de la société Medtronic, que la gaine utilisée lors de l'intervention du 27 novembre 2013, une gaine orientable FlexCath Advance 12, modèle 4FC12, présentait, lors de son retrait, des anomalies affectant ses capacités de déflexion et d'aspiration, soit un flambage à 6,4 cm de son extrémité et un défaut d'étanchéité et une déchirure au niveau de sa valve, de nature à suggérer un défaut de ce matériel médical à usage unique.

7. Toutefois il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire mais également du courrier adressé par la société Medtronic au centre hospitalier du Mans le 29 janvier 2014, et dont les conclusions ne sont pas contestées, que la gaine utilisée le 27 novembre 2013 appartenait au lot # 77539.31 dont la qualité a été testée, avant sa mise sur le marché, notamment pour vérifier la déflection des gaines, leur intégrité visuelle, leur purge, et s'assurer de leur résistance à la pression exercée lors de l'introduction d'un cathéter, y compris au niveau des valves hémostatiques. La totalité des gaines de ce lot a passé ces tests avec succès, constatation qui, selon l'expert, dans une réponse du 27 novembre 2015 au médecin conseil de l'ONIAM, ne permet pas de retenir que l'origine du dommage est en lien avec un défaut de perméabilité de la valve hémostatique, c'est-à-dire une défectuosité intrinsèque du matériel médical avant sa mise en œuvre lors de la procédure chirurgicale de cryoablation le 27 novembre 2013. Par ailleurs, l'expert judiciaire ne met pas en cause un comportement anormal de cette gaine, que ce soit au niveau de sa valve ou de son extrémité proximale, au cours de l'intervention, notamment face aux sollicitations mécaniques de ce matériel au cours d'une opération qu'il décrit comme s'étant déroulée dans les règles de l'art. Sur ce point, si le professeur G... écrit dans un avis médical qu'il a rendu à la demande du médecin conseil de l'assureur d'Yvon B... que " la déchirure de la valve ne peut avoir que deux causes : 1. l'introduction itérative de matériel qui a provoqué la déchirure ou un autre usage inapproprié, ce qui ne semble pas être le cas à l'examen des documents disponibles. 2. Un problème de fabrication ", il n'apparaît pas avoir pris en considération le facteur explicatif lié aux épisodes de toux et aux sursauts du patient dont l'expert judiciaire a tenu compte. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la responsabilité sans faute du centre hospitalier du Mans pourrait être engagée du fait de l'utilisation d'un produit défectueux.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du centre hospitalier du Mans :

S'agissant de la réalisation de l'opération elle-même :

8. Ainsi qu'il a été dit-ci-dessus, si la gaine utilisée lors de l'intervention du 27 novembre 2013 n'était pas intrinsèquement défectueuse, elle a présenté, lors de son retrait, un flambage et une déchirure au niveau de sa valve, détériorations qui ont été nécessairement provoquées par la mise en œuvre de ce matériel au cours de l'intervention 27 novembre 2013.

9. Il résulte sur ce point du rapport d'expertise judiciaire susmentionné mais également des rapports de l'expert désigné par la SHAM et de celui désigné par l'assureur d'Yvon B... que, s'il est probable que la gaine a été poussée trop loin et se soit trouvée initialement en butée contre la paroi de l'oreillette gauche, ce qui ne lui a pas permis, ponctuellement, de remplir sa fonction d'aspiration et de retour de sang, d'une part, ce geste n'a pas pu entraîner d'effraction pouvant expliquer une entrée d'air, au niveau de l'oreillette, de la bronche ou de l'œsophage, dès lors qu'une telle effraction aurait été détectée en post opératoire. L'hypothèse d'une " fausse route " de la gaine, si elle est évoquée par plusieurs médecins qui ont donné leur avis sur le dossier d'Yvon B..., n'est d'ailleurs retenue par aucun d'entre eux. D'autre part, selon l'expert judiciaire, qui relève en conclusion de son rapport la conformité aux bonnes pratiques des " gestes de la procédure d'ablation ", comme d'ailleurs selon le professeur G..., sollicité comme sapiteur par le docteur C..., mandaté par l'assureur d'Yvon B..., la maladresse consistant, au cours de la réalisation d'un geste technique difficile, à avoir initialement poussé la gaine trop loin, ne peut être considérée comme fautive.

10. Il résulte d'autre part de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire mais également du compte rendu de l'intervention du 27 novembre 2013 qu'Yvon B... a connu des épisodes de toux importante au moment où la sonde d'échographie transoesophagienne a été retirée, entraînant une ascension de son thorax à quatre reprises et rendant nécessaire l'intervention manuelle d'un infirmier. Il en résulte également, et notamment du compte rendu de l'intervention et du témoignage des deux infirmiers et d'un médecin rythmologue ayant réalisé cette intervention que ces mouvements thoraciques ont immédiatement précédé les tentatives, initialement vaines, de purge de la gaine ainsi que les signes de souffrance d'Yvon B....

11. Il résulte de tous ces éléments, confortés par les conclusions du rapport d'expertise judiciaire indiquant que les soins et actes médicaux dispensés et réalisés par l'équipe en charge de l'intervention du 27 novembre 2013 ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale à la date de cette opération, que le flambage de la gaine du cathéter et la déchirure de la valve constatées en matériau vigilance trouvent leur explication dans la forte toux et l'agitation du patient, qui ont entraîné un déplacement de la gaine, libre à ce moment-là de tout guide, et " ont pu être provoquées par les manœuvres itératives d'une procédure compliquée " ainsi que l'écrit l'expert judiciaire dans une réponse à un dire du 27 mai 2016, consignée en page 20 de son rapport, sans relever sur ce point un ou des gestes fautifs de l'opérateur. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'une manipulation fautive de cette gaine pourrait être reprochée à l'équipe chirurgicale, l'expert judiciaire et son sapiteur estimant, à propos de l'enchaînement des causes et des effets, qu'" il s'agit plus d'un aléa thérapeutique ".

S'agissant de l'organisation fautive des soins en raison de l'absence d'un médecin ou d'un infirmier anesthésiste :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire mais également du rapport de l'expert désigné par la SHAM, que si la présence d'un médecin anesthésiste réanimateur ou d'un infirmier anesthésiste aurait pu constituer une bonne pratique et était, à l'époque des faits, une pratique en vigueur dans différents établissements de santé, certains centres hospitaliers avaient fait un choix différent en décidant de n'avoir recours à un médecin anesthésiste réanimateur qu'en cas de complication, comme cela a été le cas en l'espèce. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise susmentionnés, que l'absence d'un tel médecin, ou d'un infirmier anesthésiste, dans la salle de cardiologie interventionnelle, pendant la durée de toute l'intervention, constitue une faute. En tout état de cause, dès lors que la seule thérapeutique efficace permettant d'éviter les atteintes neurologiques ayant résulté de l'embolie gazeuse consistait en une oxygénation hyperbare, laquelle a été rapidement effectuée après un transfert du patient au centre spécialisé du centre hospitalier universitaire d'Angers, la présence d'un médecin anesthésiste réanimateur ou d'un infirmier anesthésiste n'aurait pas été déterminante.

13. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire mais également des rapports des experts désignés tant par la SHAM que par l'assureur d'Yvon B..., que le choix de réaliser l'intervention du 27 novembre 2013 sous anesthésie locale et non générale présenterait un caractère fautif. Il n'en résulte pas davantage que la sédation administrée à l'intéressé pour cette intervention aurait été manifestement sous ou sur-dosée et aurait ainsi procédé d'un choix thérapeutique fautif, alors même qu'elle n'a pas pu empêcher la survenance de quintes de toux susceptibles de survenir au cours d'une opération sous anesthésie locale.

14. En troisième lieu, ainsi que cela ressort de la chronologie des faits retracée par le médecin du centre hospitalier du Mans dans le cadre d'un rapport interne d'investigation, mais également du compte rendu de l'intervention du 27 novembre 2013, trente minutes environ ont séparé la première manifestation de souffrance coronaire et cérébrale d'Yvon B... de l'intubation de ce dernier par un médecin réanimateur. Il ne résulte pas, toutefois, de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire, qui souligne que la procédure de réanimation réalisée au centre hospitalier du Mans a été de bonne pratique, mais également des autres rapports d'expertise produits, que les gestes d'urgence réalisés au cours de ces 30 minutes et ayant consisté en une antagonisation des drogues, en la réalisation d'une échographie trans-thoracique et en une tentative d'intubation ont présenté un caractère fautif. Il en résulte enfin, en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit ci-dessus qu'Yvon B... n'est pas décédé d'un infarctus myocardique ni d'un arrêt respiratoire justifiant une intubation immédiate, mais des suites d'une embolie gazeuse cérébrale pour laquelle le seul traitement adéquat était l'oxygénation hyperbare, laquelle a été tentée au centre hospitalier universitaire d'Angers.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la prise en charge médicale d'Yvon B..., et notamment l'absence de médecin anesthésiste ou d'infirmier anesthésiste dans la salle de cardiologie interventionnelle tout au long de l'intervention du 27 novembre 2013, ne révèle pas de faute de la part du centre hospitalier du Mans.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

16. Il résulte des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point 3 que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.

17. Comme il a été dit aux points 3 à 15 du présent arrêt, d'une part, aucune faute n'a été commise dans la technique opératoire ou la réalisation du geste médical au cours de l'intervention du 27 novembre 2013 et, d'autre part, la gaine utilisée à l'occasion de cette opération ne présentait aucune défectuosité. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, et il n'est pas contesté, qu'Yvon B... a souffert, au décours de la procédure de cryoablation, d'une embolie gazeuse cérébrale et que cette complication, qui a entraîné son décès, présente un caractère exceptionnel au décours d'une telle intervention. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment du document d'information produit relatif à l'ablation par

radio-fréquence, d'une part, que cette procédure est plus risquée que l'ablation par cryoablation et, d'autre part, que les complications, pouvant apparaître au décours d'une telle procédure par radio-fréquence et entraîner un décès, représentent 0,4 cas pour mille. Dès lors, il doit être considéré qu'en l'espèce, la condition d'anormalité du dommage causé par l'accident subi par M. B... est remplie, comme l'est celle de gravité du dommage au sens de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. Dans ces conditions, l'accident subi par M. B... et ayant entraîné son décès ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale et les dommages qui en ont résulté doivent être réparés intégralement.

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme D... :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme D... a été présente auprès d'Yvon B... au cours de l'hospitalisation de celui-ci, à compter du 27 novembre 2013 et jusqu'à l'organisation de ses obsèques. Cette présence a eu des effets sur son activité professionnelle et les rémunérations et primes qui lui ont été servies. Il y a lieu de confirmer l'évaluation par les premiers juges à une somme totale de 784,09 euros de la perte de gains professionnels actuels de Mme D..., montant qui ne fait l'objet d'aucune contestation ni demande de révision, que ce soit par l'appelant ou par les intimés.

19. En deuxième lieu, le préjudice économique subi, du fait du décès d'un patient, par les ayants droit appartenant au foyer de celui-ci, est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à l'entretien de chacun d'eux, en tenant compte, d'une part et si la demande en est faite, de l'évolution générale des salaires et de leurs augmentations liées à l'ancienneté et aux chances de promotion de la victime jusqu'à l'âge auquel elle aurait été admise à la retraite, d'autre part, du montant, évalué à la date du décès, de leurs propres revenus éventuels, à moins que l'exercice de l'activité professionnelle dont ils proviennent ne soit la conséquence de cet événement, et, enfin, des prestations à caractère indemnitaire susceptibles d'avoir été perçues par les membres survivants du foyer en compensation du préjudice économique qu'ils subissent.

20. D'une part, il résulte de l'instruction et notamment des avis d'imposition pour les années 2010, 2011 et 2012 de la requérante et d'Yvon B..., qui était retraité à la date de son décès, que les revenus du foyer s'élevaient, avant le décès de ce dernier, à un montant moyen de 84 083,67 euros par an qui n'est pas discuté par les parties mais au contraire retenu par celles-ci pour établir les montants des indemnisations en litige. Il convient de déduire de ces revenus de ce foyer, qui n'avait pas d'enfant à charge, une part de consommation personnelle d'Yvon B... de 40%, qui est également admise par les parties. Le foyer, alors réduit à Mme D..., pouvait ainsi escompter, après déduction de la part, fixée à 33 633,47 euros, des dépenses propres d'Yvon B..., un revenu annuel moyen de 50 450,16 euros.

21. D'autre part, les revenus annuels de Mme D... se sont établis, pour l'année 2013, qui était celle du décès d'Yvon B... le 14 décembre, à un montant de 49 894 euros et, pour les 3 années suivantes, à des montants de 43 728 euros, 47 320 euros et 49 785 euros. Compte tenu d'une certaine instabilité, observée d'une année sur l'autre, des revenus professionnels de Mme D..., il y a lieu d'évaluer les revenus de celle-ci à la date du décès d'Yvon B... à

47 681,75 euros, correspondant à la moyenne des revenus déclarés par l'intéressée à l'administration fiscale au titre des années 2013 à 2016, les revenus des années suivantes, nettement supérieurs, n'ayant en revanche pas à être pris en compte, quelle que soit la cause de leur augmentation. La perte de revenus de Mme D... doit donc être évaluée à 2 768,41 euros par an pour la période courant du décès d'Yvon B... à la date de notification de l'arrêt de la cour, soit à une somme totale de 28 776,30 euros.

22. Enfin, pour l'indemnisation de Mme D... au titre de la période postérieure à la date de l'arrêt de la cour, compte tenu de l'âge de 75 ans qu'aurait eu Yvon B... à cette date s'il avait survécu à l'opération du 27 novembre 2013, il y a lieu d'appliquer à la somme susmentionnée de 2 768,41 euros le coefficient de capitalisation de 12,830 fixé par les tables publiées par la Gazette du Palais en 2022 et d'évaluer le préjudice économique futur de la requérante à la somme de 35 518,70 euros.

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 19 à 22 ci-dessus que le préjudice économique de Mme D... doit être évalué à la somme de 64 295 euros.

24. En troisième lieu, si l'ONIAM limite à un montant de 251,15 euros, inférieur à celui de 299,37 euros accordé à Mme D... par le tribunal administratif de Nantes, la somme susceptible d'être accordée à l'intéressée en remboursement des frais qu'elle a exposés pour se rendre quotidiennement en voiture au chevet d'Yvon B... à l'hôpital du Mans puis à celui d'Angers, il n'expose aucune critique concernant les calculs effectués par les premiers juges. S'il fait valoir que Mme D... n'a sollicité une indemnisation en première instance qu'à hauteur de 251,15 euros, la règle selon laquelle le juge ne peut accorder une indemnité supérieure à celle qui lui est réclamée s'apprécie au regard de la demande totale et non poste par poste. L'évaluation à 299,37 euros des frais divers de Mme D... en lien avec l'accident médical subi par Yvon B... doit donc être confirmée.

25. Il résulte de tout ce qui précède que l'évaluation des préjudices patrimoniaux de

Mme D... s'établit à la somme totale de 65 378,46 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

26. En premier lieu, l'évaluation à la somme de 300 euros du préjudice d'accompagnement subi par Mme D..., présente quotidiennement au chevet de son compagnon entre le 27 novembre et le 14 décembre 2013, ne fait l'objet d'aucune critique par les parties et doit donc être confirmée.

27. En deuxième lieu, les premiers juges n'ont pas fait une excessive évaluation du préjudice d'affection de Mme D..., qui était la compagne de d'Yvon B... depuis 2005 et partageait la vie de celui-ci dans un même domicile acquis en commun en 2008, en l'évaluant à la somme de 25 000 euros.

28. En troisième lieu, en soutenant que le décès de son concubin l'avait conduite à vendre la maison dans laquelle elle résidait avec ce dernier depuis l'année 2008 et qui ne lui appartenait qu'à hauteur de 25%, Mme D... a sollicité la réparation du préjudice moral subi en raison de cette vente. L'ONIAM ne conteste pas ces circonstances ni la réalité des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme D..., ni le lien de ces troubles, indemnisés par le tribunal à hauteur de 1 000 euros, avec le décès d'Yvon B.... Il se borne à opposer à l'intimée, qui demande que le bénéfice de cette somme lui soit confirmé en appel que " ce poste de préjudice, qui n'est pas prévu dans le référentiel, ne saurait être indemnisé par la solidarité nationale ". L'indemnisation de ce préjudice et l'évaluation de celui-ci à une somme de 1 000 euros doivent donc être confirmés.

29. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points 26 à 28 que l'évaluation des préjudices extra patrimoniaux de Mme D... s'établit à la somme totale de 26 300 euros.

30. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 91 678,46 euros le montant de l'indemnité due par l'ONIAM à Mme D... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes.

Sur les frais liés au litige :

31. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme D... à l'encontre de l'ONIAM, du centre hospitalier du Mans et de la société Medtronic France doivent dès lors être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 219 927,41 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme D... par le jugement du 1er juin 2022 est ramenée à 91 678,46 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Les conclusions de Mme D... fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, à Mme A... D..., au centre hospitalier du Mans, à la société Medtronic France, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02429
Date de la décision : 24/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP PAVET BENOIST DUPUY RENOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-24;22nt02429 ?
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