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06/05/2024 | FRANCE | N°23NT01925

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 06 mai 2024, 23NT01925


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a implicitement rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ainsi que l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de

Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, lui a interdit le retour en France ainsi que l'arrêté du

même jour portant assignation à résidence.



Par un jugement n° 2214952 du 25 mai 2023, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a implicitement rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ainsi que l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de

Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office, lui a interdit le retour en France ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2214952 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a renvoyé à la formation collégiale du tribunal la demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande d'admission exceptionnelle au séjour et a rejeté le surplus de la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Dazin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2023 en tant seulement qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 10 novembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ;

- le refus d'admission exceptionnelle au séjour, le défaut de notification de l'obligation de quitter le territoire français de 2020, le retour comme dossier incomplet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sont entachés d'erreur de fait ou à tout le moins d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour en France doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale dès lors qu'il n'a jamais reçu notification de la première mesure d'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été constatée par une décision du 13 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., de nationalité ivoirienne, né le 17 août 1971, déclare être entré en dernier lieu sur le territoire français en 2013. Le 16 septembre 2019, il a sollicité concomitamment un titre de séjour en qualité de salarié et son admission exceptionnelle au séjour au titre d'une activité salariée. Le silence gardé par le préfet de Maine-et-Loire sur sa demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un premier arrêté du 20 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office et lui a interdit le retour en France pour une durée de douze mois. A la suite de son interpellation pour soustraction à cette première mesure d'éloignement, le préfet de Maine-et-Loire l'a, par un nouvel arrêté du 10 novembre 2022, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a interdit son retour en France pour une durée de douze mois. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier, il se borne à invoquer des moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur manifeste d'appréciation ou de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, qui ont trait au bien-fondé du jugement mais demeurent sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L 'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...)".

4. En premier lieu, d'une part, si M. A... soutient que le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 6 août 2022, motivé par l'incomplétude du dossier, serait entaché d'erreur de fait dès lors qu'il avait déposé une demande complète et qu'il avait produit les pièces sollicitées, il n'apporte aucun élément de nature à établir ses allégations. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du refus de séjour doit être écarté.

5. En second lieu, M. A..., âgé de cinquante-et-un ans à la date de l'arrêté litigieux, est célibataire et sans enfant. Il déclare être entré en France en 2013. Il justifie avoir travaillé en France en qualités d'employé agricole de novembre 2014 à décembre 2015, d'homme à tout faire en juillet 2015, d'employé horticole en avril 2017, de chauffeur routier au mois de juillet 2020 puis d'intérimaire depuis le mois de décembre 2020. Il réside dans le département de Maine-et-Loire, hébergé au domicile de particuliers, dans la commune de Chemillé-en-Anjou. Il produit une dizaine d'attestations de ressortissants français résidant dans cette commune, attestant de sa volonté d'intégration en France, de ses sérieuses perspectives d'insertion professionnelle et de son insertion sociale au niveau local. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que M. A..., qui bénéficie d'un permis de séjour italien à durée illimitée a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes en décembre 2015, et que, par un arrêté du 20 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé n'avait pas retiré le pli recommandé contenant ce dernier arrêté pourtant présenté à son adresse, le préfet de Maine-et-Loire n'a commis ni erreur de fait ni erreur manifeste d'appréciation en obligeant M. A..., qui relevait de l'hypothèse visée au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à quitter le territoire français. Il n'a pas davantage porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En dernier lieu, si le requérant allègue que l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 20 novembre 2020 ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, une telle circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 10 novembre 2022 en litige. Il ne peut davantage utilement exciper de l'illégalité du refus implicite opposé à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour de novembre 2019 dont l'arrêté en litige ne procède pas.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. M. A... soutient qu'il ne serait plus admissible au séjour en Italie et en déduit que l'arrêté litigieux le soumet à des traitements inhumains et dégradants, prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il a produit à l'appui de sa demande de première instance un permis de séjour italien à durée illimitée. En toute hypothèse, alors qu'il n'est pas rentré dans son pays d'origine depuis plus de dix ans, il n'apporte aucune précision sur les risques qu'il encourrait personnellement et actuellement en cas de retour dans ce pays. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention mentionnée ci-dessus doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour en France :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ".

9. La mesure d'obligation de quitter le territoire français en litige n'étant pas annulée, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté.

10. Aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à M. A.... A supposer même qu'il n'aurait pas reçu notification de la première mesure d'obligation de quitter le territoire français du 20 novembre 2020, une telle circonstance ne saurait s'analyser en une circonstance humanitaire, seule susceptible en vertu des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de justifier que l'autorité préfectorale n'édicte pas à son encontre d'interdiction de retour sur le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2024.

La rapporteure,

J. LELLOUCH

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01925
Date de la décision : 06/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : DAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-06;23nt01925 ?
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