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03/05/2024 | FRANCE | N°23NT03507

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 03 mai 2024, 23NT03507


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et astreinte à se présenter tous les mercredis à 14 heures 30 au commissariat de police de A....



Par un jugement n° 2206896 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demand

e.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 27 novembre 2023...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et astreinte à se présenter tous les mercredis à 14 heures 30 au commissariat de police de A....

Par un jugement n° 2206896 du 21 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2023, M. C..., représenté par

Me Semlali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 avril 2022 du préfet de la Mayenne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui restituer son passeport et son extrait d'acte de naissance ;

5°) de mettre à la charge de l'État, la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen suffisant de sa situation ;

- il est entaché d'erreur de droit, dès lors que les documents d'état civil produits ne peuvent être regardés comme étant frauduleux ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Par ordonnance du 24 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2024.

Un mémoire présenté par le préfet de la Mayenne a été enregistré le 5 avril 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant malien, déclarant être né le 18 avril 2003 est entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2018. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Val-de-Marne, puis du département de la Mayenne, après avoir fait l'objet d'une ordonnance de placement provisoire par le tribunal de grande instance de Créteil le 9 janvier 2019, et a bénéficié d'un jugement en assistance éducative prononcé le 11 février 2019 par le tribunal pour enfants de A....

M. C... a sollicité, le 19 avril 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 avril 2022, le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai et l'a astreint à se présenter tous les mercredis à 14 heures 30 au commissariat de police de A....

M. C... relève appel du jugement du 21 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° les documents justifiant de son état civil ; 2° les documents justifiant de sa nationalité (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Ce dernier article dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

3. Il ressort des pièces du dossier que pour justifier de son identité, M. C... a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour un extrait d'acte de naissance n° 042 dressé le 23 février 2021 par l'officier d'état-civil du centre principal de la commune de Allahina (Mali) ainsi qu'un passeport malien. Si le rapport du service de fraude documentaire indique que " de manière empirique " les extraits d'acte de naissance sont complétés par un procédé informatique ou par machine à écrire, et non de manière manuscrite, le préfet ne fait mention d'aucune disposition du droit malien qui imposerait une telle obligation et le fait que ces mentions soient manuscrites ne permet pas pour autant de considérer qu'elles ne seraient pas fiables. La seule faute de frappe relevée par le service de fraude documentaire à la rubrique 14, à laquelle est indiqué " officicer " au lieu d'officier, ne saurait suffire à établir le caractère frauduleux de l'extrait d'acte de naissance produit alors que M. C... produit une attestation de l'officier d'état civil du centre secondaire de Sebenikoro indiquant que cette faute de frappe résulte d'une erreur d'imprimerie, ce qui n'est pas contesté par le préfet de la Mayenne. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les conclusions de la police aux frontières sur le caractère irrégulier de l'extrait d'acte de naissance de M. C... ne suffisent pas à remettre en cause le caractère probant de ce document d'état civil. Dans ces conditions, alors que les mentions figurant sur le passeport qui lui a été délivré le 27 août 2021 sont concordantes avec celles de l'extrait d'acte de naissance, M. C... doit être regardé comme ayant justifié de son état civil, comme l'exigent les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Mayenne ne pouvait légalement se fonder sur un défaut de justification de son état civil par l'intéressé pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2022 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois suivant la mise à disposition du présent arrêt. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa situation, de lui restituer son passeport ainsi que l'original de son acte de naissance dans un délai de quinze jours suivant la mise à disposition du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

6. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Semlali dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 21 mars 2023 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 19 avril 2022 du préfet de la Mayenne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, de lui restituer son passeport et son extrait d'acte de naissance dans un délai de quinze jours suivant la mise à disposition du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Semlali une somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Semlali renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

C. BRISSON

Le président-assesseur,

G-V. VERGNE

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT035072


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03507
Date de la décision : 03/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SEMLALI NAWAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-03;23nt03507 ?
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