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12/04/2024 | FRANCE | N°24NT00102

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 12 avril 2024, 24NT00102


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision de classement sans suite de sa demande de titre de séjour du 5 janvier 2023 ou de renvoyer ses conclusions devant une formation collégiale du tribunal et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pour une

durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision de classement sans suite de sa demande de titre de séjour du 5 janvier 2023 ou de renvoyer ses conclusions devant une formation collégiale du tribunal et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2306633 du 22 décembre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés du 6 décembre 2023 (article 2), a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours (article 3), a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement du 22 décembre 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de M. B... tendant à l'annulation des arrêtés du

6 décembre 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine.

Il soutient que les premiers juges ont estimé à tort que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'une saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dès lors que M. B... n'avait pas fait état de la nature et de la gravité de son état de santé.

La requête d'appel a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson, rapporteur,

- et les observations de M. A..., pour le préfet d'Ille-et-Vilaine.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien, est entré en France le 13 octobre 2021 selon ses déclarations. Après avoir échoué à obtenir la reconnaissance de la qualité de réfugié et alors qu'il faisait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français prise le 25 novembre 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris à son encontre deux arrêtés du 6 décembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 22 décembre 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé les arrêtés du 6 décembre 2023.

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français après qu'il a été auditionné par les services de la police aux frontières de Rennes dans le cadre d'une vérification de son droit de circulation ou de séjour. Lors de cette audition du 6 décembre 2023, M. B... a expressément indiqué qu'il était venu en France pour se faire soigner d'un cancer de la prostate, qu'il n'avait pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 25 novembre 2022 du fait de ses problèmes de santé et qu'il devait se faire opérer de la vessie le 9 janvier 2024. En outre, il ressort des décisions de l'OFPRA et de la CNDA, prises respectivement les 30 août 2022 et

20 janvier 2023, produites par le préfet, que l'intéressé avait fait état de ses problèmes de santé lors de la procédure d'examen de sa demande d'asile.

4. Il ressort toutefois également des pièces du dossier que, alors que M. B... avait saisi à deux reprises le préfet d'Ille-et-Vilaine, en février et décembre 2022, de demandes de titre de séjour en qualité d'étranger malade, il n'a pas donné suite aux demandes de production des pièces médicales sollicitées par les services préfectoraux aux fins de justifier de son état de santé, ce qui a conduit le préfet à classer sans suite ces demandes. Il n'est, par ailleurs, ni démontré ni soutenu que, antérieurement aux décisions litigieuses prises à son encontre, M. B... aurait fait parvenir de tels éléments au préfet. Ainsi, à la date à laquelle a été prise l'obligation de quitter le territoire français en litige, le préfet d'Ille-et-Vilaine ne disposait pas d'éléments autres que les seules déclarations de l'intéressé, non corroborées, malgré plusieurs demandes en ce sens, d'éléments de nature à établir la gravité ni même la réalité des problèmes de santé allégués par M. B.... Dans ces conditions, il ne peut être considéré qu'à la date de sa décision, le préfet disposait d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés permettant d'établir que l'intéressé présentait un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement et obligeant l'autorité administrative à saisir pour avis le collège de médecins de l'OFII avant toute décision sur la situation de cet étranger.

5. Ainsi, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de recueil de l'avis du collège de médecins de l'OFII pour annuler les arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 6 décembre 2023.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et assignation à résidence.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Il ressort de ses termes mêmes que cette décision énonce les textes dont elle fait application et indique les éléments déterminants qui ont conduit le préfet d'Ille-et-Vilaine à édicter cette mesure. Par ailleurs, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucun autre élément du dossier que cette décision aurait été prise sans un examen particulier de la situation de

M. B....

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°(...) ; ". En outre, il ressort des dispositions des articles L. 613-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure auxquelles sont soumises l'édiction et l'exécution des mesures portant obligation de quitter le territoire français.

9. Le droit d'être entendu, notamment énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et affirmé par un principe général du droit de l'Union européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité et de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Le préfet n'était pas tenu de l'inviter à se présenter en préfecture ni à produire d'autres pièces que celles déjà versées lors de sa procédure de demande d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de faire valoir tout nouvel élément avant que ne soit édicté l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.

10. En troisième lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'a été prise ni sur le fondement d'un refus de titre de séjour qui aurait été opposé à M. B... ni sur celui des décisions de classement des demandes de titre présentées. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ces prétendues décisions.

11. En quatrième lieu, comme il a été indiqué au point 3, lors de son audition du 6 décembre 2023, M. B... a indiqué aux services de la police à la frontière de Rennes qu'il était venu en France pour se faire soigner d'un cancer de la prostate, qu'il n'avait pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 25 novembre 2022 du fait de ses problèmes de santé et qu'il devait se faire opérer de la vessie le 9 janvier 2024. En outre, si l'intéressé a fait état de ses problèmes de santé lors de la procédure d'examen de sa demande d'asile devant l'OFPRA et la CNDA, il n'a toutefois apporté, à l'appui de ses allégations, aucune précision ou document médical aux autorités administratives ou instances chargées de l'asile de nature à établir la gravité de son état de sa santé. Les documents qu'il a produits tant en première instance qu'en appel, s'ils démontrent un état de santé dégradé de l'intéressé à ces dates, ne permettent pas d'établir qu'il serait exposé, en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité, à des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans pouvoir bénéficier des soins appropriés et que, par suite, le préfet aurait méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2.

12. Toutefois, il ressort également de ces pièces produites que M. B... a fait l'objet de soins hospitaliers en urgence à plusieurs reprises en 2023 et jusque peu de temps avant la décision litigieuse, qui sont susceptibles d'établir que, postérieurement à celle-ci, l'intéressé devra suivre à nouveau des soins. Ces circonstances, sont de nature à faire obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français tant que le préfet ne se sera pas assuré, au besoin en consultant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'état de santé de l'intéressé lui permet de repartir dans son pays d'origine ou tout autre pays dans lequel il serait admissible.

En ce qui concerne le pays de destination :

13. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée ainsi qu'il vient d'être dit, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant la Géorgie comme pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

14. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

15. Si M. B... soutient que son état de santé nécessite une prise en charge dont l'absence aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les patients doivent supporter en Géorgie le coût des soins dont ils peuvent avoir besoin, il n'établit pas que son retour dans son pays d'origine aurait sur sa situation personnelle des effets constitutifs d'une situation contraire aux droits garantis par les stipulations et dispositions des articles cités au point précédent. Le moyen tiré de leur méconnaissance par la décision fixant la Géorgie comme pays où le requérant sera susceptible d'être reconduit s'il n'exécute pas lui-même la mesure d'éloignement prise à son encontre doit donc être écarté.

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

16. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée ainsi qu'il vient d'être dit, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence.

17. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de 30 jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparait nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières, dans les cas suivants : (..) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

18. Si M. B... conteste la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine de ne pas lui avoir accordé un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet a décidé de ne lui accorder aucun délai de départ volontaire.

19. En se bornant à indiquer, sans en apporter la preuve par les pièces qu'il produit, qu'il doit être opéré en janvier 2024, l'intéressé n'établit pas que, pour ce motif et compte tenu de l'imminence de cette intervention, le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire alors, d'une part, qu'il a été destinataire d'une précédente obligation de quitter le territoire français prise à son encontre 25 novembre 2022 et, d'autre part, qu'il ressort clairement des déclarations de l'intéressé lors de son audition par les services de la police aux frontières qu'il a refusé de la mettre à exécution.

20. Dans ces conditions, compte tenu du risque de soustraction à l'exécution de l'arrêté préfectoral contesté, le préfet pouvait faire application des dispositions précitées sans méconnaître les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an :

21. En premier lieu, en l'absence d'annulation des décisions précédemment évoquées, le requérant n'est pas fondé à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

22. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ".

23. M. B... fait valoir, sans toutefois le démontrer, qu'il doit subir, en janvier 2024, une intervention chirurgicale. Cette circonstance ne saurait, à elle seule, caractériser une circonstance humanitaire au sens et pour l'application des dispositions mentionnées. Il s'ensuit que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

24. En premier lieu, les décisions précédemment examinées n'étant pas annulées, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation à résidence devrait, par voie de conséquence, être annulée.

25. En second lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;(...) ".

26. La mesure d'assignation, qui astreint l'intéressé à se présenter deux fois par semaine à la police aux frontières et à demeurer à l'adresse de résidence qu'il a déclarée à Rennes entre 18 et 21 heures n'a pas pour effet de faire obstacle à ce que M. B... puisse poursuivre la prise en charge de son état de santé.

27. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exécution de cette mesure d'éloignement ne demeurerait pas une perspective raisonnable à la date de la décision contestée portant assignation à résidence, l'arrêté contesté apparaît adapté, nécessaire, et proportionné à la finalité qu'il poursuit et ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a annulé les arrêtés du 6 décembre 2023, lui a enjoint de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

29. Sous réserve de ce qui a été dit au point 12, le présent arrêt qui rejette la demande de

M. B... n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Il s'ensuit que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, pour l'essentiel, verse à

M. B... une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens de première instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2306633 du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Toutefois, les arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine ne pourront recevoir application que dans les conditions rappelées au point 12 du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

La présidente-rapporteure

C. BRISSON

Le président-assesseur

G-V. VERGNE

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT001022

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00102
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;24nt00102 ?
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