Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, sous le numéro 2100112, la décision du 5 novembre 2020 par laquelle la directrice du Centre national de la fonction publique territoriale a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et a décidé son maintien en disponibilité d'office pour raisons de santé, d'autre part, sous le numéro 2101309, la décision du 20 avril 2021 refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme A... depuis le 31 mars 2016.
Par un jugement nos 2100112, 2101309 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Caen a annulé ces deux décisions et enjoint au directeur du Centre national de la fonction publique territoriale de placer Mme A... en congé de maladie imputable au service à compter du 31 mars 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, le Centre national de la fonction publique territoriale, représenté par Me Bazin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 21 octobre 2022 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme A....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la maladie de Mme A... était imputable au service ;
- subsidiairement, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le cadre juridique du litige était l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 alors que l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 était applicable ;
- les autres moyens invoqués par Mme A... devant les premiers juges ne sont pas fondés.
Par un courrier du 7 mars 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en ce que les premiers juges ont rejeté les conclusions dirigées contre la décision du Centre national de la fonction publique territoriale du 5 novembre 2020, alors qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cette décision, définitivement retirée par son auteur qui leur avait substitué une nouvelle décision de portée équivalente par arrêté du 20 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me de Soto, représentant le Centre national de la fonction publique territoriale.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., adjointe administrative territoriale de 1ère classe, était employée par le Centre national de la fonction publique territoriale, délégation de Normandie. A la suite d'un accident domestique sans lien avec le service survenu en 2014, elle a été placée en congé maladie ordinaire pour une durée de 19 mois. Elle a repris son poste le 2 novembre 2015. Elle a été de nouveau placée en arrêt de travail le 31 mars 2016, jusqu'à son placement en disponibilité d'office pour raison de santé le 1er avril 2017. Mme A... a sollicité le 3 mai 2018 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie et de ses arrêts. Toutefois, par une décision du 5 novembre 2020, le Centre national de la fonction publique territoriale a rejeté sa demande et, dans l'attente de son admission à la retraite, a confirmé son maintien en disponibilité d'office. Par un arrêté du 20 avril 2021, le Centre national de la fonction publique territoriale a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme A.... Cet établissement relève appel du jugement du 21 octobre 2022, par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé ces deux décisions et lui a enjoint de placer Mme A... en congé de maladie imputable au service à compter du 31 mars 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque que le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.
3. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'enregistrement de la demande de Mme A... au greffe du tribunal administratif de Caen sous le numéro 2100112, la décision litigieuse du 5 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et des arrêts de travail à compter du 31 mars 2016 a été remplacée par une décision ayant la même portée, à savoir l'arrêté du 20 avril 2021. Ainsi, le tribunal administratif de Caen, en annulant la décision du 5 novembre 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... alors que l'arrêté du 20 avril 2021 s'y était substitué, s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il devait statuer.
4. Il y a lieu, dès lors, d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué et d'évoquer les conclusions de la demande tendant à l'annulation de cette décision du Centre national de la fonction publique territoriale du 5 novembre 2020. Cette demande étant devenue sans objet au cours de la procédure de première instance n° 2100112, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 avril 2021 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.
Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
7. Il ressort des pièces du dossier que tant l'expert psychiatre agréé qui a examiné Mme A... le 27 décembre 2019 que la commission de réforme interdépartementale de la petite couronne dans sa séance du 12 octobre 2020 ont estimé que la preuve d'un lien direct entre la maladie anxio-dépressive présentée depuis le 31 mars 2016 et l'exercice par Mme A... de ses fonctions n'était pas rapportée et l'expert psychiatre a conclu à une pathologie évoluant pour son propre compte. L'expert psychiatre qui l'a examinée le 24 avril 2019 dans le cadre de la procédure de mise en disponibilité d'office pour raisons de santé, s'il a fait état d'un " contexte de reprise difficile ", sans autre précision, avait estimé, quant à lui, que Mme A... présentait " une symptomatologie anxio-dépressive sur une personnalité névrotique ". Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait dénoncé les conditions de sa reprise de fonction, l'unique témoignage produit, établi en 2019, soit trois ans après son placement en arrêt de travail, tout comme les mentions portées par le médecin sur les arrêts de travail, ne suffisent pas à objectiver un contexte professionnel pathogène ou des conditions de travail qui seraient de nature à susciter le développement par Mme A... de sa maladie. Dans ces conditions, le Centre national de la fonction publique territoriale n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et en refusant de prendre en charge ses arrêts de travail à compter du 31 mars 2016. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 20 avril 2021.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens invoqués par Mme A... devant le tribunal administratif :
9. En premier lieu, les circonstances que la commission de réforme interdépartementale n'aurait pas été saisie de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... dans un délai raisonnable et que la durée de la procédure aurait été, en conséquence, anormalement longue ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à entacher d'irrégularité la décision litigieuse.
10. En second lieu, aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 dans sa version applicable : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : / 1. Le chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; / 2. Le trésorier-payeur général ou son représentant ;/ 3. Deux représentants du personnel appartenant au même grade ou, à défaut, au même corps que l'intéressé, élus par les représentants du personnel, titulaires et suppléants, de la commission administrative paritaire locale dont relève le fonctionnaire ; (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. " Aux termes de l'article 19 du même décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2014 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale : " Cette commission comprend : /1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes ; / 2. Deux représentants de l'administration ; / 3. Deux représentants du personnel. ". Et aux termes de l'article 15 de ce même arrêté : La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. ".
11. Il ressort en l'espèce du procès-verbal de la séance de la commission de réforme interdépartementale de la petite couronne du 12 octobre 2020 qu'ont siégé à cette séance, outre le président, deux praticiens de médecine générale, un médecin spécialiste, et deux représentants du personnel. Ainsi, au moins quatre des membres ayant voix délibérative ont assisté à la séance et pris part au délibéré. Si les représentants du personnel ont siégé " à distance ", compte tenu du contexte sanitaire particulier de l'époque, une telle circonstance n'a pas privé Mme A... d'une garantie ni n'a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis défavorable, qui a été rendu à l'unanimité. Dès lors, bien qu'aucun représentant des collectivités n'ait siégé et que les deux représentants du personnel aient été présents " à distance ", la commission de réforme départementale a pu régulièrement délibérer et son avis n'est pas entaché d'irrégularité. Le moyen tiré du vice de procédure pris en chacune de ses branches doit, dès lors, être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le Centre national de la fonction publique territoriale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 20 avril 2021 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 21 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande n° 2100112 présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Caen.
Article 3 : La demande de Mme A... enregistrée sous le numéro 2101309 devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national de la fonction publique territoriale et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.
La rapporteure,
J. LELLOUCH
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT04032