Vu la procédure suivante :
Par un arrêt du 17 juin 2022, la cour, saisie par le centre hospitalier universitaire d'Angers de la requête dirigée contre les jugements n° 1605980 du 31 octobre 2018 et du
13 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser diverses sommes à Mme Adeline Saint-Prix, à Mme C... et à M. Saint-Prix ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, a, avant-dire droit, ordonné une expertise médicale.
Par des mémoires enregistrés les 19 janvier et 13 février 2024, le centre hospitalier universitaire d'Angers, représenté par Me Le Prado et Gilbert, demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Nantes des 31 octobre 2018 et 13 janvier 2021 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme C..., de M. Saint-Prix et de Mme Adeline Saint-Prix et de la CPAM de la Loire-Atlantique devant le tribunal ;
3°) de rejeter les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par Mme Adeline Saint-Prix, Mme C... et M. Saint-Prix.
Il soutient que :
- il n'existe pas de lien direct de causalité entre l'infection nosocomiale et le dommage en litige, dès lors que les experts désignés par la cour ont estimé que le dommage aurait pu survenir même en l'absence de l'infection nosocomiale et que cette infection a seulement modérément majoré le risque de sa survenue ;
- la prise en charge non-conforme de cette infection nosocomiale n'a pas causé le dommage, mais seulement une perte de chance de 80% de l'éviter ;
- les préjudices subis par les consorts I... devront être mis à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers dans la limite d'une perte de chance de 80 % ;
- les moyens présentés à l'appui des conclusions d'appel incident ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 2 et 13 février 2024, la CPAM de la Loire-Atlantique, représentée par Me Simon, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête du CHU d'Angers ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner le CHU d'Angers à lui verser la somme de 250 483,18 euros au titre des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport actuels ainsi que les frais futurs échus jusqu'à l'arrêt à intervenir, qui s'élèvent à 90 752,37 euros, depuis la date de consolidation jusqu'au 6 février 2024, sous forme de capital et les frais futurs à échoir sous forme d'arrérages annuels ;
3°) d'assortir la somme que le CHU d'Angers est condamné à lui verser des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2020 et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de porter l'indemnité forfaitaire de gestion mise à sa charge à 1 191 euros
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Angers est engagée, dès lors que Mme C... a été victime d'une infection nosocomiale à la suite de sa cholécystectomie, qui a provoqué la naissance prématurée de Mme Adeline Saint-Prix, cette prématurité ayant été à l'origine, avec l'infection nosocomiale dont a aussi été victime l'enfant, de la leucomalacie périventriculaire et de l'infirmité motrice cérébrale dont cette dernière souffre depuis sa naissance ;
- il existe un lien de causalité exclusif entre l'infection nosocomiale et l'accouchement prématuré, dès lors que le 8 décembre 2000, Mme C... n'avait pas de contractions, mais surtout des douleurs et que l'examen obstétrical réalisé le 21 décembre 2000 faisait état d'une absence de menace d'accouchement prématuré ;
- à titre subsidiaire, et à supposer que Mme C... était porteuse du germe responsable de l'infection ou que l'infection n'ait pas été la cause exclusive du handicap de Mme Saint-Prix, la responsabilité du CHU devrait être engagée à raison du retard dans la prise en charge médicale de l'infection présentée par Mme C... ayant conduit à son accouchement prématuré dans un contexte de chorio-amniotite et d'infection materno-fœtale à staphylocoque aureus secondaire à la cholécystectomie qui a eu lieu le 7 décembre 2000 ;
- la responsabilité du CHU d'Angers dans la survenue de l'infection nosocomiale est totale, et les dépenses de santé mises en œuvre pour la prise en charge de l'infection nosocomiale et de ses suites incombent en totalité à cet établissement de santé ;
- l'attestation du médecin-conseil du 19 mai 2020 suffit pour justifier de l'imputabilité des frais d'hospitalisation à compter du 26 décembre 2000, des frais médicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d'appareillage, des frais de transport ainsi que des frais futurs exposés par elle à la suite du dommage en litige ;
- le CHU d'Angers n'avait pas fait connaître en première instance son désaccord pour le versement immédiat d'un capital représentatif des arrérages à échoir ;
- son indemnité forfaitaire de gestion doit être portée à 1 191 euros en application de l'arrêté ministériel du 18 décembre 2023.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 et 13 février 2024, Mme E... C..., M. K... Saint-Prix et Mme Adeline Saint-Prix, représentés par la Selarl Asfar Pineau, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du centre hospitalier universitaire d'Angers ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- à titre principal, d'annuler le jugement du 13 janvier 2021 en tant qu'il a limité les sommes que le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à verser à Mme Adeline Saint-Prix à une indemnité globale de 1 062 728,90 euros et à une rente trimestrielle de
34 608 euros ou de 22 102,50 euros selon qu'elle bénéficie ou non d'une aide AESH ; qu'il a limité la somme qu'il est condamné à verser à Mme C... à un montant de 45 289 euros et celle qu'il est condamné à verser à M. Saint-Prix à 26 530,44 euros et de porter ces sommes à un montant de 10 227 415,34 euros pour Mme Adeline Saint-Prix, de 286 701,65 euros pour Mme C... et de 102 890 euros pour M. Saint-Prix ;
- à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il a condamné le CHU d'Angers à verser à Madame Adeline Saint-Prix une rente trimestrielle de 34 608 euros ou de
22 102,50 euros selon qu'elle bénéficie ou non d'une aide AESH et de condamner le CHU d'Angers à payer à Madame Adeline Saint-Prix une rente viagère trimestrielle d'un montant de 34 608 euros au titre de l'assistance par tierce personne ;
3°) d'assortir les sommes mentionnées au 2° des intérêts au taux légal à compter du
13 janvier 2021 et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire les sommes de 5 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils font valoir que :
- l'infection nosocomiale, par le biais de la chorio-amniotite, est la cause de la prématurité et de la leuco malacie péri-ventriculaire, à l'origine de l'infirmité motrice cérébrale ;
- la prise en charge non conforme de l'infection nosocomiale par le centre hospitalier a entraîné, de plus, une perte de chance d'éviter le dommage subi par Adeline Saint-Prix qui est évaluée à 80% ;
- les préjudices subis par Mme Adeline Saint-Prix doivent être évalués aux sommes de :
* 1 427 980 euros au titre des frais temporaires d'assistance par tierce personne ;
* 22 000 euros au titre du préjudice scolaire et de formation ;
* de 1 061 310,47 euros au titre du préjudice professionnel dont 419 606,47 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs, 241 704 euros au titre de l'incidence professionnelle, 100 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir une promotion, 300 000 euros au titre de la perte de l'épanouissement personnel et social au travail ;
* 9 002 579,22 euros au titre des frais définitifs d'assistance par tierce personne ;
* 191 149,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* 150 000 euros au titre des souffrances endurées ;
* 60 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
* 573 750 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
* 80 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
* 60 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
* 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
* 120 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;
- les préjudices ainsi évalués de Mme Adeline Saint-Prix devront être indemnisés à hauteur de 80% de ces sommes ;
- il y a lieu de sursoir à statuer sur les frais de logement adapté et d'ordonner avant dire droit une expertise avec pour mission pour l'expert de déterminer le coût de la location ou de l'acquisition d'un logement accessible aux personnes à mobilité réduite lui permettant d'accueillir au quotidien une tierce personne, d'une part, ainsi que le coût de l'aménagement de celui-ci à sa pathologie, d'autre part, outre la détermination des frais d'acte notariés et d'agent immobilier subséquents ;
- les préjudices subis par Mme C... doivent être indemnisés par le versement de sommes de :
* 145 588,45 au titre de la perte de ses revenus ;
* 27 572,44 euros au titre des travaux effectués dans son logement
* 33 540,76 euros au titre des frais de véhicule adapté ;
* 259,07 euros au titre de la prise en charge du coût de réfection du fauteuil de sa fille Adeline Saint-Prix ;
* 30 000 euros au titre du préjudice d'impréparation en matière médicale et de défaut d'information;
* 50 000 euros au titre du préjudice d'affection ;
- il y a lieu d'indemniser les préjudices subis par M. Saint-Prix comme suit :
* 52 890 euros au titre des frais de véhicule adapté ;
* 50 000 euros au titre du préjudice d'affection.
Par une ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au
14 février 2024.
Un mémoire présenté pour le CHU d'Angers a été enregistré le 15 février 2024 postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu :
- les ordonnances du 3 janvier 2024 par lesquelles le président de la cour a taxé les frais de l'expertise ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Goldnadel, représentant le centre hospitalier universitaire d'Angers, et de Me Asfar, représentant les consorts Saint-Prix.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 décembre 2000, Mme C..., alors enceinte, a été hospitalisée au centre hospitalier universitaire d'Angers pour une cholécystite aigüe lithiasique. Elle a été opérée sous cœlioscopie le 7 décembre 2000 pour ablation de la vésicule biliaire et de la lithiase du bas cholédoque. Elle est sortie du centre hospitalier universitaire d'Angers le 18 décembre puis a été, à nouveau hospitalisée le lendemain. Le 23 décembre 2000, Mme C... est sortie du centre hospitalier universitaire d'Angers avant d'être hospitalisée une troisième fois le
24 décembre 2000 en raison de douleurs importantes. Sa fille, Adeline Saint-Prix, est née prématurément le 26 décembre 2000 et a été hospitalisée en service de néonatologie du
26 décembre 2000 au 14 mars 2001 pour prématurité et infection materno-fœtale. Elle présente depuis sa naissance une leucomalacie péri-ventriculaire compliquée d'une infirmité motrice cérébrale. Mme C... et M. Saint-Prix ont alors adressé une réclamation au centre hospitalier universitaire d'Angers le 4 avril 2016 tendant à l'indemnisation des préjudices subis par leur fille et par eux-mêmes, qui a fait l'objet le 20 juillet 2016 d'une décision de rejet. Ils ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à les indemniser des préjudices subis par leur fille et par eux-mêmes.
2. Par un jugement avant-dire droit du 31 octobre 2018, le tribunal a ordonné une expertise médicale afin de déterminer l'origine de l'état de santé Adeline Saint-Prix et d'apprécier la nature et l'étendue de ses préjudices. L'expert ayant déposé son rapport le
30 octobre 2019, M. Saint-Prix, Mme C..., et Mme Adeline Saint-Prix, devenue majeure au cours de l'instance devant le tribunal, lui ont demandé de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à leur verser la somme totale de 12 108 498,60 euros en réparation des préjudices subis. La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de
1 103 495 euros au titre de ses débours.
3. Par un jugement du 13 janvier 2021, dont le centre hospitalier relève appel, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire d'Angers à verser à Mme Adeline Saint-Prix une indemnité d'un montant de 1 023 143,22 euros ainsi qu'une indemnité d'un montant de 39 585,68 euros, sous déduction des aides financières ayant le même objet déjà perçues, et une rente trimestrielle viagère d'un montant de 22 102,50 euros ou de
34 608 euros, selon qu'elle bénéficie ou non d'une AESH, et à Mme E... C... et
M. Saint-Prix une somme de 404 942,51 euros en réparation des préjudices subis par leur fille et des sommes respectives de 45 289 euros et de 26 530,44 euros en réparation de leurs préjudices propres. Par ce même jugement, le tribunal a condamné le CHU d'Angers à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique la somme de 1 103 495 euros au titre de ses débours. Par la voie de l'appel incident, M. Saint-Prix, Mme C..., et Mme Adeline Saint-Prix demandent à la cour de porter les sommes que le CHU d'Angers est condamné à leur verser à des montants respectifs de 102 890 euros, 286 701,65 euros et 10 227 415,35 euros.
4. Par un arrêt du 17 juin 2022, la cour a dit que l'infection subie par Mme C... au décours de l'intervention chirurgicale du 7 décembre 2000 présentait un caractère nosocomial et révélait une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier qui est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Angers et que cet établissement avait commis une autre faute de nature à engager sa responsabilité en n'informant pas Mme C... des risques liés à l'infection nosocomiale au cours de la grossesse. Par ce même arrêt, la cour a, avant-dire-droit, ordonné une expertise confiée à un collège formé de quatre médecins, spécialistes respectivement en pathologie infectieuse et tropicale, chirurgie viscérale, gynécologie-obstétrique et pédiatrie. Ces experts ont rendu leur rapport le 19 décembre 2023.
Sur la régularité du jugement attaqué du 13 janvier 2021 :
5. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, ont suffisamment motivé leur jugement du 13 janvier 2021 au regard des conclusions dont ils étaient saisis et des moyens soulevés. Ainsi, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne le lien direct de causalité entre l'infection nosocomiale et les préjudices :
6. L'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réparation des infections nosocomiales issues de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci. Il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé.
7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 19 décembre 2023 qu'à la suite de l'infection nosocomiale à staphylocoque doré, Mme C... a subi une chorioamniotite et que la prématurité de l'enfant présente un lien direct et certain avec cette dernière affection. Les experts ont relevé à cet égard qu'il n'existait pas d'autre cause avérée à la prématurité de l'enfant, l'intervention chirurgicale subie par Mme C..., le 7 décembre 2000, soit dix-neuf jours avant la naissance Adeline Saint-Prix, ne pouvant, en particulier, être regardée comme une telle cause. De plus, la survenue de cette chorioamniotite a eu pour conséquence le développement chez Adeline Saint-Prix d'une leucomalacie péri-ventriculaire, qui a entraîné l'infirmité motrice cérébrale subie par cette dernière. Il résulte, en effet, du rapport d'expertise que la chorioamniotite, qui majore très significativement le risque d'infirmité cérébrale chez les prématurés nés avant 32 semaines, comme en l'espèce, est la cause déterminante de la leucomalacie péri-ventriculaire en litige, en l'absence de l'autre facteur possible de cette affection, à savoir une souffrance ischémique périnatale. Par suite, l'infection nosocomiale subie par Mme C... est la cause directe de l'entier dommage subi par Adeline Saint-Prix. S'il résulte également de l'instruction que la prise en charge de l'infection nosocomiale par le CHU d'Angers n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science, la faute ainsi commise par le centre hospitalier n'a pas été la cause du dommage, mais seulement d'une perte de chance de 80% de l'éviter. Contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, il y a, dès lors, lieu d'engager sa responsabilité non sur le fondement de cette faute, mais seulement sur le fondement de la faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier révélée par l'infection nosocomiale.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux subis par Mme Adeline Saint-Prix :
S'agissant des besoins d'assistance par tierce personne :
8. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant.
Quant à l'évaluation des besoins d'assistance par tierce personne :
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, compte tenu en particulier du rapport du
30 octobre 2019 établi par l'expert désigné par le tribunal ainsi que des dires, que l'état de santé de Mme Adeline Saint-Prix a nécessité un besoin d'assistance d'une tierce personne qui peut être évalué à trois heures par jour du 26 décembre 2003 au 25 décembre 2006, 4 heures par jour du 26 décembre 2006 au 25 décembre 2012, 15 heures par jour du 26 décembre 2012 au
25 décembre 2018, date de la majorité Adeline Saint-Prix, compte tenu d'une présence parentale nocturne qu'il y a lieu d'évaluer à 9 heures et à 15 heures par jour également du
26 décembre 2018 au 17 mai 2019, date de consolidation de son état de santé. Il en résulte aussi que le besoin permanent de l'intéressée en assistance d'une tierce personne peut être estimé à
24 heures à compter de cette date. Toutefois, à compter du 17 mai 2019, le besoin en assistance par tierce personne a été réduit à 15 heures par jour dès lors que Mme Adeline Saint-Prix a été assistée, dans le cadre de sa scolarité, d'un accompagnant des élèves en situation de handicap (ASEH), cette aide ayant été prise en charge financièrement par l'Etat. Il résulte de l'instruction que l'intéressée n'est plus scolarisée depuis le 30 juin 2020. Dès lors, pour la période du 17 mai 2019 au 30 juin 2020, le besoin en assistance par une tierce personne doit également être estimé à 15 heures par jour. Ainsi, en se référant à des années comportant 412 jours pour tenir compte des congés payés, des jours fériés et des dimanches, et compte tenu des jours d'hospitalisation, à savoir 47 jours pour la période du 26 décembre 2006 au 25 décembre 2012, 204 jours pour la période du 26 décembre 2012 au 25 décembre 2018, et 19 jours pour la période du 26 décembre 2018 au 17 mai 2019, le besoin d'assistance par une tierce personne doit être évalué à
3 711 heures du 26 décembre 2003 au 25 décembre 2006, 9 685 heures du 26 décembre 2006 au 25 décembre 2012, de 42 684 heures du 26 décembre 2012 au 30 juin 2020 et enfin à
36 491 heures du 1er juillet 2020 au 8 mars 2024 date du présent arrêt.
10. Le centre hospitalier soutient que le besoin en assistance par une tierce personne aurait dû être indemnisé sur la base d'un taux horaire de 10 euros pour les périodes précédant la consolidation de l'état de santé de Mme Adeline Saint-Prix et d'un taux de 13 euros pour les périodes suivantes. Les consorts C... et Saint-Prix font valoir, pour leur part, que l'indemnisation qui leur est due doit être fixée sur la base d'un taux horaire moyen de 22,5 euros.
11. Il y a lieu toutefois de fixer le taux horaire pour évaluer le besoin en assistance d'une tierce personne de l'intéressée, par référence au montant moyen des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, à des montants de
10,50 euros pour la période du 26 décembre 2003 au 25 décembre 2006, de 12,50 euros pour la période du 26 décembre 2006 au 25 décembre 2012, de 13,80 euros du 26 décembre 2012 au
30 juin 2020, de 15,50 euros pour la période du 1er juillet 2020 au 8 mars 2024, date du présent arrêt et enfin à 17 euros pour la période postérieure à cet arrêt.
12. Eu égard à ce qui précède, le besoin en assistance d'une tierce personne de
Mme Adeline Saint-Prix doit être estimé, pour la période jusqu'à la date du présent arrêt, à la somme de 1 314 681 euros, et à compter de cette date, à un montant trimestriel de 42 024 euros.
Quant à l'évaluation des prestations perçues ayant pris en charge les frais d'assistance par tierce personne :
13. Il résulte de l'instruction, compte tenu des pièces produites par les intimés, et notamment des décisions attribuant pour Mme Adeline Saint-Prix l'allocation d'éducation spéciale, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap, que le tribunal a justement évalué les sommes perçues à ces titres, à des montants de 109 169,44 euros pour la période allant du 26 décembre 2003 au 25 décembre 2018 et de 3 878,02 euros pour la période allant du 26 décembre 2018 au 17 mai 2019. Il résulte encore de l'instruction que Mme Adeline Saint-Prix a perçu pour la période allant du 18 mai 2019 au
31 décembre 2019 une somme de 7 059,40 euros au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap. Eu égard à ce qui est dit aux points 19 à 22, il n'y a pas lieu, en revanche, de prendre en compte pour l'indemnisation des frais d'assistance par une tierce personne, l'allocation aux adultes handicapés, qui devra être déduite de la rente mensuelle prévue au titre des pertes de revenus.
14. Par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Loire-Atlantique du 20 décembre 2019, le montant mensuel de la prestation de compensation du handicap a été révisée et portée à un montant de 2 242,12 euros, à compter du 1er août 2019. Compte tenu de ce que Mme Adeline Saint-Prix avait perçu au titre des mois d'août à décembre 2019 des montants mensuels de 843,76 euros au titre de la prestation de compensation du handicap, elle a eu droit du fait de cette décision du 20 décembre 2019, à un montant complémentaire pour cette prestation qui peut être estimé à 5 593,44 euros au titre de ces quatre mois. Le montant perçu au titre de cette prestation pour la période du 1er janvier 2020 au 8 mars 2024, date du présent arrêt, période qui est de 50 mois, doit être évalué à la somme de 112 106 euros.
15. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu, dès lors, de déduire de l'indemnisation allouée à Mme Adeline Saint-Prix au titre des frais d'assistance par une tierce personne jusqu'à la date du présent arrêt, fixée au point 12, un montant global de 237 806,70 euros. Le montant qui doit lui être alloué à ce titre s'élève, dès lors, pour cette période à la somme de 1 076 874,70 euros. Il n'y a pas lieu en revanche d'allouer une somme aux parents de Mme Adeline Saint-Prix, eu égard à l'âge de cette dernière, et à l'absence de conclusions en ce sens.
Quant aux sommes à allouer au titre des frais d'assistance par tierce personne pour la période à compter de l'arrêt :
16. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce sur l'indemnisation du préjudice résultant pour la victime d'un dommage corporel de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, si cette victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondant à l'indemnisation qui lui est due.
17. D'une part, la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Loire-Atlantique du 20 décembre 2019 ci-dessus mentionnée prévoit le versement d'une prestation compensatoire du handicap à Mme Adeline Saint-Prix jusqu'au
31 juillet 2029. Dans ces conditions, il y a lieu de prévoir que la rente trimestrielle que le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à lui verser d'un montant de 42 024 euros, le soit sous déduction, le cas échéant, de la prestation compensatoire du handicap perçue, qu'il lui reviendra de déclarer et de justifier chaque année. Cette rente sera revalorisée annuellement par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
18. D'autre part, s'il résulte de l'instruction que Mme Adeline Saint-Prix réside depuis sa naissance et encore aujourd'hui au domicile de ses parents, il ne peut toutefois être déterminé, à la date du présent arrêt, qu'elle ne sera pas accueillie à l'avenir dans un établissement spécialisé. Dans cette hypothèse, il y a lieu de prévoir une rente trimestrielle correspondant aux frais d'hébergement qu'elle exposera au cours de la première année de son admission dans un établissement spécialisé. Le montant de cette rente sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base notamment des justificatifs des frais exposés au cours de l'année passée, que Mme Adeline Saint-Prix devra adresser au centre hospitalier et sera revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. A cette rente, s'ajoutera, le cas échéant, la rente trimestrielle prévue au point précédent versée en fonction du temps de présence de Mme Adeline Saint-Prix à son domicile ou au domicile de ses proches et des prestations sociales versées à ce titre.
S'agissant des pertes de gains professionnels futurs et des incidences professionnelle et scolaire :
19. En premier lieu, lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article
L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. Cette rente n'a, en revanche, pas pour objet de couvrir la part personnelle des préjudices d'incidence scolaire et d'incidence professionnelle, qui doit faire l'objet d'une indemnisation distincte.
20. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertises des 30 octobre 2019 et 19 décembre 2023 que l'état de santé de Mme Saint-Prix constitue un handicap professionnel majeur. Si elle a conservé ses fonctions intellectuelles, a suivi une scolarité et a préparé une capacité en droit, elle reste atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 85% en raison d'une tétraplégie spastique asymétrique à prédominance gauche, se trouve sous pompe de Baclofène, se déplace difficilement en fauteuil roulant électrique et souffre d'un syndrome anxio-dépressif et phobique majeur. Dans ces conditions, l'infection nosocomiale et le handicap qui en a découlé ont privé Mme Adeline Saint-Prix de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à une activité professionnelle. Ils ont donc directement été la cause d'une perte de gains professionnels futurs et ont eu une incidence professionnelle. De même, ils ont fortement perturbé sa scolarité et ont donc eu une incidence scolaire.
21. S'agissant de la période allant du 26 décembre 2018, date à compter de laquelle Mme Saint-Prix est devenue majeure, jusqu'au 8 mars 2024, date du présent arrêt, une indemnité en capital sera versée par l'hôpital à l'intéressée au titre de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, indemnité incluant également la part patrimoniale du préjudice d'incidence professionnelle et de l'incidence scolaire qu'elle a subies. Cette indemnité doit être liquidée en se basant sur le montant du salaire mensuel médian net en 2018, année au cours de laquelle l'intéressée est devenue majeure, de 1 871 euros, montant qui sera revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. De la somme des salaires mensuels revalorisés sur la période considérée devront être déduites les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, qu'il appartiendra à l'intéressée de déclarer et de justifier annuellement.
22. S'agissant de la période courant à compter du 9 mars 2024, une rente mensuelle viagère sera versée par l'hôpital au titre des mêmes préjudices que ceux indiqués au point précédent. Il y a lieu de liquider cette rente en se basant sur le montant du salaire mensuel médian net en 2018, de 1 871 euros, en appliquant le coefficient de revalorisation mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Des arrérages mensuels à échoir de cette rente seront déduites les prestations compensant la perte de revenus professionnels, notamment l'allocation pour adulte handicapé, ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues mensuellement par Mme Saint-Prix au titre de la rémunération d'une activité professionnelle et d'une pension de retraite, qu'il appartiendra à l'intéressée de déclarer et de justifier annuellement.
23. En deuxième lieu, eu égard à ce qui précède, il sera fait une juste appréciation des parts personnelles des incidences scolaire et professionnelle subies par Mme Saint-Prix en lui allouant à ces titres des sommes respectives de 10 000 et de 15 000 euros.
24. En dernier lieu, Mme Saint-Prix reprend en appel, dans son mémoire enregistré le
7 février 2024, sans l'assortir d'aucun élément nouveau, sa demande formée en première instance tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur ses frais de logement adapté dans l'attente des conclusions d'une expertise qu'il conviendra à la cour d'ordonner pour fixer le montant de ses frais. Ce préjudice ne revêt toutefois qu'un caractère éventuel, l'intéressée vivant au domicile de ses parents depuis sa naissance et se bornant à évoquer l'éventualité à l'avenir de l'acquisition d'un logement au titre de son domicile personnel. Il y a lieu, dès lors, de regarder cette demande comme réservée ainsi que l'a jugé le tribunal. Il appartiendra à Mme Adeline Saint-Prix, ainsi que les premiers l'ont relevé à bon droit, de saisir le centre hospitalier d'une demande à ce titre, lorsqu'elle établira un projet concret de vie dans son propre domicile.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux subis par Mme B... Saint-Prix :
25. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par
Mme H...-Prix ont été très importantes. Le tribunal en a fait une évaluation qui n'est ni excessive, ni insuffisante en les fixant à la somme de 38 000 euros.
26. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme Adeline Saint-Prix a subi un déficit fonctionnel temporaire total durant 270 jours d'hospitalisation en lien avec sa pathologie, ainsi qu'un déficit fonctionnel de 85%, en dehors des périodes d'hospitalisation, du 26 décembre 2000 au 17 mai 2019, date de consolidation de son état de santé. Par suite, le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 86 236,50 euros.
27. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert désigné par le tribunal, que les préjudices esthétiques de Mme Adeline Saint-Prix, tant temporaire que permanent, sont très importants. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ces postes de préjudice en les évaluant à la somme globale de 38 000 euros.
28. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent de Mme Adeline Saint-Prix peut être évalué à 85%. L'intéressée était âgée de dix-huit ans à la date de consolidation de son état de santé, le 17 mai 2019. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 440 000 euros.
29. En cinquième lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel, très important, subi par Mme Saint-Prix, ainsi que du préjudice d'établissement découlant des répercussions de son handicap, également majeur, en lui allouant à ces titres des sommes respectives de 40 000 et de 50 000 euros.
30. En sixième lieu, Mme H...-Prix reprend en appel, sans l'assortir d'aucun élément nouveau, sa demande formée en première instance au titre du préjudice d'agrément. Il y a lieu, dès lors, de rejeter cette demande par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
31. Eu égard à ce qui a été exposé aux points 7 à 30, la somme que CHU est condamné à verser Mme H...-Prix, par l'article 1er du jugement attaqué, doit être portée à un montant de 1 794 111,20 euros, auquel s'ajoutent un capital liquidé selon les modalités prévues au point 21, une rente trimestrielle d'un montant de 42 024 euros, revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale et sous déduction de la prestation compensatoire du handicap perçue et, le cas échéant, une rente trimestrielle couvrant les frais d'hébergement dans les conditions et selon les modalités prévues au point 18, ainsi qu'une rente mensuelle liquidée selon les modalités prévues au point 22.
Sur les préjudices subis par Mme C... et M. Saint-Prix :
32. En premier lieu, si Mme C... soutient qu'elle a subi une perte de revenus professionnels en raison de l'état de santé de sa fille, la seule circonstance qu'elle fait valoir à ce titre tenant à ce qu'elle n'a connu depuis l'année 2001 que des emplois précaires et à temps partiel ne suffit pas à établir la réalité de ce préjudice, ni surtout son lien direct avec la faute du centre hospitalier. Il ne résulte pas en particulier de l'instruction qu'elle aurait été contrainte de restreindre une activité professionnelle pour s'occuper de sa fille. Par suite, la demande présentée au titre de la perte de revenus professionnels doit être rejetée.
33. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme C... a dû adapter son logement du fait du handicap de sa fille. Compte tenu des devis produits, le montant des travaux nécessaires à cette adaptation pour la salle de bain peut être évalué à 10 000 euros, après déduction de travaux sans lien avec le handicap tels que la pose d'une demi-colonne porte-miroir. En outre, il n'est pas établi que le handicap de Mme Adeline Saint-Prix nécessite l'aménagement d'une nouvelle terrasse. Par suite, le tribunal a fait une juste appréciation des frais de logement adapté exposé par Mme C... en les fixant à la somme de 10 000 euros.
34. En troisième lieu, si Mme C... soutient qu'elle a exposé des frais de 259,07 euros au titre de la prise en charge du coût de réfection du fauteuil de sa fille, elle n'établit pas la réalité de cette dépense par la simple production d'un devis.
35. En troisième lieu, le préjudice indemnisable au titre des frais d'adaptation d'un véhicule nécessaire pour permettre à la victime de se déplacer n'est constitué que par le surcoût lié à l'achat d'un véhicule adapté ou le coût de l'adaptation d'un véhicule standard.
36. Compte tenu des pièces produits par Mme C... et M. Saint-Prix pour justifier des dépenses exposées au titre des frais d'adaptation de leur véhicule respectif, le tribunal a fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en les fixant, pour Mme C..., à la somme de 10 289 euros et, pour M. Saint-Prix, à la somme 11 530,44 euros.
37. En quatrième lieu, eu égard à l'importance du dommage subi par Mme Adeline Saint-Prix, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme C... et M. Saint-Prix en l'évaluant à la somme de 15 000 euros pour chacun d'entre eux.
38. En cinquième lieu, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention chirurgicale, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles.
39. Compte tenu de l'importance des séquelles de Mme Adeline Saint-Prix, les premiers juges ont fait une juste réparation du préjudice d'impréparation subi par Mme C... en lui allouant à ce titre une somme de 10 000 euros.
40. Il résulte de ce qui précède que le tribunal a fait une juste évaluation des préjudices subis par Mme C... et à M. Saint-Prix en leur allouant des indemnités d'un montant global de 45 289 euros pour la première et d'un montant global de 26 530,44 euros pour le second.
En ce qui concerne les débours de la CPAM de la Loire-Atlantique :
41. Eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge de l'auteur responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec l'accord de ce dernier.
42. La CPAM de la Loire-Atlantique a produit une attestation de ses débours s'élevant à la somme de 1 103 495 euros au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport actuels et de frais futurs. Il résulte de l'instruction, compte tenu de l'attestation de son médecin conseil, que ces dépenses sont directement en lien avec le dommage subi par Adeline Saint-Prix à la suite de l'infection nosocomiale. Il n'en résulte pas, en revanche, que les frais d'appareillage seraient excessifs.
43. Il résulte de l'instruction qu'à la date du présent arrêt la CPAM de la
Loire-Atlantique justifie avoir versé pour le compte Adeline Saint-Prix une somme de
250 483,18 euros au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport actuels qu'elle a exposés. Il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser cette somme.
44. Toutefois la somme de 1 103 495 euros dont la CPAM demande le remboursement comporte aussi un capital représentatif des frais futurs d'un montant de 853 011,82 euros. Faute pour le centre hospitalier universitaire d'Angers d'avoir donné son accord à cette modalité de versement, ce dernier doit être seulement condamné à rembourser à la CPAM de la
Loire-Atlantique, au titre des frais futurs, à échéance annuelle et sur justificatifs, les frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport qu'elle aura engagés pour
Mme Saint-Prix postérieurement à la lecture du présent arrêt.
45. Enfin, si la CPAM demande aussi, à titre subsidiaire, de condamner le CHU d'Angers à lui verser une somme de 90 752,37 euros au titre des frais intervenus entre la date de consolidation de l'état de santé de Mme Adeline Saint-Prix et le 6 février 2024, elle ne justifie pas avoir effectivement exposé ces frais.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
46. En premier lieu, Mme Adeline Saint-Prix a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes que le CHU est condamné à lui verser par le présent arrêt à compter du 19 juillet 2016, date de l'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts, à compter du 24 juillet 2020, date à laquelle cette capitalisation a été demandée, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Mme C... et
M. Saint-Prix ont droit à la capitalisation des intérêts alloués par l'article 6 du jugement du
13 janvier 2021 non seulement à compter du 24 juillet 2020, mais encore à compter de chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.
47. En second lieu, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la CPAM de la Loire-Atlantique tendant à ce que la somme qui lui est allouée par le présent arrêt porte intérêt au taux légal à compter du 2 juin 2020.
Sur les frais liés au litige :
48. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier universitaire d'Angers, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais d'expertise tels que taxés et liquidés à la somme de 14 756 euros.
49. Dans ces mêmes circonstances, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers, pour la présente instance, la somme globale de 2 000 euros qui sera versée à Mme Adeline Saint-Prix, Mme E... C... et M. Saint-Prix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la CPAM à ce même titre, ni à sa demande tendant à la majoration de son indemnité forfaitaire de gestion, dès lors que les sommes que le CHU d'Angers est condamné à lui verser ne sont pas augmentées par le présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à verser à Mme Adeline Saint-Prix une somme de 1 794 111,20 euros en réparation de ses préjudices.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à verser à Mme Adeline Saint-Prix une indemnité en capital, liquidée selon les modalités prévues au point 21 du présent arrêt, au titre de la perte de revenus professionnels, de la perte consécutive de droits à pension et des parts patrimoniales des incidences scolaire et professionnelle subies.
Article 3 : La somme et l'indemnité allouées par les articles 1 et 2 du présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2016 et capitalisation des intérêts à compter du
24 juillet 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à verser à Mme Adeline Saint-Prix une rente trimestrielle d'un montant de 42 024 euros, revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, sous déduction de la prestation compensatoire du handicap perçue et, le cas échéant, dans les conditions et selon les modalités prévues au point 18 du présent arrêt, une rente trimestrielle correspondant aux frais d'hébergement, revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à verser à Mme Adeline Saint-Prix une rente mensuelle selon les modalités prévues au point 22 du présent arrêt, au titre de la perte de revenus professionnels, de la perte consécutive de droits à pension et des parts patrimoniales des incidences scolaire et professionnelle subies.
Article 6 : La somme que le centre hospitalier universitaire d'Angers a été condamné à verser à la CPAM de la Loire-Atlantique, au titre de ses débours est ramenée à un montant de
250 483,18 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2020.
Article 7 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à rembourser à la CPAM de la Loire-Atlantique, au titre des frais futurs, à échéance annuelle et sur justificatifs, les frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport qu'elle aura engagés pour
Mme Saint-Prix postérieurement à la lecture du présent arrêt.
Article 8 : L'article 3 du 13 janvier 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 9 : Les intérêts alloués par l'article 6 du jugement du 13 janvier 2021 à Mme C... et
M. Saint-Prix seront capitalisés seulement à compter du 24 juillet 2020 et à compter de chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date.
Article 10 : Le jugement du 13 janvier 2021 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 10 du présent arrêt.
Article 11 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 14 756 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire d'Angers.
Article 12 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers versera à Mme Saint-Prix, Mme C... et M. Saint-Prix la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 13 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 14 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Adeline Saint-Prix, à M. K... Saint-Prix, à Mme E... C..., au centre hospitalier universitaire d'Angers, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2024.
Le rapporteur,
X. CATROUXLa présidente,
C. BRISSON
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00693