Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du
19 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé la Géorgie comme pays de destination, et lui a interdit de retourner en France pour une durée de 36 mois.
Par un jugement n° 2300855 du 26 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2023, M. B... A..., représenté par
Me Lamy-Rabu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours, a fixé la Géorgie comme pays de destination, et lui a interdit de retourner en France pour une durée de 36 mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour fondé sur les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement contesté doit être annulé pour violation des droits de la défense dès lors que M. A... a reçu notification de la date d'audience le 23 janvier pour une audience fixée le lendemain, qu'il a demandé un délai qui lui a été refusé, et que son avocat, bien que mandaté dès le 10 janvier 2023, ce dont la juridiction a été informée, n'a pas été mis en mesure de présenter sa défense de manière contradictoire
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé et en raison de l'atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
La clôture d'instruction a été fixée à la date du 18 décembre 2023, par une ordonnance du 9 novembre 2023, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Le préfet de Maine-et-Loire a présenté, le 10 janvier 2024, un mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
28 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant géorgien né le 13 août 1989, déclare être entré en France pour la première fois le 29 septembre 2002. Le 2 avril 2007, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, sous l'identité de Shamoev Tamaz. Sa demande d'asile et la demande de réexamen de sa demande d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le 8 juillet 2008, il a fait l'objet d'une deuxième mesure d'éloignement, qui a été exécutée. M. A... a déclaré être à nouveau entré en France le 28 octobre 2008. Sa nouvelle demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par une décision du 23 mars 2009, le préfet de l'Eure a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français, exécutée le 7 avril 2009. Le 4 février 2013, M. A... a sollicité du préfet de la Somme son admission exceptionnelle au séjour. Le 25 mars 2013, il a sollicité du préfet de Maine-et-Loire son admission exceptionnelle au séjour ainsi que la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, qui lui a été refusée le 30 juillet 2013. Le 4 novembre 2014, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Le 27 novembre suivant,
M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Son recours contre le refus qui lui a été opposé le 3 février 2015 a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 mai 2017. Le 12 juin 2018, il a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11. Par un arrêté du
2 octobre 2018, le préfet de Maine-et-Loire a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 15 octobre 2019, le même préfet a édicté à l'encontre de M. A... un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français, cette fois-ci sans délai de départ volontaire, arrêté qui a été exécuté le
14 février 2020. M. A... a ensuite déposé une demande d'asile en Belgique, où, après une nouvelle entrée en France, il a été transféré le 21 décembre 2020 par les autorités françaises, sur le fondement d'un arrêté du préfet de Maine-et-Loire édicté en application du règlement (UE)
n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il est toutefois revenu sur le territoire français dans le courant du mois de décembre 2021 selon ses déclarations. Le 24 février 2022, le préfet de Maine-et-Loire a édicté à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français durant 3 ans. Par l'arrêté attaqué du 19 décembre 2022, ce préfet a de nouveau édicté à l'encontre de
M. A... un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français durant 3 ans. M. A... relève appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., alors retenu au centre de rétention administrative de Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande, a formé le 20 décembre 2022, par une requête sommaire, un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté qui lui avait été notifié la veille à Angers, par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé de l'obliger à quitter le territoire sans délai et lui a fait interdiction de retourner en France pendant trois ans. Libéré par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes du
21 décembre 2022, il a, par la suite, été assigné à résidence dans le département de
Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours par un arrêté du préfet de ce département du 5 janvier 2023. La requête de M. A..., enregistrée au tribunal administratif de Rennes, a été transmise le 17 janvier 2023 par une ordonnance du président de cette juridiction au tribunal administratif de Nantes, où elle a été enregistrée le lendemain, un avis d'audience étant alors adressé le jour-même à M. A... et au préfet de Maine-et-Loire, auquel ce dernier a répondu par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2023. Me Lamy-Rabu, dont il ressort des propres écritures qu'elle était en charge des intérêts de M. A... depuis le 10 janvier 2023, s'est constituée le 23 janvier 2023 et a reçu, par un courrier qui lui a été adressé le même jour par télérecours à 16h57 et dont elle a accusé réception le lendemain à 11h46, la communication de la requête ainsi que de l'avis de convocation à l'audience, prévue le 24 janvier 2023 à 14h35, dont elle avait toutefois été informée directement par son client la veille. Le courrier par lequel, dès le 23 janvier 2023 à 16h46, elle a demandé le report de l'audience à une date ultérieure en raison de son indisponibilité professionnelle a fait l'objet d'une réponse négative qui lui a été adressée le lendemain matin 24 janvier 2023 à 08h25 et dont elle a pris connaissance à 11h47. Si le délai imparti à Me Lamy-Rabu, conseil auquel M. A... avait fait appel à sa sortie de rétention administrative pour pouvoir représenter son client à l'audience prévue le lendemain à 14h35 était particulièrement bref, il était loisible à cette professionnelle, dans le cadre d'une procédure d'urgence prévoyant que le magistrat désigné se prononce dans le délai de 96 heures, de faire en sorte que son client soit représenté à l'audience par un autre avocat, tel que l'avocat de permanence nécessairement disponible pour assurer les audiences ce jour-là. Le moyen tiré de ce que le jugement du 26 janvier 2023 du tribunal administratif de Rennes serait irrégulier en raison d'une convocation à l'audience à une date ne permettant pas au requérant de se défendre utilement et d'être effectivement représenté à l'audience ne peut être accueilli.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...). " L'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
4. En premier lieu, s'il ressort des pièces du dossier que plusieurs membres de la famille de M. A... résident régulièrement en France, notamment sa mère et sa fille, le requérant a été interpellé pour des violences commises sur sa mère et il ne justifie d'aucune relation avec sa fille, ni avec aucun des autres membres de sa famille résidant en France. M. A... est entré en France alors qu'il était mineur, d'après ses déclarations, mais il ressort des éléments mentionnés au point 1, d'une part, que son séjour dans ce pays a été discontinu et a été effectué pour partie sous le régime de la détention en raison de plusieurs condamnations pour des délits divers, d'autre part, que M. A... n'a jamais résidé régulièrement en France, et, enfin, qu'il a été éloigné à plusieurs reprises du territoire français. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet de Maine et Loire n'a, en l'obligeant à quitter le territoire français, pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision.
5. En second lieu, si M. A... entend se prévaloir des dispositions précitées de l'article L 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de l'article, il n'est ni établi ni même allégué qu'il aurait demandé un titre de séjour sur ce fondement en qualité d'étranger malade. Il se borne à faire valoir une pathologie grave d'ordre psychiatrique nécessitant une prise en charge médicale inexistante dans son pays d'origine, sans apporter de précisions sur cette pathologie, la prise en charge médicale qu'elle rend nécessaire, et le défaut d'accessibilité de cette prise en charge en Géorgie, se bornant, sur ce dernier point, à affirmer que, " en Géorgie, la prise en charge des maladies mentales reste insuffisante " en citant un bref extrait d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) de juin 2020. Par conséquent, à supposer que le requérant puisse être regardé comme résidant habituellement en France, il n'établit pas que son état de santé, combiné à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, ferait obstacle à son éloignement, sur le fondement des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire l'obligeant à quitter sans délai le territoire, fixant la Géorgie comme pays de destination et lui faisant interdiction de retourner en France pour une durée de trois ans.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction dont elles sont assorties ne sauraient être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'avocate de M. A... ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00526