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17/11/2023 | FRANCE | N°23NT01455

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 novembre 2023, 23NT01455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, d'autre part, l'arrêté du 17 avril 2023 prononçant son assignation à résidence dans le département du Calvados

pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300992 du 26 avril 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 avril 2023 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, d'autre part, l'arrêté du 17 avril 2023 prononçant son assignation à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300992 du 26 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 mai et 4 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Papinot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 26 avril 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Calvados des 16 et 17 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas été préalablement recueilli ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 425-9 du même code ;

- elle méconnaît l'article 8 du la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire Français d'une durée de trois ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'est ni nécessaire ni proportionnée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 et 5 juillet 2023, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun de moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant géorgien né le 23 septembre 1971, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 27 juin 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 novembre 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 juillet 2015. Par un arrêté du 30 mai 2018, le préfet du Calvados a rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français. Puis, le 6 décembre 2019, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français a été pris à son encontre. Le 14 février 2022, le préfet du Calvados a rejeté une nouvelle demande de titre de séjour pour raisons médicales présentée par le requérant et l'a obligé à quitter le territoire français. Enfin, à la suite de l'interpellation pour vol de l'intéressé, par un arrêté du 16 avril 2023, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et, par un arrêté du 17 avril 2023, le préfet l'a assigné à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 26 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux derniers arrêtés.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

3. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 10 septembre 2021, que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et peut y voyager sans risque. M. B... soutient que l'administration devait ressaisir ce collège avant de prendre la mesure d'éloignement en litige, dès lors notamment que ses pathologies sont évolutives et que l'avis du 10 septembre 2021 concernant son état de santé était trop ancien. Toutefois, les éléments médicaux qu'il produit établissent seulement qu'il continuait en 2023 à faire l'objet d'un suivi et de soins médicaux, notamment de traitements médicamenteux, pour plusieurs maladies chroniques, déjà diagnostiquées et traitées en 2021, dont notamment une maladie hépatique. Ils ne permettent pas, en revanche, de démontrer une aggravation de ses pathologies ou une évolution défavorable de son état de santé, qui serait de nature à remettre en cause la pertinence de l'avis médical du

10 septembre 2021 relatif à la possibilité de soins appropriés en Géorgie pour les mêmes pathologies. De plus, il ne ressort pas des extraits de rapport de l'OSAR de juin 2020 que fait valoir le requérant que les traitements appropriés à son état de santé ne seraient pas possibles en Géorgie. Ces extraits relatent, au contraire, en particulier, que les personnes souffrant de maladie du foie peuvent obtenir des soins appropriés, même si l'assurance maladie universelle ne prend pas en charge tous les actes médicaux. Les moyens tirés du vice de procédure tenant à l'absence d'une nouvelle consultation du collège médical de l'OFII, de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent, et, en tout état de cause, de celles de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent, dès lors, être écartés.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

5. M. B... séjournait en France depuis près de neuf ans à la date de la décision contestée. Il est célibataire. S'il fait valoir être père de deux enfants mineurs résidant en France, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il entretiendrait des liens avec ceux-ci. La durée du séjour de l'intéressé en France s'explique pour l'essentiel par le maintien de l'intéressé en situation irrégulière en dépit de trois précédents refus d'admission au séjour et obligations de quitter le territoire français pris à son encontre. De plus, le requérant ne conteste pas avoir été condamné à sept reprises entre 2015 et 2019 à des peines d'emprisonnement pour vol avec violence, tentative de vol avec port d'arme, usurpation d'identité, transport de cannabis, violence sur agent de la force publique, vol et escroquerie, faux et usage de faux, violence et vol commis en réunion. Enfin, la décision attaquée a été prise dans le cadre d'une garde à vue de

M. B... pour des faits de vol. Il ressort de la décision contestée que l'intéressé a fait l'objet d'un signalement le 16 août 2022 pour des faits de non-respect d'une obligation ou interdiction imposée par un juge aux affaires familiales dans une ordonnance de protection d'une victime de violences familiales ou de menace de mariage forcé et qu'au moment de cette décision il venait de faire l'objet d'une interpellation pour vol. Compte tenu de ces faits, dont certains étaient très récents, de leur caractère répété et de leur gravité, le comportement de M. B... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle été prise. Elle ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle ne méconnaît pas davantage l'article

3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

6. En dernier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français à son encontre est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :

7. En premier lieu, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent et est, dès lors, suffisamment motivée. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté, et notamment de sa motivation, que cette décision a été prise après un examen particulier de la situation de l'intéressé.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

9. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 et à la circonstance que M. B... avait déjà fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement, les moyens tirés de ce que l'interdiction de retour prise à sonencontre méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour assigner M. B... à résidence. L'erreur de droit, ainsi soulevée, ne peut, dès lors, qu'être écartée.

11. En dernier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux, les moyens invoqués en première instance tiré de ce que la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée, entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.

Le rapporteur,

X. CATROUXLa présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01455
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : PAPINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-17;23nt01455 ?
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