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17/11/2023 | FRANCE | N°23NT00304

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 novembre 2023, 23NT00304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours formé contre la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées

n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand (Morbihan), ainsi que cette décision du 11 décembre 2020.

Par un jugement n° 210028

7 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours formé contre la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées

n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand (Morbihan), ainsi que cette décision du 11 décembre 2020.

Par un jugement n° 2100287 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 février et le 22 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Bouzid, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur son recours formé contre la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées

n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand, ainsi que cette décision du

11 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Bretagne de réexaminer sa demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles sur les parcelles cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK,

YT 65, YT 75 à Plélan-le-Grand, dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il exerce depuis le 1er juillet 2019 en qualité d'agriculteur céréalier biologique ;

- il est jeune agriculteur, ses terres sont situées plus près des parcelles en litige, et son chiffre d'affaires est inférieur à celui de ses concurrents ;

- la décision ayant rejeté sa demande est entachée d'erreur de droit ; sa demande répondait en effet parfaitement à la priorité définie par l'article L. 331-1 du code rural, consistant en la promotion et le développement des systèmes de production agro-écologique et portant sur des terres auparavant exploitées de façon conventionnelle, devait être prioritaire par rapport à celle de l'EARL Hervault qui a été retenue ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que sa demande, relevant de la priorité 4.2.6 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA de Bretagne), aurait dû être considérée comme prioritaire.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2023, l'EARL Hervault, représentée par Me Chevalier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, faute de comporter une critique du jugement contesté ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 10 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Vergne,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Chevalier, représentant l'EARL Hervault.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui exploite depuis le 1er juillet 2019 environ 30 hectares de terres pour des cultures céréalières en mode d'agriculture biologique (orge, maïs et colza), a présenté le 28 octobre 2020 au préfet de la région Bretagne une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles devenues vacantes, auparavant exploitées pour l'élevage de vaches laitières, puis de vaches allaitantes, d'une surface de 5,4835 ha, situées à Plélan-le-Grand (Morbihan), cadastrées n° YT 66, YS 97AJ, YS 97AK, YT 65, YT 75. Sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2020 lui refusant cette autorisation ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rennes n° 2100287 du 14 novembre 2022, dont il relève appel.

Sur les conclusions à la fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " (...) L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : 1o Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; 2o Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale, dont ceux relevant du mode de production biologique au sens de l'article L. 641-13, ainsi que leur pérennisation ; 3o Maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée, notamment en limitant les agrandissements et les concentrations d'exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d'une même personne physique ou morale excessifs au regard des critères précisés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. / Elle vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Enfin, aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article

L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne : " I - Les règles et dispositions particulières / a) Règles s'appliquant à toutes les priorités : en cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixées à l'article 5. Si ce classement ne permet pas de les départager, des autorisations sont délivrées pour chacune d'elles. / Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction des sous-priorités / Tout demandeur exploitant ses terres en mode de production biologique ou en conversion et demandant des terres en agriculture biologique (parcelles déjà converties ou en cours de conversion) pour les maintenir en agriculture biologique est prioritaire par rapport aux autres demandeurs relevant du même rang de priorité. / Les candidats ayant un projet d'installation en agriculture biologique bénéficient également de cette sous-priorité. Hormis pour les candidats à l'installation, le statut d'exploitant en agriculture biologique sera justifié par l'attestation en agriculture biologique ou dernière attestation de contrôle de l'organisme certificateur.".

4. En premier lieu, si le requérant fait valoir que l'opération d'agrandissement de son exploitation ayant justifié sa demande d'autorisation répond parfaitement aux objectifs assignés au contrôle des structures des exploitations agricoles par l'article L. 331-1 du code rural, et notamment à celui de la promotion et du développement des systèmes de production agro-écologique, l'article L. 331-1 dont il se prévaut renvoit, pour son application, aux critères du schéma directeur des exploitations agricoles défini régionalement, soit, au cas particulier, à l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 arrêtant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne. Au cas d'espèce, il n'est ni démontré ni même réellement soutenu par le requérant, qui n'excipe pas de l'illégalité de cet acte réglementaire, que l'arrêté du 4 mai 2018 qui lui a été appliqué et qui décline l'ensemble des objectifs figurant à l'article

L. 331-1 précité du code rural et de la pêche maritime serait contraire, en tout ou partie, à ces dispositions législatives. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a fait application à la demande de M. B... des priorités et critères fixés par cet arrêté. Le moyen du requérant tiré de l'erreur de droit ne peut, par suite, être accueilli.

5. En deuxième lieu, M. B..., qui se prévaut de la priorité 4.2.6 du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne en faisant valoir sa qualité d'agriculteur biologique, doit être regardé comme invoquant la sous-priorité 4.2.5 réservant, au sein de la priorité 4.2, une priorité de 5ème rang au " demandeur s'engageant en agriculture biologique sur des terres conventionnelles ". Toutefois, la priorité 4.2 ne vise que l'" installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ou [l']agrandissement d'une société par l'installation d'agriculteur à titre exclusif ou principal ", ce qui ne correspondait pas à la situation du requérant, déjà installé comme agriculteur, selon ses propres écritures, depuis le 1er juillet 2019 et qui ne peut, dans ces conditions, se prévaloir des dispositions qu'il invoque.

6. En troisième lieu, les circonstances mises en avant par le requérant, tenant au caractère récent de son installation, à la proximité géographique de son exploitation avec les terres en question et au niveau de son chiffre d'affaires, ne relèvent d'aucune des sous-priorités de la " Priorité 9 : agrandissement et/ou réunion d'exploitations " du SDREA, qui a été mise en œuvre à bon droit pour l'examen de sa candidature, et ne pouvaient donc justifier que celle-ci soit retenue au lieu de celle de l'EARL Hervault, laquelle était mieux classée que la sienne dans l'ordre des sous-priorités applicables. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la région Bretagne aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions qu'il a mises en œuvre doit être écarté.

7. En quatrième lieu, M. B... ne peut invoquer utilement les annonces faites par les autorités gouvernementales d'objectifs de développement des surfaces agricoles exploitées en mode biologique, qui ne présentent pas le caractère de dispositions législatives ou réglementaires opposables.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le préfet de la région Bretagne lui a refusé l'autorisation d'exploiter les terres agricoles en cause, et de la décision ayant rejeté son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

9. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent dès lors être rejetées. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'EARL Hervault tendant à la mise à la charge de M. B..., en application des mêmes dispositions, d'une somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'EARL Hervault fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'EARL Hervault et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023.

Le rapporteur,

G.-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

La greffière

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00304
Date de la décision : 17/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELAS BOUZID AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-11-17;23nt00304 ?
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