Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, par deux recours distincts, d'annuler les arrêtés du préfet du Morbihan du 29 août 2022, concernant chacun d'eux, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement nos 2204920, 2204921 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. B... et Mme C..., représentés par Me Le Bihan, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2022 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler les arrêtés du 29 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de réexaminer leurs situations, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de leur délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français méconnait le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision obligeant Mme C... à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré 2 août 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... et M. B..., de nationalité nigériane, sont entrés irrégulièrement en France en avril 2019, selon leur déclaration, en provenance d'Italie et ont demandé l'asile. Ils ont fait l'objet de décisions de transfert vers l'Italie, qu'ils n'ont pas exécutées. Par des décisions du 25 mars 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes de protection internationale. Le préfet du Morbihan a, par des arrêtés du 29 août 2022 et sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris à l'encontre de Mme C... et de M. B... des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par un jugement du 7 novembre 2022, dont M. B... et Mme C... relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ". Aux termes de son article L. 611-3 : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
3. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un suivi médical ainsi que d'un traitement médicamenteux à compter de septembre 2021 pour des troubles psychologiques liés à un stress post-traumatique, il n'en ressort pas en revanche que le défaut de prise en charge médicale de cette pathologie pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou, même, en tout état de cause, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Nigéria, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à cette pathologie. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. D'une part, Mme C... et M. B... font tous les deux l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Ces décisions n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les membres de la famille, leurs enfants mineurs ayant vocation à suivre leurs parents. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il serait impossible que leur vie familiale se poursuive ailleurs qu'en France, pays dans lequel ils ne séjournaient que depuis moins de quatre ans, où ils n'avaient pas noué des liens anciens et stables et où ils n'étaient pas intégrés notamment au plan professionnel. D'autre part, les requérants font valoir que la pratique des mutilations sexuelles féminines conserve un taux de prévalence important au Nigéria pour les personnes de l'ethnie bini, à laquelle appartient la fille des requérants. Toutefois, ils ont déclaré, au cours de l'instruction de leurs demandes d'asile et de celle de leur fille, être opposés à cette pratique et en rupture avec leurs familles restées dans leur pays d'origine. Ils n'étayent pas, de plus, d'éléments probants leurs allégations concernant la crainte qu'ils auraient que ces familles leur imposent d'exciser leur fille, dont la demande de protection internationale présentée pour ce motif a d'ailleurs été rejetée. Le préfet n'a donc pas méconnu, en prenant à l'encontre des requérants les obligations de quitter le territoire français en litige, l'intérêt supérieur des enfants du couple, ni porté au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces arrêtés ont été pris. Il n'a pas davantage exposé la fille des requérants en fixant le Nigéria comme pays de renvoi à des traitements inhumains et dégradants. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, dès lors, être écartés.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Les conclusions de la requête à fin d'injonction et présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent aussi, dès lors, être rejetées, par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie sera transmise, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023.
Le rapporteur,
X. Catroux
La présidente,
C. Brisson
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23NT000622