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13/10/2023 | FRANCE | N°23NT00295

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 13 octobre 2023, 23NT00295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 24 janvier 2023 par lesquels le préfet de la Manche, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement no 2300172 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête enregistrée le 3 février 2023, M. B..., représenté par Me Papinot, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 24 janvier 2023 par lesquels le préfet de la Manche, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement no 2300172 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2023, M. B..., représenté par Me Papinot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 30 janvier 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Manche du 24 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen soulevé contre l'arrêté portant assignation à résidence ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour en France est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation qui lui est faite de se présenter tous les lundis, mercredis et vendredis aux services de police est disproportionnée.

La requête a été communiquée au préfet de la Manche qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 11 avril 2023, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 17 mars 1990 est, selon ses dires, entré irrégulièrement en France en 2020. Par un arrêté du 6 octobre 2020, le préfet de la Manche a obligé l'intéressé à quitter le territoire français. L'intéressé s'est maintenu sur le territoire français et a fait l'objet le 23 janvier 2023 d'une mesure de vérification du droit de circulation ou de séjour sur ce territoire. Par un arrêté du 24 janvier 2023, le préfet de la Manche a alors obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il serait légalement admissible, avec une interdiction de retour en France pendant un an. Le même jour, la même autorité a pris un second arrêté l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Le tribunal a relevé au point 13 de son jugement qu'il résultait du rejet des conclusions contre l'obligation de quitter le territoire français, que celles tendant à l'annulation par voie de conséquence de la décision portant assignation, devaient également être rejetées. Le tribunal a, par suite, suffisamment motivé son jugement, s'agissant de la réponse au seul moyen soulevé contre cette dernière décision tenant à qu'elle devait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français en litige.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le requérant séjournait depuis seulement deux ans et demi, à la date de la décision contestée, en France où il s'était maintenu en situation irrégulière en dépit d'une première obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le

6 octobre 2020. S'il se prévaut d'une vie commune avec une ressortissante française d'une durée d'environ un an et demi à cette date et d'une participation à l'éducation des deux enfants de celle-ci, les quelques témoignages, peu circonstanciés, qu'il produit ne suffisent pas à établir l'ancienneté alléguée de cette relation et l'intensité de sa participation à l'éducation de ces enfants. Le mariage de M. B... avec cette ressortissante française était très récent, puisqu'il datait d'octobre 2022. Le requérant se trouvait, de plus, sur le territoire sans activité professionnelle et vivait, selon ses déclarations, des aides sociales perçues par sa femme. Dans ces conditions, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de la Manche n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation. Il n'a pas davantage méconnu l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. En dernier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveau, le moyen invoqué en première instance, tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. En premier, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

9. L'arrêté contesté se réfère aux dispositions citées au point précédent et fait état de ce que l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 6 octobre 2020 qu'il n'a pas exécutée. La décision de refus de délai de départ volontaire est, dès lors, suffisamment motivée.

10. En second lieu, l'intéressé s'étant soustrait à une précédente mesure d'éloignement, le préfet a fait une exacte application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour en France :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) " et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

12. L'arrêté contesté mentionne la durée du séjour du requérant en France, ses liens, très récents avec ce pays et l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre le 6 octobre 2020. Il est, par suite, suffisamment motivé.

13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, marié très récemment avec une ressortissante française, l'intéressé était dépourvu de liens anciens avec la France, où il s'était installé irrégulièrement depuis seulement deux ans et demi et avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le préfet a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant une interdiction de retour d'un an à l'encontre de l'intéressé.

14. Pour les mêmes raisons que celles exposés au point précédent, et eu égard également à ce qui a été dit au point 6, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

15. En premier lieu, l'arrêté portant assignation à résidence comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, dès lors, suffisamment motivé.

16. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de cet arrêté que le préfet, qui n'était pas tenu de faire état expressément de tous les éléments du dossier qui lui était présenté, a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prendre cet arrêté.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait des obligations personnelles, professionnelles ou familiales telles que l'obligation qui lui est faite de se présenter trois fois par semaine aux services de police serait disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi d'exécuter la mesure d'éloignement en litige. Le moyen ainsi soulevé ne peut, dès lors, qu'être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président assesseur,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2023.

Le rapporteur,

X. CatrouxLa présidente,

C. Brisson

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT00295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00295
Date de la décision : 13/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : PAPINOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-10-13;23nt00295 ?
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