Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler ses évaluations professionnelles établies respectivement le 18 mars 2016 au titre de l'année 2015, le 4 août 2017 au titre de l'année 2016 et le 16 mars 2018 au titre de l'année 2017, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle a été victime, assortie des intérêts au taux légal et d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à son détachement dans l'emploi de conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, au 1er mars 2018.
Par un jugement nos 1701765,1801002,1801254,1801434 du 23 mars 2021 le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mai 2021, Mme B... représentée par Me Gué, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mars 2021 ;
2°) d'annuler ses évaluations professionnelles établies respectivement le 18 mars 2016 au titre de l'année 2015, le 4 août 2017 au titre de l'année 2016 et le 16 mars 2018 au titre de l'année 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à son détachement dans l'emploi de conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, au 1er mars 2018 ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle a été victime, assortie des intérêts au taux légal ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-la minute du jugement n'est pas signée ;
En ce qui concerne ses évaluations professionnelles :
S'agissant de l'année 2015 :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que sa contestation était tardive ;
- la procédure d'évaluation est irrégulière au regard du décret du 28 juillet 2010 ;
- l'appréciation littérale sur sa valeur professionnelle méconnaît les dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- l'évaluation est entachée d'erreur de droit au regard du décret du 28 juillet 2010 ; son évaluation professionnelle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ;
S'agissant de l'année 2016 :
- le compte-rendu professionnel établi le 9 mars 2017 ne lui a été communiquée que le 4 août suivant ;
- il souffre d'un défaut de motivation ;
- la procédure d'évaluation est irrégulière en tant qu'elle ne respecte pas l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 ;
- l'appréciation littérale sur sa valeur professionnelle méconnaît l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 ;
- l'évaluation professionnelle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ;
S'agissant de l'année 2017 :
- l'évaluation attaquée est irrégulière en la forme, le niveau d'atteinte de ses objectifs n'étant pas évalué ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, la chronologie de l'entretien d'évaluation telle qu'elle découle des dispositions de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 n'ayant pas été respectée ;
- l'appréciation littérale négative sur sa valeur professionnelle, qui intervient dans un conteste de harcèlement moral et sanctionne ses différents recours contre cette situation, est contraire aux dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- son évaluation, qui repose sur des éléments étrangers à sa valeur professionnelle, est entachée d'erreur de droit ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ;
En ce qui concerne l'arrêté du 30 janvier 2018
- la décision constituant une mutation d'office, elle aurait dû bénéficier de garanties lui permettant de contester cette décision devant la commission administrative paritaire ;
- elle aurait dû être mise à même de consulter son dossier.
En ce qui concerne le harcèlement moral
- les éléments de fait susceptibles de faire présumer un harcèlement moral sont nombreux et correspondent à une constante dégradation de ses conditions de travail depuis 2013 ; certains supérieurs hiérarchiques et certains collègues ont eu à son égard divers comportements répétés, réguliers et particulièrement éprouvants ; notamment, ses évaluations professionnelles établies au titre des années 2015 et 2016 ne correspondent pas à ses qualités personnelles et professionnelles, unanimement reconnues ; un syndicat l'a dénigrée et des rumeurs malveillantes ont été propagées ;
- l'évolution de sa carrière a été affectée par ces agissements, ses primes ont été diminuées, des pressions ont été exercées afin qu'elle quitte son poste ; son état de santé en a souffert
Par un mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2022 le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance et à celles du préfet du Calvados.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2007-1488 du 17 octobre 2007 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, en son article 6 ;
- l'arrêté du 11 janvier 2013 relatif à l'entretien professionnel de certains personnels du ministère de l'intérieur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., titulaire du grade d'attachée hors-classe d'administration de l'Etat depuis le 1er janvier 2014, a été détachée et nommée par arrêté ministériel du 4 janvier 2010 en qualité de conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer (CAIOM) sur le poste fonctionnel de directeur des ressources et de la modernisation de la préfecture du ..., pour une période de cinq ans. Par arrêté ministériel du 31 mars 2015, elle a été maintenue en position de service détaché sur le même poste pour une autre période de cinq ans, jusqu'au 3 janvier 2020. Toutefois, par arrêté du ministre de l'intérieur en date du 30 janvier 2018, d'une part, elle a été nommée au 6 novembre 2017 en qualité de directrice des ressources humaines et des moyens de la préfecture du ... et, d'autre part, il a été mis fin à son détachement dans l'emploi de CAIOM avant le terme précédemment prévu et sa réintégration dans le corps des attachés hors classe a été prononcée. Mme B... a sollicité du tribunal administratif de Caen l'annulation, d'une part, de ses évaluations professionnelles des années 2015 et 2016, par une demande enregistrée sous le n° 1701765, celle de l'année 2017, par une demande enregistrée sous le n° 1801434 et, d'autre part, de l'arrêté ministériel du 30 janvier 2018 par une demande enregistrée sous le n°1801254. Enfin, elle a sollicité la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral dont elle aurait été l'objet, par une demande enregistrée sous le n° 1801002. Le tribunal administratif de Caen a joint ces quatre demandes et a rejeté toutes les conclusions de Mme B..., par un seul jugement dont elle relève appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme B... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les évaluations au titre des années 2015, 2016 et 2017 :
S'agissant de l'année 2015 :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". En outre, aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours (...) ".
5. D'autre part, en vertu de l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont applicables aux relations entre l'administration et ses agents ni les dispositions de l'article L. 112-3 de ce code aux termes desquelles : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ", ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis (...) ". L'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
6. Enfin, aux termes de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire (...). Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier ". Aux termes de l'article 7 de l'arrêté ministériel du 11 janvier 2013 relatif à l'entretien professionnel de certains personnels du ministère de l'intérieur : " Le compte rendu de l'entretien professionnel, signé par le supérieur hiérarchique direct, est communiqué à l'agent. L'agent peut, s'il le souhaite, compléter le compte rendu par ses observations sur la conduite de l'entretien et les thèmes abordés ainsi que sur l'appréciation générale portée par le supérieur hiérarchique direct qui a mené l'entretien. Le compte rendu de l'entretien professionnel est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. Le compte rendu est ensuite notifié à l'agent qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique. Une copie en est remise à l'agent (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a reçu, le 11 avril 2016, notification du compte rendu d'entretien professionnel de l'année 2015, établi le 18 mars 2016, lequel comportait la mention des voies et délais de recours. Par courrier du 29 mai 2016 adressé au préfet du ..., l'intéressée a contesté le compte rendu, en particulier l'appréciation faite par son supérieur hiérarchique direct. Eu égard à ses termes, ce courrier doit être regardé comme manifestant la volonté de Mme B... de saisir l'autorité hiérarchique afin que celle-ci use de son pouvoir de réformation. Ainsi, cette demande du 29 mai 2016, déposée dans le délai de recours contentieux mais au-delà du délai de quinze jours visé à l'article 6 du décret du 28 juillet 2010 pour former une demande de révision au sens de ces dispositions, présente le caractère d'un recours hiérarchique. Le silence gardé pendant deux mois sur ce recours a fait naître une décision implicite de rejet le 29 juin 2016, sans que l'absence de délivrance d'un accusé réception fasse obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux dès lors que les dispositions de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration ne sont pas applicables à une demande formée par un agent public auprès de l'administration. Ainsi, les conclusions de Mme B..., tendant à annulation de son évaluation pour l'année 2015, recevables jusqu'au 30 août 2016, enregistrées le 2 octobre 2017 au greffe du tribunal administratif de Caen, étaient tardives sans qu'elle puisse utilement faire valoir la circonstance, sans incidence sur la computation du délai de recours, que le compte rendu notifié à l'intéressée le 11 avril 2016 n'aurait pas été visé par l'autorité hiérarchique en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010.
S'agissant de l'année 2016 :
8. En premier lieu, l'entretien professionnel de Mme B... s'est déroulé le 9 mars 2017. Si le compte rendu de cet entretien lui a été notifié, après visa de l'autorité hiérarchique, le 4 août 2017, postérieurement à la clôture de l'exercice d'évaluation, cette circonstance n'est pas en elle-même de nature à entacher l'évaluation d'illégalité au regard des dispositions énoncées au point 5 qui ne prévoient pas un terme impératif pour la notification du compte rendu d'entretien et organisent, au contraire, une série d'échanges entre l'évalué et son supérieur hiérarchique, décalant nécessairement dans le temps la notification signée de l'évaluation.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. / Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation ". Aux termes de l'article 55 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 visé ci-dessus : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " L'entretien professionnel porte principalement sur : 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; 3° La manière de servir du fonctionnaire ; 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; 7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité. Les arrêtés ou les décisions mentionnés à l'article 5 des ministres intéressés ou des autorités investies du pouvoir de gestion des corps concernés, pris après avis des comités techniques paritaires compétents, fixent, le cas échéant, les autres thèmes sur lesquels peut porter l'entretien professionnel, en fonction de la nature des tâches confiées aux fonctionnaires et du niveau de leurs responsabilités ".
10. Mme B... soutient que les dispositions précitées auraient été méconnues dès lors que serait mentionné, dans son entretien professionnel 2016, à la rubrique " appréciation générale sur la valeur professionnelle de l'agent " : la mobilité géographique de l'intéressée à raison d'impératifs familiaux et une demande expresse du préfet de modifier son mode de management de son service effectuée suite aux conclusions d'une enquête interne. Toutefois, les capacités de management de l'intéressée constituent, eu égard à son grade et ses fonctions, un élément de sa valeur professionnelle qui devait être pris en compte par son supérieur hiérarchique dans le cadre de l'évaluation en litige. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne s'oppose à ce que l'évaluateur tienne compte des difficultés de tout ordre rencontrées par l'agent au cours de la période concernée notamment, s'il y a lieu, d'impératifs familiaux ou personnels. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010 doit, par suite, être écarté.
11. En dernier lieu, Mme B... soutient dans les mêmes termes qu'en première instance que son évaluation pour l'année 2016 serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 20 et 21 de leur jugement.
S'agissant de l'année 2017 :
12. Mme B... soutient que son évaluation pour l'année 2017 est incomplète. Il ressort de celle-ci que l'atteinte des objectifs fixés page 3 du compte rendu n'a pas été examinée par l'évaluateur. Contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal administratif de Caen, les autres parties du compte rendu d'évaluation ne permettent pas de pallier ce manque alors, notamment, que dans la rubrique " résultats professionnels ", la mention " atteint " est portée pour chacun des objectifs 1 et 2, que l'évaluation synthétique manquante aurait dû être " agent ayant atteint ses objectifs " et que les commentaires portés dans l'appréciation générale ne font pas état de cette atteinte. Dès lors Mme B... est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigées contre le compte rendu de son évaluation professionnelle pour l'année 2017, que celui-ci, incomplet, est entaché d'illégalité et que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions contre celui-ci.
En ce qui concerne l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 30 janvier 2018 :
13. Aux termes de l'article 7 du décret du 17 octobre 2007 visé ci-dessus : " La gestion de l'emploi de conseiller d'administration est assurée par le ministre de l'intérieur. / (...) Les fonctionnaires nommés dans un tel emploi sont placés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine en position de détachement. Ils peuvent se voir retirer leur emploi dans l'intérêt du service ".
14. En application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, la mutation d'office d'un fonctionnaire dans l'intérêt du service doit être précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente, l'existence de cette procédure ne se substituant pas à la garantie, distincte, de communication préalable du dossier prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
15. Il ressort des pièces du dossier que lors de la réforme dite Plan Préfecture Nouvelle Génération (PPNG) survenue en 2017, le préfet du ... a élaboré une nouvelle répartition des postes de CAIOM tenant compte des trois postes prévus. Le ministre de l'intérieur, en se fondant sur l'arrêté du préfet du ... en date du 18 octobre 2017 qui portait réorganisation de service de la préfecture, a constaté que l'emploi de directeur des ressources humaines et des moyens de la préfecture du ... était " défonctionnalisé " et a mis fin au détachement de Mme B... en qualité de CAIOM pour la réintégrer dans le corps des attachés de l'Etat. S'il a été mis fin au détachement de Mme B... sur un des postes de CAIOM et que l'emploi de directrice des ressources humaines a été " défonctionnalisé ", elle a néanmoins conservé le même emploi, légèrement reconfiguré, de directrice des ressources humaines et des moyens, soit sans changement de résidence ni perte de responsabilité. Dès lors l'arrêté contesté ne peut être regardé comme une mutation d'office et Mme B... ne peut donc se prévaloir des garanties procédurales qu'elle invoque et qui entourent les mutations d'office. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté aurait été pris à l'occasion d'une procédure irrégulière.
Sur les conclusions relatives au harcèlement moral :
16. Aux termes de L'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
17. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé
18. En premier lieu, Mme B... fait valoir qu'elle a fait l'objet d'un dénigrement systématique par sa supérieure hiérarchique à partir de l'année 2013. Toutefois, les éléments dont elle se prévaut, qui concernent les termes d'échanges de courriers électroniques, ses évaluations professionnelles, s'ils sont rédigées d'une manière qui laisse apparaître des relations tendues entre Mme B... et sa supérieure, n'excèdent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, si Mme B... fait valoir qu'elle a été mise de côté lorsque sa supérieure a remercié les équipes de la préfecture pour le travail de l'année 2014 en mettant la requérante " simplement en copie " ou en envoyant des courriers électroniques à certains agents sans la mettre en copie, ces éléments, qui n'ont aucun caractère de systématicité, ne saurait être qualifiés de dénigrements ni présumer des faits de harcèlement.
19. En deuxième lieu, comme il a été dit précédemment aux points 2 à 11, les entretiens professionnels, s'ils reflètent certaines difficultés entre Mme B... et sa hiérarchie, ne sont pas de nature à caractériser des faits de harcèlement moral.
20. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'une enquête interne a été menée en 2016 afin d'évaluer un certain nombre de dysfonctionnements et de problèmes de management qui concernaient Mme B.... Celle-ci a reçu, le 29 juillet 2016, un courrier la convoquant à un entretien avec le préfet et le secrétaire général prévu le 1er aout suivant, à la suite de l'audition des agents ou ex-agents de sa direction. À la suite de cet entretien, Mme B... a reçu une lettre datée du même jour dans laquelle le préfet du ... indique qu'il y a une " insuffisante adaptation de sa part aux évolutions en cours ", un " manque de rigueur dans l'approche budgétaire et comptable ", mais également que les auditions ont révélé qu'elle faisait preuve d'un " mode de management inapproprié, autoritaire et vexatoire", et lui a adressé un avertissement. Cette enquête, qui avait pour objectif de déterminer l'origine des difficultés dans le fonctionnement du service de Mme B..., qui rejoignent celles évoquées par sa supérieure hiérarchique et ses différents entretiens professionnels, et à l'issue de laquelle elle a été suffisamment informée des griefs qui lui étaient reprochés, n'était pas déterminée par des dénonciations calomnieuses contrairement à ce que l'intéressée fait valoir et ne peut donc être regardée comme un élément pouvant caractériser un harcèlement moral professionnel.
21. En quatrième lieu, si la requérante se plaint à juste titre du comportement inadapté d'un agent qui était son subordonné et dont le comportement a dépassé sans aucun doute ce que la bienséance et le respect du pouvoir hiérarchique imposaient, les propos tenus à plusieurs reprises par ce dernier ne peuvent en aucun cas, compte tenu du contexte dans lesquels ils ont été formulés, caractériser des faits de harcèlement moral.
22. En cinquième lieu, si Mme B... soutient qu'elle a été victime d'un tract calomnieux et diffamatoire de la part d'un syndicat, le préfet du ... a sans retard condamné ce tract dans un courrier personnel adressée à l'intéressée, ordonné le retrait immédiat des affiches syndicales et accompli des démarches pour informer les tiers de sa position.
23. En sixième lieu, Mme B... soutient qu'elle est victime d'une sanction déguisée en ce que le secrétaire général de la préfecture lui a proposé en 2017 un poste de préfiguratrice du service de coordination des politiques publiques et de l'appui territorial (SCPPAT) et a voulu attribuer le poste de directrice des ressources humaines et des moyens à une autre attachée de préfecture hors classe. Toutefois, il est établi que le préfet du ..., tout en la maintenant dans un premier temps dans ses fonctions de directrice des ressources humaines, lui a proposé un poste de préfiguratrice au cours de son entretien professionnel au titre de l'année 2016, conduit le 9 mars 2017. Il s'agissait d'un repositionnement des trois CAIOM sur des missions prioritaires de la préfecture, à la suite de la nouvelle organisation résultant du PPNG, ainsi qu'indiqué au point 15. Par un courrier du 17 mai 2017, Mme B... a refusé définitivement la proposition de poste. Dans ces conditions, la proposition de poste de préfiguratrice ne résulte pas d'une " manœuvre ", comme le soutient l'intéressée, mais procède d'une volonté de lui permettre de continuer à travailler au sein de la préfecture du ..., son poste étant destiné à n'être plus pourvu par un CAIOM, comme l'a rappelé le préfet par son courrier du 10 mai 2017, et l'intéressée n'envisageant pas de mobilité géographique ou fonctionnelle.
24. En septième lieu, Mme B... soutient que son état de santé s'est dégradé du fait des agissements de harcèlement moral qu'elle a subis et produit un arrêt de travail en date du 25 novembre 2016 ainsi qu'une attestation d'un médecin généraliste du 11 avril 2018 qui mentionnent un " état dépressif " et de " graves problèmes professionnels avec retentissement psychosomatique, ayant entrainé une prise en charge médicale et des arrêts de travail ". Ces éléments médicaux établis sur la base des déclarations de l'intéressée ne sont pas de nature, alors même que la souffrance de la requérante était réelle, à constituer à eux seuls une présomption de harcèlement moral.
25. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble de ces éléments, pris isolément ou dans leur globalité, ne permettent pas de présumer de faits de harcèlement à l'encontre de Mme B....
26. En huitième lieu, si le montant des primes de Mme B... a varié depuis les années 2013 et qu'il est inférieur au montant des primes perçus par d'autres agents de la préfecture ayant occupé des fonctions analogues, il ressort des pièces du dossier que les montants perçus, et notamment leur diminution, sont cohérents, notamment avec les différentes évaluations qui ont été portées sur son travail et les conditions dans lequel celui-ci a été mené depuis ces années. La diminution de ces primes ne peut, pour cette raison, être qualifiée de harcèlement moral.
27. Ainsi, il résulte de ce qui précède que les nombreuses difficultés dont fait part Mme B..., non dénuées de réalité même si son comportement managérial a pu y contribuer, ne saurait conduire à qualifier les agissements en cause de harcèlement moral à son encontre. Dès lors les conclusions indemnitaires présentées à ce titre par la requérante doivent être rejetées.
28. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de son compte rendu d'évaluation pour l'année 2017. Ses conclusions à fin d'annulation de ses évaluations pour les autres années, contre l'arrêté mettant fin à son détachement ainsi que ses conclusions à fin d'indemnisation de ses préjudices allégués doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme B... ne peuvent dès lors être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : Le compte rendu d'évaluation professionnelle de Mme B... pour l'année 2017 ainsi que le jugement du tribunal administratif de Caen n° 1701765, 1801002, 1801254, 1801434 du 23 mars 2021 en tant qu'il rejette les conclusions contre ce compte rendu sont annulés.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée à la préfecture du ....
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.
Le rapporteur,
T. A...
Le président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01381