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21/07/2022 | FRANCE | N°21NT03616

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 juillet 2022, 21NT03616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) d'annuler la décision du 20 septembre 2017 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes a refusé de lui attribuer, à compter du 1er septembre 2012, les indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination ;

2°) d'enjoindre au directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes de procéder au réexamen de sa demande et de recalculer

ses droits au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017 dans un dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) d'annuler la décision du 20 septembre 2017 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes a refusé de lui attribuer, à compter du 1er septembre 2012, les indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination ;

2°) d'enjoindre au directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes de procéder au réexamen de sa demande et de recalculer ses droits au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017 dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à l'indemniser d'une somme équivalente au montant des indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination qui auraient dû lui être versées au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017 en raison du préjudice subi du fait de la rupture d'égalité de traitement entre les agents assurant les admissions des patients du centre orthogénie ;

Par un jugement n° 1710192 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes du 20 septembre 2017, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme B... et de recalculer ses droits au bénéfice des indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021, le centre hospitalier universitaire de Nantes, représentée par la SELARL Houdart et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 octobre 2021 ;

2°) de rejeter la demande formée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires formées devant les premiers juges sont irrecevables en l'absence de présentation d'une demande indemnitaire préalable devant l'administration ;

- la décision du 20 septembre 2017 octroyant à Mme B... l'avantage financier qu'elle sollicitait est entachée d'illégalité et ne pouvait pas, par suite, alors qu'elle ne le prévoit pas, valoir attribution rétroactive ;

- pour l'effet dévolutif de l'appel, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2022, Mme B..., représentée par la SARL Antigone, conclut :

- au rejet de la requête ;

- et par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier universitaire de Nantes, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de procéder au réexamen de sa demande et de recalculer ses droits au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017 et à ce qu'il soit condamné à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de ses préjudices financier et moral ;

- à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les moyens soulevés par le centre hospitalier universitaire de Nantes ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire et pour l'effet dévolutif de l'appel :

* sa demande de première instance était recevable ; en particulier, une demande indemnitaire préalable a bien été adressée au centre hospitalier ;

* la décision du directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes est illégale dès lors que la décision du 23 juin 2017 lui reconnaissant que la fonction d'agent administratif au centre d'orthogénie, de planification et d'éducation familiale lui donnait droit au versement de l'indemnité spécifique pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination (ITD), qui constitue une décision individuelle créatrice de droits, n'a pas été retirée dans le délai de quatre mois ;

* l'illégalité d'une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; elle est donc fondée à demander la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nantes à lui verser une somme de 1 500 euros au titre du préjudice financier et du préjudice moral subis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 67-624 du 23 juillet 1967 ;

- le décret n° 2011-660 du 14 juin 2011 ;

- l'arrêté du 18 mars 1981 relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du livre IX du code de la santé publique dont les taux et les montants sont déterminés par des textes applicables aux agents de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Lesne, représentant le centre hospitalier universitaire de Nantes, et de Me Halgand, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Depuis le 1er septembre 2012, Mme B..., assistante médico-administrative, exerce les fonctions de secrétaire médicale au centre orthogénie Simone Veil du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes. Par un courrier du 18 mars 2017, elle a sollicité le bénéfice des indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination et a demandé que ces indemnités lui soient également versées rétroactivement sur une période limitée à quatre ans. Par un courrier du 23 juin 2017, le directeur général du CHU de Nantes lui a attribué ces indemnités à compter du 1er juillet 2017. Par un courrier du 9 août 2017, l'intéressée a demandé que ces indemnités lui soient versées à compter du 1er septembre 2012. Par une décision du 20 septembre 2017, le directeur général du CHU de Nantes a rejeté cette dernière demande. Mme B... a alors saisi le tribunal administratif de Nantes afin d'obtenir l'annulation de la décision du 20 septembre 2017 et qu'il soit enjoint au directeur général du CHU de Nantes de procéder au réexamen de sa demande et de recalculer ses droits au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017. Elle demandait également, à titre subsidiaire, de condamner le CHU de Nantes à l'indemniser, d'une part, d'une somme équivalente au montant des indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination qui auraient dû lui être versées au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017 et, d'autre part, d'une somme de 1 500 euros au titre des préjudices subis en raison de l'illégalité de la décision du 20 septembre 2017. Par un jugement du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur général du CHU de Nantes du 20 septembre 2017, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme B... et de recalculer ses droits et a rejeté le surplus de la demande. Le CHU de Nantes relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande qu'il soit enjoint au CHU de Nantes de procéder au réexamen de sa demande et de recalculer ses droits au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017 et que l'établissement public soit condamné à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de ses préjudices financier et moral.

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 juillet 1967 fixant les modalités d'attribution et les taux des indemnités pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants susvisé : " Des indemnités spécifiques peuvent être allouées à certains personnels chargés d'effectuer des travaux pour l'exécution desquels des risques ou des incommodités subsistent malgré les précautions prises et les mesures de protection adoptées. Ces indemnités spécifiques sont classées en trois catégories : (...) 2e catégorie : indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination / 3e catégorie : indemnités spécifiques pour des travaux incommodes ou salissants ". Aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 18 mars 1981 susvisé : " Indemnité pour travaux dangereux, incommodes, insalubres ou salissants. / Des indemnités spécifiques sont allouées aux agents chargés d'effectuer des travaux pour l'exécution desquels des risques ou des incommodités subsistent malgré les précautions prises et les mesures de protection adoptées. / Les travaux ouvrant droit aux indemnités spécifiques sont rangés dans les trois catégories ci-après : (...) / 2e catégorie : travaux présentant des risques d'intoxication ou de contamination ; / 3e catégorie : travaux incommodes ou salissants. (...) / La classification des travaux ouvrant droit aux indemnités spécifiques ainsi que le nombre ou la fraction de taux de base qu'il convient d'allouer par demi-journée de travail effectif sont déterminés par le tableau figurant à l'annexe II.B du présent arrêté. (...) " Sont notamment prévus aux termes de cet annexe II.B, " l'affectation continue dans les services accueillant les malades contagieux, cancéreux, gâteux et tuberculeux " au taux entier de deuxième catégorie ".

3. Pour refuser de faire droit à la demande de Mme B..., le directeur général du CHU de Nantes s'est fondé, dans la décision contestée du 20 septembre 2017, sur le motif tiré de ce qu'aucune disposition réglementaire ne prévoyait une régularisation rétroactive de l'indemnité qui lui avait été accordée à compter du 1er juillet 2017. Si dans sa décision du 23 juin 2017, le directeur général du CHU de Nantes mentionne que l'affectation de Mme B... ouvre droit à une indemnité de 2ème catégorie correspondant à l'indemnité spécifique pour des travaux présentant des risques d'intoxication et de contamination, l'établissement hospitalier soutient, tant en première instance qu'en appel, que cette décision est entachée d'illégalité et qu'elle n'a, en réalité, été prise que dans un souci d'harmonisation, afin d'accorder à l'intéressée ainsi qu'à deux de ses collègues le même avantage financier que celui perçu par la quatrième secrétaire médicale affectée au sein du même service, ce qui était au demeurant le motif invoqué par Mme B... pour percevoir l'avantage financier dont il s'agit.

4. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas utilement contesté par Mme B..., que le centre d'orthogénie, de planification et d'éducation familiale, dans lequel elle exerce, assure notamment la prise en charge des demandes d'interruption volontaire de grossesse (IVG), les consultations médicales de planification et de régulation des naissances, le dépistage anonyme et gratuit des maladies sexuellement transmissibles et la réalisation d'entretiens conjugaux, sociaux et psychologiques. Les missions exercées par ce centre ne permettent pas, dans ces conditions, de faire regarder les agents qui y travaillent comme étant affectés dans un service de " malades contagieux, cancéreux, gâteux et tuberculeux " au sens de l'annexe II.B de l'arrêté du 18 mars 1981 précité. Au surplus, l'intimée, qui exerce les fonctions de secrétaire médicale, n'établit pas être particulièrement exposée à un risque d'intoxication ou de contamination au sens de ce même arrêté. Il suit de là, et ainsi que le soutient le CHU de Nantes, qu'eu égard tant aux missions confiées à l'établissement dans lequel est affectée l'intéressée que par les fonctions qu'elle exerce, Mme B... n'est pas éligible à l'indemnité dont il s'agit. Par ailleurs, si une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage, la décision initiale du 23 juin 2017 ne prévoit pas d'attribution rétroactive de l'avantage financier, contrairement à ce que soutient l'intéressée, et n'a pu ainsi lui créer un droit à la perception de cet avantage à compter du 1er septembre 2012. Il suit de là, et contrairement à ce que soutient Mme B..., que la décision en litige ne saurait s'analyser en un retrait de la décision initiale du 23 juin 2017 intervenue au demeurant moins de quatre mois avant la décision en litige. Par suite, le CHU de Nantes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision contestée du 20 septembre 2017 refusant de verser rétroactivement l'indemnité attribuée à l'intimée au motif que Mme B... pouvait prétendre au bénéfice de l'indemnité litigieuse à compter de sa date d'affectation au 1er septembre 2012 dès lors qu'elle a exercé de manière continue les mêmes fonctions depuis cette date.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif et devant la cour.

6. Si le principe d'égalité implique que des agents d'un même corps placés dans la même situation soient traités de manière identique, il est constant que le directeur général du CHU de Nantes a accordé à Mme B... l'avantage financier qu'elle sollicitait pour tenir compte de ce qu'une de ses collègues la percevait indument. En outre, le respect du principe d'égalité doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d'autrui. Mme B... n'étant pas éligible, ainsi qu'il a été dit, à l'indemnité qu'elle sollicitait par application des textes susvisés, il s'ensuit que la circonstance qu'une de ses collègues, qui se trouvait dans une situation identique à la sienne, ait percu, dès son entrée en fonction dans le service, l'allocation dont il s'agit, ne saurait faire regarder la décision contestée, qui se limite à un refus d'octroi rétroactif de l'allocation, comme portant atteinte au principe d'égalité.

7. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Nantes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision en litige du 20 septembre 2017. Il en résulte également que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... par la voie de l'appel incident doivent être rejetées. Il en est de même, en l'absence d'illégalité fautive de la décision litigieuse et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier, des conclusions indemnitaires présentées par Mme B....

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme B... la somme que le CHU de Nantes demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme B... soit mise à la charge du CHU de Nantes, qui n'est pas la partie perdante à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier universitaire de Nantes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Nantes et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.

Le rapporteur,

M. L'hirondelLe président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03616
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-21;21nt03616 ?
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