Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plérin à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de l'accident dont a été victime M. A..., le 28 janvier 2016, après sa chute d'une falaise à partir d'un sentier de randonnée.
Par un jugement n° 1901705 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 juin et 2 novembre 2021, M. B... A... et Mme C... A..., représentés par Me Berthault, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 avril 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner la commune de Plérin à verser à M. A... la somme totale de 1 008 639,42 euros ;
3°) de condamner la commune de Plérin à verser à Mme A... la somme totale de 39 737,52 euros ;
4°) de condamner la commune de Plérin à leur verser une somme de 695,84 euros au titre des frais d'expertise engagés ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Plérin la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
* En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Plérin :
- la responsabilité de la commune est engagée pour manquement aux obligations d'entretien et de signalisation de la servitude de passage des piétons sur le littoral dont est grevé le sentier à partir duquel l'accident s'est produit ;
- elle est également engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 365-1 du code de l'environnement dans la mesure où ce sentier est inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnées prévu à l'article L. 361-1 du code de l'environnement ;
- elle est aussi engagée au titre des dommages de travaux publics en raison du défaut d'entretien normal du sentier sur lequel circulait M. A... au moment de l'accident ;
- elle est, enfin, engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales du fait de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- aucune faute, notamment d'imprudence, ne peut être retenue à l'encontre de M. A... ;
* En ce qui concerne les préjudices :
* S'agissant des préjudices de M. A... :
- les frais divers constitués par le surcoût de la chambre et les forfaits téléphone, et qui sont restés à sa charge, s'élèvent à 800,80 euros ;
- avant la consolidation de son état de santé, il a eu besoin pendant 415 jours et à raison de 4 heures par jour de l'assistance d'une tierce personne du fait de la tétraparésie séquellaire dont il est atteint, ce qui représente un coût de 36 520 euros ;
- les dépenses de santé futures, telles que recensées par l'expert, s'élèvent à 25 090,85 euros ;
- les frais de logement et de véhicule adaptés à son état de santé s'élèvent respectivement aux sommes de 56 703,16 euros et 22 416,11 euros ;
- il a subi un déficit fonctionnel temporaire total puis partiel qui sera indemnisé pour un montant qui ne saurait être inférieur à 15 462,50 euros ;
- les souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 25 000 euros et le préjudice esthétique temporaire à hauteur de 6 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent, évalué par l'expert à 70 %, sera indemnisé à hauteur de 350 000 euros ;
- il a subi un préjudice d'agrément et un préjudice esthétique permanent qui donneront lieu à indemnisation à hauteur de 20 000 euros chacun ;
* S'agissant des préjudices de Mme A... :
- en ayant dû prendre une retraite anticipée, elle a subi un préjudice financier qui s'élève à la somme de 24 737,52 euros ;
- son préjudice d'affection peut être évalué à une somme qui ne saurait être inférieure à 15 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 12 juillet 2021, la caisse primaires d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor, représentée par Me Di Palma, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 avril 2021 ;
2°) de condamner la commune de Plérin à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor la somme de 271 425,08 euros au titre des débours exposés, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de condamner la commune de Plérin à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 098 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Plérin la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune de Plérin est engagée sur le fondement des dispositions de l'article L. 365-1 du code de l'environnement pour avoir manqué à son obligation d'entretien et de sécurisation du chemin de randonnée fréquenté par M. A... ;
- pour le même motif, sa responsabilité est engagée en qualité de maître de l'ouvrage public représenté par ce sentier qui est grevé d'une servitude de passage des piétions sur le littoral ;
- elle est enfin engagée en raison de la carence de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police alors que le chemin présentait un danger pour les usagers ;
- il ne saurait être reproché à la victime d'avoir commis une faute, notamment d'imprudence ;
- elle est fondée à demander le remboursement de ses débours à la commune de Plérin qui s'élèvent à la somme de 271 425,08 euros ainsi qu'il résulte de l'état de ses débours et de l'attestation du médecin conseil.
Par un mémoire enregistré le 23 août 2021, la commune de Plérin, représentée par la SELARL Efficia, conclut, à titre principal, au rejet de la requête présentée par les époux A... et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, à titre subsidiaire à ce que les demandes indemnitaires présentées par les requérants soient réduites à de plus justes proportions, et, en toute hypothèse, à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, les moyens présentés par les requérants pour engager la responsabilité de la commune ne sont pas fondés ; M. A... a, en outre, commis une faute d'imprudence qui est de nature à exonérer la collectivité de toute responsabilité ;
- à titre subsidiaire, la demande indemnitaire présentée par M. A... devra être substantiellement réduite et celle présentée par Mme A... rejetée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L'hirondel,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Montant, représentant Mme et M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 janvier 2016, aux alentours de 16 heures, M. B... A..., alors âgé de 71 ans, a été victime d'une chute d'une falaise à partir d'un chemin qu'il empruntait reliant le sentier des douaniers de la pointe des Roseliers à la plage des Bleuets sur la commune de Plérin. Depuis cet accident, il est atteint d'une tétraparésie séquellaire. Par un courrier du 16 janvier 2019, notifié le 18 janvier suivant, M. et Mme A... ont adressé à la commune de Plérin une demande indemnitaire. Du silence gardé par la commune sur cette demande, une décision implicite de rejet est née le 18 mars 2019. M. et Mme A... ont saisi, le 5 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Plérin à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de l'accident dont a été victime M. A.... Les requérants relèvent appel du jugement du 12 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
2. D'une part, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise réalisé le 18 août 2016 pour le compte de la compagnie d'assurances des requérants et des photographies qui y sont incluses, le chemin qu'a emprunté M. A... était correctement dégagé. En particulier, aucune broussaille n'entravait la visibilité et, selon le rédacteur de ce rapport, ce chemin était parfaitement dessiné. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'accident aurait pour cause un manquement dans l'entretien du chemin du fait d'un défaut de débroussaillage, à supposer qu'ils aient entendu invoquer cette faute. De même, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident de M. A... a pour origine un éboulement. Par suite en l'absence de tout lien de causalité, les requérants ne sauraient également faire grief au maire de ne pas avoir pris de mesures utiles pour prévenir les risques d'éboulement dont il a été informé par le porté à connaissance transmis par les services de l'État dans le dossier départemental des risques majeurs.
3. D'autre part, il résulte de ces mêmes pièces que le sentier, qui chemine à flanc de falaise, est qualifié, dans sa deuxième partie, de glissant, étroit et pentu, et que la présence d'obstacles, tels des racines, et de différences de niveaux est susceptible de faire perdre l'équilibre, ce qui le rend d'autant plus périlleux. De plus, il résulte de l'instruction que M. A..., qui résidait à environ deux kilomètres de la pointe des Roseliers, était riverain de ces lieux qu'il connaissait. S'il a perdu la mémoire des évènements ayant entraîné sa chute, l'état du sentier d'où il est tombé était parfaitement connu de son épouse qui précise, dans le rapport d'expertise de l'assurance, avoir constaté ces dernières années " une dégradation du chemin qui est devenu plus étroit et creusé en son milieu ". Il suit de là que le danger que constituait la falaise du haut de laquelle est tombé M. A... et qui longeait le chemin qu'il empruntait était parfaitement visible et devait être connu de ce dernier. Eu égard aux risques inhérents à la circulation dans des espaces naturels qui ne peuvent faire l'objet que d'aménagements limités afin de pouvoir conserver ces espaces, le risque existant à l'endroit de l'accident n'excédait pas ceux auxquels les personnes longeant la falaise doivent normalement s'attendre et contre lequel il leur appartient de se prémunir. Si d'autres accidents ont été recensés dans le même secteur, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils se seraient produits dans des circonstances analogues alors que, de plus, ils sont postérieurs à celui dont a été victime M. A.... La circonstance qu'en 2019, soit trois ans après les faits en cause, la commune a procédé à la fermeture du sentier à la suite de l'accident dont a été victime l'ancien maire de Plérin n'est pas de nature à démontrer rétrospectivement l'existence de risques excédant ceux auxquels un usager de ce chemin normalement attentif doit s'attendre à rencontrer alors que, de plus, selon le rapport de mission de l'expert de la compagnie d'assurances du 8 avril 2019, l'état du site s'était manifestement dégradé en trois ans. La cause de l'accident doit, en revanche, être regardée comme relevant exclusivement de l'imprudence et du manque de vigilance du requérant qui, alors qu'il avait connaissance de ce risque, a néanmoins décidé de poursuivre sa marche. M. A... a ainsi commis une imprudence fautive de nature à exonérer la commune de Plérin de toute responsabilité.
4. Par suite, les requérants ne sauraient rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement des dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-3 du code général des collectivités territoriales relatives aux pouvoirs de police du maire, ni sur celles de l'article L. 121-34 du code de l'urbanisme concernant l'institution des servitudes de passage des piétons, transversale au rivage et ni sur celles de l'article L. 365-1 du code de l'environnement pour avoir manqué à son obligation d'entretien et de sécurisation d'un chemin de randonnée. Pour le même motif, ils ne sauraient également rechercher la responsabilité de la commune en raison d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public qui serait, selon eux, constitué par le sentier qu'a emprunté M. A....
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu également de rejeter les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor.
Sur les frais liés au litige :
6. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 695,84 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 6 juin 2018, à la charge définitive de M. A....
7. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme que la commune de Plérin demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. et Mme A... et par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine soient mises à la charge de la commune de Plérin, qui n'est pas la partie tenue aux dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor sont rejetées.
Article 2 : Les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 695, 84 euros sont laissés à la charge définitive de M. A....
Article 3 : Les conclusions de la commune de Plérin tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et à la commune de Plérin.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2022.
Le rapporteur
M. L'HIRONDEL
Le président
D. SALVI
Le greffier
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01589