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17/06/2022 | FRANCE | N°21NT03618

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juin 2022, 21NT03618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen :

1°) de constater l'irrégularité de l'emprise résultant de la présence d'un poteau électrique sur le terrain dont il est propriétaire ;

2°) de résilier la convention d'octobre 1967 dont se prévaut la SA Enedis concernant cette emprise ;

3°) d'enjoindre à la SA Enedis de procéder, d'une part, à l'enfouissement des réseaux sur la commune de Sainte-Croix-sur-Mer ou sur la rue Bout Cain ainsi qu'au démontage, dans un délai

de six mois, du poteau électrique et à la remise en état de sa propriété, et d'autre part, de fair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen :

1°) de constater l'irrégularité de l'emprise résultant de la présence d'un poteau électrique sur le terrain dont il est propriétaire ;

2°) de résilier la convention d'octobre 1967 dont se prévaut la SA Enedis concernant cette emprise ;

3°) d'enjoindre à la SA Enedis de procéder, d'une part, à l'enfouissement des réseaux sur la commune de Sainte-Croix-sur-Mer ou sur la rue Bout Cain ainsi qu'au démontage, dans un délai de six mois, du poteau électrique et à la remise en état de sa propriété, et d'autre part, de faire procéder par constat d'huissier à l'avancée des travaux ;

4°) de condamner la SA Enedis à lui verser la somme de 35 000 euros pour manœuvre dilatoire et en réparation de ses préjudices, ainsi qu'aux dépens.

Par un jugement n° 1902016 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions de la demande tendant à la résiliation de la convention de 1967 comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2021 et 20 avril 2022, M. A... B..., représenté par la cabinet SCM AetE avocats conseils, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 15 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de constater l'irrégularité de l'emprise résultant de la présence d'un poteau électrique sur le terrain dont il est propriétaire ;

3°) d'enjoindre à la SA Enedis, d'une part, et sous astreinte, de procéder dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir au démontage du poteau électrique et à la remise en état de sa propriété, et d'autre part, de procéder à l'enfouissement des réseaux au droit de sa propriété le long de la rue Bout Cain ;

4°) de mettre à la charge de la SA Enedis une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevable sa demande pour ne pas avoir respecté les dispositions alors applicables de l'article R. 414-3 du code de justice administrative concernant la présentation des pièces jointes ;

­ la présence du poteau électrique sur le terrain dont il est propriétaire est constitutive d'une emprise irrégulière ;

­ la convention dont se prévaut la SA Enedis ne saurait lui être opposée dès lors qu'elle a été conclue avec une personne qui n'a jamais été le propriétaire du terrain et qu'au surplus, elle n'a pas été publiée aux services de la publicité foncière ;

­ compte-tenu de cette emprise irrégulière, il doit être enjoint à la SA Enedis de procéder au démontage du poteau électrique et à l'enfouissement du réseau électrique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 mars et 9 mai 2022, la SA Enedis, représentée par la l'AARPI Adaltys, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ la demande de M. B... était bien irrecevable, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;

­ le poteau électrique litigieux ayant été implanté il y a plus de trente ans, M. B... n'est pas fondé à en demander son enlèvement dès lors que la prescription trentenaire prévue à l'article 2227 du code civil lui est opposable ;

­ l'implantation du poteau électrique en litige est régulière dès lors que l'ancien propriétaire de la parcelle avait bien signé une convention avec EDF pour autoriser cette implantation et que le requérant en avait connaissance au moment où il envisageait d'acquérir la parcelle ;

­ la demande de déplacement de ce poteau électrique est mal fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. L'hirondel, premier conseiller,

­ les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

­ et les observations de Me Eveno, représentant M. B... et de Me Dubroca représentant la SA Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a acquis, le 19 juin 2019, une maison sur le territoire de la commune de Sainte-Croix-sur-Mer. Par un courriel du 3 août 2019, il a sollicité les services de la SA Enedis afin de signer une convention relative à l'implantation du poteau électrique situé sur sa propriété. En l'absence de réponse de cette société, M. B... a saisi, le 3 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant notamment à obtenir la résiliation de la convention d'octobre 1967 dont se prévaut la SA Enedis relative à l'implantation du poteau électrique en litige et à la constatation de l'irrégularité de l'emprise. Par un jugement du

15 octobre 2021, le tribunal a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la résiliation de cette convention pour être portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et le surplus des conclusions comme irrecevables pour méconnaissance des dispositions des articles R. 414-1 et R. 414-3 du code de justice administrative. M. B... doit être regardé comme demandant l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. (...) ". Aux termes de l'article R. 412-2 du même code : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / L'inventaire détaillé présente, de manière exhaustive, les pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen, et qui comportait la liste des pièces communiquées, a été adressée, non par le biais de l'application Télérecours-citoyens mais par lettre recommandée avec accusé de réception qui a été enregistrée par le greffe de ce tribunal le 3 septembre 2019. Dans ces conditions, le tribunal administratif ne pouvait se fonder, pour déclarer la requête irrecevable, sur les dispositions des articles R. 412-2 et R. 412-3 du code de justice administrative qui concernent les transmissions des requêtes et des pièces qui y sont jointes par voie électronique et qui n'étaient pas applicables en l'espèce. En outre, les dispositions précitées de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ont seulement pour effet, lorsque l'inventaire détaillé se révèle insuffisant, et après mise en demeure au requérant de régulariser restée infructueuse, d'écarter du débat les pièces transmises et non pas de rendre la demande irrecevable.

4. D'autre part, et au surplus, aux termes de l'article R. 414-6 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : " les personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, autres que celles chargées de la gestion permanente d'un service public, peuvent adresser leur requête à la juridiction par voie électronique au moyen d'un téléservice accessible par le réseau internet. (...) ". Aux termes de l'article R. 414-9 du même code : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1, R. 412-2 et R. 611-1-1, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête, de leurs mémoires complémentaires et des pièces qui y sont jointes, ainsi qu'un inventaire détaillé de ces pièces. / Chacune des pièces transmises par le requérant doit l'être par un fichier distinct à peine d'irrecevabilité de la requête. Toutes les pièces doivent porter un intitulé décrivant leur contenu de manière suffisamment explicite sous peine, après invitation à régulariser non suivie d'effet, d'être écartées des débats. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une demande est présentée par voie électronique par une personne physique qui n'est pas chargée de la gestion permanente d'un service public, le requérant est dispensé de produire un inventaire détaillé des pièces produites. Il doit seulement, dans l'intitulé de chaque pièce transmise par fichier distinct, décrire de manière suffisamment explicite le contenu de cette pièce. Le respect de ces dispositions s'apprécie pour chaque mémoire présenté. Il ressort des pièces du dossier de première instance que si les mémoires complémentaires, y compris le mémoire récapitulatif, ont été présentés par voie électronique, les éventuelles irrégularités touchant l'inventaire détaillé ne saurait remettre en cause la recevabilité de la demande. En outre, pour rejeter le surplus de la requête de M. B..., le tribunal administratif ne pouvait se fonder sur les dispositions des articles R. 414-1 et R. 414-3 du code de justice administrative qui sont inclus à la section 1 qui concerne les " Dispositions applicables aux personnes publiques, aux avocats et aux organismes de droit privé chargés de la gestion permanente d'un service public ".

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Caen, en tant qu'il a rejeté comme irrecevable le surplus de sa demande pour méconnaissance des dispositions des articles R. 414-1 et R. 414-3 du code de justice administrative, est irrégulier et à en obtenir, dans cette mesure, son annulation. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer M. B... devant le tribunal administratif de Caen pour qu'il soit à nouveau statué sur sa demande dans cette mesure.

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SA Enedis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SA Enedis une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Caen du 15 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Caen.

Article 3 : La SA Enedis versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SA Enedis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la SA Enedis.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne à la ministre de la transition énergétique, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03618
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET AetE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-17;21nt03618 ?
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