La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2022 | FRANCE | N°21NT02530

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 08 avril 2022, 21NT02530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 23 mars 2021 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé l'Afghanistan comme pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a fait obligation de remettre ses documents d'identité et de se présenter deux fois par semaine au commissariat de poli

ce de Vannes.

Par un jugement n° 2102030 du 19 mai 2021, le président du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 23 mars 2021 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé l'Afghanistan comme pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui a fait obligation de remettre ses documents d'identité et de se présenter deux fois par semaine au commissariat de police de Vannes.

Par un jugement n° 2102030 du 19 mai 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 septembre 2021, M. D... A..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 19 mai 2021 ;

2°) d'annuler en toutes ses décisions l'arrêté du préfet du Morbihan du 23 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à cette autorité administrative de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer, sous les mêmes conditions d'astreinte, sa situation administrative dans un délai de quinze jours en lui délivrant, dans le cadre de cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ; en particulier, elle n'est pas tardive ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une insuffisante motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'étant originaire de la province de Jawzjan, il craint pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ;

S'agissant de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il ne peut être vérifié si l'autorité préfectorale s'est interrogée sur la possibilité d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2022, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

30 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, né le 12 avril 1981, a déclaré être entré sur le territoire français le 28 avril 2018. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, déposée le 25 juin 2018, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 4 septembre 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 15 mars 2021. Par un arrêté du 23 mars 2021, le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Afghanistan comme le pays de destination vers lequel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 19 mai 2021, dont M. A... relève appel, le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / (...) II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) "

En ce qui concerne les moyens communs pour contester les décisions en litige :

3. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet du Morbihan a visé les dispositions applicables à la situation de M. A.... Il a notamment fondé ses décisions sur les dispositions du 6° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier les articles 3 et 8. L'arrêté expose les circonstances de fait propres à la situation de M. A..., notamment ses conditions d'entrée en France et sa situation familiale. Il mentionne, par ailleurs, que M. A..., alors qu'il avait sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, a vu sa demande rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA et qu'il n'a apporté aucune preuve effective d'un éventuel danger pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Il suit de là que l'arrêté contesté mentionne de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Morbihan s'est fondé afin d'obliger M. A... à quitter le territoire français et pour fixer le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet du Morbihan n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas pour objet de renvoyer M. A... dans son pays d'origine, ce dernier ne saurait utilement soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article

L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ce moyen qui est inopérant, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours, qui constitue le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur dans des circonstances particulières. Ces dispositions ne prévoient pas, en outre, qu'elle doit être spécifiquement motivée. Ces dispositions n'imposent pas au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours et que l'étranger n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur. Il suit de là que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour octroyer à l'intéressé un délai de départ volontaire de trente jours. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur de droit.

8. En troisième lieu, si le requérant entend soutenir que sa situation justifiait qu'un délai supérieur à un mois lui soit accordé, il n'apporte toutefois aucun élément pour caractériser une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire, le requérant n'est pas fondé à en demander l'annulation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. M. A... allègue que la province dont il est originaire étant contrôlée par les talibans, il craint en cas de retour en Afghanistan, et pour les mêmes motifs que ceux invoqués dans sa demande d'asile, d'être soumis à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Toutefois, alors que le requérant n'apporte devant la cour aucune précision complémentaire, sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA par une décision du 4 septembre 2019, confirmée par la CNDA le 15 mars 2021. Il ressort de la décision de l'OFPRA que si la nationalité et l'origine ethnique de M. A... sont établies, l'intéressé n'a pu apporter, en revanche, de précisions suffisantes s'agissant du conflit allégué avec des talibans. En particulier, il n'a pu évoquer clairement le contexte local et ses rapports avec les personnes qui l'auraient menacé, ni l'enchainement des évènements. Il n'a également pas été en mesure d'expliquer pourquoi les talibans seraient venus lui demander d'acheter des motos et lui auraient accordé un délai de plusieurs mois dans le cadre de cette tractation, alors qu'il n'est propriétaire d'aucun bien. Selon cette même décision, si M. A... déclare provenir de la province Jawzjan, ses déclarations sommaires et évasives au sujet de cette région, de la situation sécuritaire y prévalant et de ses activités dans cette région n'ont pas permis de l'établir. Ainsi, l'intéressé n'a pu donner d'explications suffisamment claires et convaincantes concernant la situation sécuritaire ainsi que ses conditions de vie dans un territoire partiellement contrôlé par les talibans, ni sur la raison pour laquelle il aurait déménagé, avec sa famille, B... à Jawzjan. Enfin, son parcours de vie a donné lieu à des propos confus, ne permettant pas d'établir clairement son lieu de séjour comme ses centres d'intérêts les années antérieures à son départ d'Afghanistan. Dans ces conditions, en se bornant à s'en remettre à sa demande d'asile, sans apporter devant la cour aucune justification à ses déclarations, M. A... n'établit pas qu'il était, à la date de la decision attaquée, susceptible d'être exposé à des traitements attentatoires aux droits garantis par ces stipulations ou à des discriminations en cas de retour dans son pays. Il suit de là que l'arrêté contesté en fixant l'Afghanistan comme pays de destination n'a pas porté une atteinte manifestement illégale aux droits que l'intéressé tient des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour son information au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

.

Lu en audience publique, le 8 avril 2022.

Le rapporteur,

M. C...

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

2

N° 21NT02530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02530
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-08;21nt02530 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award