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03/12/2021 | FRANCE | N°21NT00037

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 décembre 2021, 21NT00037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2020 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de retourner en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2004753 du 7 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet du Finistère d

u 27 octobre 2020 en tant qu'il fait interdiction à M. A... de retourner en France pour une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2020 par lequel le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de retourner en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2004753 du 7 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du préfet du Finistère du 27 octobre 2020 en tant qu'il fait interdiction à M. A... de retourner en France pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet de prendre toute mesure propre pour mettre fin au signalement de l'intéressé dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour annulée et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2021, M. B... A..., représenté par Me Maony, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2020 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 27 octobre 2020 en tant qu'il l'oblige à quitter sans délai le territoire français ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Finistère de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

­ sa requête n'est pas tardive ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

­ ces décisions sont insuffisamment motivées et ne procèdent pas d'un examen particulier de sa situation ;

­ elles sont entachées d'un vice de procédure dès lors que son droit d'être entendu a été méconnu ;

­ elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, du fait de la relation qu'il entretient avec Mme C..., avec qui il vit en concubinage depuis un an et qui attend un enfant de lui, qu'il s'occupe quotidiennement du premier enfant de sa concubine, née le 28 mai 2020 et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

­ elles méconnaissent les stipulations du premier paragraphe de l'article de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

­ elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

­ cette décision est insuffisamment motivée ;

­ elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que son droit d'être entendu a été méconnu ;

­ elle méconnaît les dispositions du II. de l'article L. 511-1I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé en s'en remettant, notamment, à ses écritures de première instance.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

­ la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., qui se déclare de nationalité marocaine et être né le 26 mai 1996, relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contenues dans l'arrêté contesté du préfet du Finistère 27 octobre 2020 portant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.

Sur les moyens communs aux différentes décisions contestées :

2. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisante motivation de ces décisions et de la violation du droit d'être entendu par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 4, 5 et 10 de son jugement.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

3. En premier lieu, il résulte des énonciations de l'arrêté contesté que, pour prendre ces décisions, le préfet du Finistère a tenu compte de la situation du requérant depuis qu'il est en France au regard non seulement des différents délits que l'intéressé a pu commettre mais aussi de sa situation administrative et familiale. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées seraient entachées d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ".

5. Par ailleurs aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

6. M. A... soutient que les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant en faisant valoir vivre en concubinage depuis septembre 2019 avec une ressortissante française qui, à la date de la décision contestée, attendait un enfant de lui et s'occuper quotidiennement du premier enfant de sa concubine, née le 28 mai 2020 alors qu'il ne présente aucune menace pour l'ordre public.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des déclarations de M. A... contenues dans le procès-verbal de police du 27 octobre 2020 et des énonciations de l'arrêté en litige qui ne sont pas sérieusement contestées sur ce point, que l'intéressé, qui est entré en France en décembre 2016, a été incarcéré du 27 novembre 2017 au 17 mars 2018 pour tentative de vol et conduite sans permis puis d'octobre 2018 à juillet 2019 pour des faits d'usage illicite de stupéfiant et violence commise en réunion sans incapacité en octobre 2018. Le préfet du Finistère produit par ailleurs des fiches émanant du traitement des antécédents judiciaires (TAJ) selon lesquelles M. A... est défavorablement connu de ces services pour des faits de détention de stupéfiant et vol à la roulotte commis en janvier 2017, de vol et recel de vol commis en septembre 2017, de violences volontaires avec arme et détention non autorisée de stupéfiant commis en juin 2018, de vol précédé de dégradation dans un local d'habitation commis en septembre 2018, de recel de véhicule volé, vol en réunion avec dégradation et conduite sans permis commis en août 2018 et pour avoir été interpellé pour des vols dans un local commercial le 14 septembre 2019. Si l'intéressé allègue que l'administration n'établit pas que ces faits ont donné lieu à une condamnation pénale, il n'en conteste cependant pas la réalité.

8. Par ailleurs, il est constant que M. A... a fait l'objet, depuis qu'il est en France de deux décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, la première prononcée le 20 avril 2018, par le préfet du Rhône, la seconde prise le 14 septembre 2019 par le préfet de la Loire-Atlantique. L'intéressé n'a pas déféré à ces mesures et s'est ainsi maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Alors qu'il résulte du

procès-verbal de police précité du 27 octobre 2020 que M. A... est sans profession, qu'il ne dispose d'aucune ressource, qu'il est hébergé à titre gracieux et qu'il s'est déclaré célibataire et sans enfant à charge, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et la nature des liens qui l'unissent à la fille de sa concubine, laquelle n'était au demeurant âgée que de cinq mois à la date de l'arrêté en litige. Enfin, l'intéressé a vécu la majeure partie de sa vie au Maroc où il dispose d'attaches, notamment familiales, dès lors que ses parents, ses trois sœurs et deux frères y résident.

9. Dans ces conditions, compte tenu de ce que M. A... n'est présent en France que depuis 2016, de la gravité et du caractère répété des faits qu'il a commis et qui caractérisent une persistance de son comportement délinquant, de l'entrée et de son séjour irréguliers malgré les mesures d'éloignement dont il a fait l'objet et auxquelles il n'a pas déféré, du caractère récent de la situation de concubinage et des attaches familiales qu'il a gardé dans son pays d'origine, le préfet du Finistère a pu légalement estimer, en dépit du fait que sa compagne attend un enfant de lui, que la présence en France de l'intéressé représentait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française et décider, pour ce motif, de l'obliger à quitter le territoire français, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision refusant le délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, le moyen, tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté, eu égard à ce qui été développé au point précédent.

11. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour (...) ".

12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, le caractère répété des faits commis par

M. A... depuis qu'il est arrivé en France caractérise la persistance de son comportement délinquant. L'intéressé n'a pas, par ailleurs déféré, aux différentes mesures d'éloignement qui lui avaient été notifiées. Par ailleurs, M. A... ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire français et n'est en possession d'aucun titre de voyage en cours de validité, ayant déclaré avoir perdu son passeport. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sans avoir commis d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a pu refuser d'accorder au requérant un délai de départ volontaire.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Finistère du 27 octobre 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, qu'il fixe le pays de destination et qu'il lui refuse un délai de départ volontaire. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour son information au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2021.

Le rapporteur

M. LHIRONDEL

Le président

D. SALVI

Le greffier

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT00037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00037
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MAONY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-03;21nt00037 ?
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