Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes :
1°) d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier intercommunal (CHI) de Cornouailles du 6 mars 2015 prononçant son licenciement ;
2°) de condamner le CHI de Cornouailles à lui verser la somme de 126 182,68 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la notification de sa demande préalable du
20 mars 2017 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en conséquence de la faute résultant de la rupture de son contrat de travail avant la fin de la période d'essai ;
3°) subsidiairement, d'autoriser le CHI de Cornouaille à déduire de cette condamnation la somme nette de 22 091 euros correspondant aux revenus de remplacement perçus pendant la période d'indemnisation ;
4°) de condamner le CHI de Cornouaille au paiement d'une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi ;
5°) de condamner le CHI de Cornouaille, au paiement d'une somme de 10 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis.
Par un jugement n° 1702920 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2020, M. A... B..., représenté par Me Tridi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 janvier 2020 ;
2°) de condamner le CHI de Cornouailles à lui verser la somme globale de 146 182,68 euros avec intérêts au taux légal à compter de la notification de sa demande préalable du 20 mars 2017, subsidiairement après déduction de la somme de 22 091 euros correspondant aux revenus de remplacement perçus pendant la période d'indemnisation ;
3°) de mettre à la charge du CHI de Cornouaille la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a déclaré irrecevable ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du directeur du CHI de Cornouailles du 6 mars 2015 mettant fin à ses fonctions dès lors que dans sa requête introductive d'instance il faisait valoir que la rupture prononcée unilatéralement par ce dernier était illicite ;
- la décision mettant fin à ses fonctions a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 9 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 modifié, dès lors que il n'a jamais reçu notification de la décision du 6 mars 2015, qu'elle n'est pas motivée, que la formalité obligatoire de l'entretien préalable n'a pas été respectée de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses explications et ses observations ;
- l'avis du président de la commission médicale n'a pas été recueilli en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de son contrat de recrutement ;
- la décision mettant fin à ses fonctions est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; l'attestation de Mme D... ne peut être prise en compte dès lors qu'il s'agit d'un faux ; il n'a pas commis de faute le 4 mars 2015 ; la décision de licenciement trouve ses motifs dans des considérations personnelles et non professionnelles ;
- il a droit à percevoir la rémunération correspondant à la durée de son contrat, soit la somme de 126 182,68 euros ;
- il a subi un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à la somme de 10 000 euros et des troubles dans ses conditions d'existence qu'il y a lieu d'indemniser à la même hauteur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- la loi n°86-33du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L'hirondel,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Cornouailles a recruté, le 25 février 2015, M. A... B... en qualité de médecin anesthésiste pour une durée de dix-huit mois entre le 2 mars 2015 et le 2 septembre 2016. Le surlendemain de sa prise de fonction, soit le 4 mars 2015, le directeur de l'établissement a reçu un rapport circonstancié de la part du Dr C..., chef de service d'anesthésie, qui l'alertait sur le comportement du Dr B... lors des prises en charge de l'activité anesthésique des endoscopies. Le 5 mars suivant, il a été mis fin aux fonctions de l'intéressé. Le 20 mars 2017, ce dernier a formé une demande indemnitaire préalable tendant au versement de la somme de 126 182,68 euros correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre le 2 mars 2015 et le 2 septembre 2016. Par un courrier du 4 mai 2017, le directeur du CHI de Cornouaille a refusé de faire droit à cette demande. En l'état de ses dernières écritures, M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du 6 mars 2015 prononçant son licenciement et qu'il soit enjoint au CHI de Cornouaille de lui verser la somme totale de 146 182,68 euros en réparation de l'ensemble des préjudices qu'il estimait avoir subis. Par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La demande formée par M. B..., et enregistrée au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2017, tendait exclusivement à la condamnation du CHI de Cornouaille à lui verser la somme de 126 182,68 euros représentant le solde des rémunérations qu'il aurait dû percevoir pendant toute la durée de son contrat à la suite de la décision à effet immédiat du directeur de l'établissement hospitalier du 6 mars 2015 rompant unilatéralement le contrat conclu le 25 février 2015. Cette demande constituait par conséquent un recours de plein contentieux. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2015 que M. B... n'a présentées que dans un mémoire en réplique enregistré au greffe le 24 janvier 2019, soit après l'expiration du délai de recours contentieux qui courait, en l'espèce, au plus tard à compter de la date de la saisine du tribunal, relèvent de l'excès de pouvoir et soulèvent de ce fait un litige distinct. Au surplus, ces conclusions à fin d'annulation enregistrées plus d'un an à compter de la décision contestée ont été présentées au-delà d'un délai raisonnable. Ces conclusions nouvelles étaient en conséquence irrecevables. Par suite, en déclarant irrecevable ces dernières conclusions, le jugement attaqué n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. En premier lieu, si M. B... soutient que la décision du directeur du CHI de Cornouaille du 6 mars 2015 mettant fin à ses fonctions ne lui aurait pas été notifiée, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de cette décision.
4. En deuxième lieu, il résulte du contrat conclu le 25 février 2015 entre le directeur du CHI de Cornouaille et M. B... que ce dernier a été recruté sur le fondement du 3° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique aux termes duquel, dans sa rédaction alors applicable : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, outre les agents relevant de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et les personnels enseignants et hospitaliers mentionnés à l'article L. 952-21 du code de l'éducation : / (...) 3° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvus (...) ".
5. Le statut des praticiens recrutés en application de ces dispositions est précisé aux articles R. 6152-701 à R. 6152-718 de ce code. Notamment, l'article R. 6152-704 prévoit que " le contrat de recrutement est un contrat administratif. ".
6. Il suit de là que l'intéressé, dont la situation est entièrement régie par les dispositions statutaires issues des articles R. 6152-701 à R. 6152-718 du code de la santé publique, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 9 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Par suite, les moyens tirés de ce qu'en application de ces dispositions, la décision de licenciement serait insuffisamment motivée et entachée d'un vice de procédure pour ne pas avoir bénéficié d'un entretien préalable sont inopérants. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que la décision de licenciement litigeuse serait entachée de tels vices.
7. En troisième lieu, l'article 5 du contrat d'embauche du 25 février 2015 prévoit, en son deuxième alinéa, que " ce contrat est assorti d'une période d'essai d'un mois, renouvelable une fois ". M. B... ayant pris ses fonctions le 2 mars 2015, il était, à la date de la décision contestée du 6 mars 2015 en période d'essai. Dans ces conditions, ce dernier ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 6 du contrat en l'absence de consultation de la commission médicale d'établissement. Pour le même motif, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé n'aurait pas bénéficié d'un entretien préalable est sans incidence. Au demeurant, alors que M. B... indiquait dans sa réclamation préalable du
20 mars 2017 ne pas avoir repris ses fonctions à compter du 5 mars 2015 au motif que le directeur du CHI de Cornouaille lui avait refusé l'accès à son poste, l'intéressé n'apporte aucune précision sur les circonstances qui auraient été à l'origine de son exclusion à compter de cette date et les conditions dans lesquelles cette exclusion lui a été notifiée.
8. En quatrième lieu, pour mettre fin au contrat d'embauche, le directeur du CHI de Cornouailles s'est fondé sur les faits relatés dans le rapport du Dr C... dont il résulte que lors d'une intervention effectuée le 4 mars 2015, l'infirmier anesthésiste (IADE) s'est plaint du comportement du Dr B..., obligeant le Dr C... à remplacer ce dernier. Selon ce rapport, le Dr B... aurait prescrit un soluté inadapté à la situation et des drogues en quantité insuffisantes et aurait, ensuite, tenu à plusieurs reprises des propos peu professionnels à l'égard de l'équipe paramédicale révélant son incapacité à travailler en équipe. Si le rapport d'expertise sur lequel s'est fondé la formation restreinte du conseil national de l'ordre des médecins du 14 juin 2016 ne retient à l'encontre de M. B... aucune faute professionnelle ayant entraîné des conséquences pour le patient, il note toutefois, alors même que les protocoles utilisés par l'intéressé n'étaient pas aberrants, qu'ils pouvaient cependant être différents des protocoles en usage dans les divers endroits où il avait travaillé. Ce même rapport relève également que l'intéressé a fait l'objet de plaintes de ses collègues essentiellement dû à son comportement : " ses comportements difficiles peuvent s'expliquer par son instabilité professionnelle durant toute sa carrière ainsi que l'âge et la lassitude professionnelle. ". Le rapport d'expertise indique que ces facteurs sont malheureusement reproductibles et qu'il a été ainsi conseillé à l'intéressé de prendre sa retraite, ce dont a convenu M. B.... Les experts conseillaient également à l'intéressé de bénéficier d'un soutien psychologique. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce rapport d'expertise n'entre pas en contradiction avec les faits relatés par le Dr C.... Il suit de là, alors que l'intéressé n'était qu'au tout début de sa période d'essai lorsque les faits litigieux se sont produits, que le comportement de M. B... à l'égard de l'équipe médicale avec qui il était censé collaborer était de nature à entraîner des situations conflictuelles préjudiciables à la bonne marche du service, notamment à la sécurité des malades. Par suite, c'est sans avoir fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce que le directeur du centre hospitalier a pu mettre fin au contrat d'embauche par sa décision du 6 mars 2015.
9. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité fautive de la décision du 6 mars 2015, la responsabilité du CHI de Cornouaille n'est pas engagée, de sorte que
M. B... ne saurait demander la condamnation de cet établissement public. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CHI de Cornouaille, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier intercommunal de Cornouailles.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.
Le rapporteur
M. L'hirondel
Le président
D. Salvi
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT1113