La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2021 | FRANCE | N°20NT04036

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 01 octobre 2021, 20NT04036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 juin 2020 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002976 du 12 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020, Mme A... C... épouse B..., représe

ntée par Me Gignoli Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2020 ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 juin 2020 par lequel le préfet du Morbihan a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002976 du 12 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2020, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Gignoli Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 19 juin 2020 en toutes ses décisions ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Morbihan de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire et dans les mêmes conditions d'astreinte, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours en lui délivrant, dans l'attente de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la compétence du signataire de cette décision n'est pas établie ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que les fiches Medcoi sur la Russie n'ont été produites qu'à l'occasion du recours exercé devant le tribunal administratif, postérieurement à l'édiction de la décision contestée ;

- l'arrêté préfectoral ne mentionne pas le rapport médical prévu par les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni la date à laquelle il aurait été établi puis transmis ; le préfet n'a pas apporté les éléments permettant d'identifier l'auteur du rapport médical afin de pouvoir vérifier qu'il n'a pas siégé dans le collège ; il n'est pas établi que l'avis médical ait été régulièrement rendu en collégialité ;

- elle est également entachée d'une autre vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'effectivité des soins indispensables qui pourraient lui être prodigués en cas de retour ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mai 2021 et le 12 juillet 2021, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête de Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... épouse B..., de nationalité russe, née le 28 décembre 1981, est entrée en France, selon ses déclarations, le 6 juin 2016 accompagnée de son époux et de leurs trois enfants et y a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile.

Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 6 avril 2017, confirmée le 30 janvier 2018 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le préfet du Morbihan a pris à son encontre le 2 mai 2019 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours. Mme B... a sollicité, le 20 décembre 2019, la délivrance d'un titre de séjour pour des raisons de santé. Par un arrêté du 19 juin 2020, le préfet du Morbihan lui a refusé le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 octobre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors en vigueur : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis (...). La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) / Le demandeur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'enregistrement de sa demande en préfecture pour transmettre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le certificat médical mentionné au premier alinéa. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le médecin instructeur à l'origine du rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. La circonstance qu'il siège au sein de ce collège est constitutive d'un vice affectant le déroulement de la procédure dans la mesure où le demandeur est privé d'une garantie. Alors que la requérante soutient qu'il existe un doute quant à la régularité de la composition de ce collège faute pour l'avis qu'il a rendu de mentionner le nom du médecin ayant établi le rapport médical la concernant, le préfet, qui n'a produit aucune observation en défense ni répondu à la mesure d'instruction qui lui a été adressée en ce sens, n'établit pas que le médecin rapporteur n'a pas siégé dans ledit collège. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que la décision contestée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

4. Il résulte du motif qui précède que la décision portant refus de titre de séjour est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière faute pour le préfet d'établir que le médecin rapporteur n'a pas siégé le collège de médecins de l'OFII. Par suite, Mme B... est fondée à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2020 du préfet du Morbihan.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Compte tenu de son motif d'annulation, le présent arrêt implique seulement que le préfet réexamine la demande de Mme B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et que l'intéressée soit munie, dans l'attente de la décision à intervenir, d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Gignoli Roilette dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 octobre 2020 et l'arrêté du préfet du Morbihan du 19 juin 2020 pris à l'encontre de Mme B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer la demande de Mme B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision à intervenir.

Article 3 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me Gignoli Roilette est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.

Le rapporteur

M. L'hirondelLa présidente

C Brisson

La greffière

A Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT04036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT04036
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-01;20nt04036 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award