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01/10/2021 | FRANCE | N°20NT03984

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 01 octobre 2021, 20NT03984


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une demande enregistrée sous le n°2004363, Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours et l'a astreinte à se présenter à la gendarmerie de la Guerche de Bretagne.

Par une demande enregistrée sous le n° 2004364, Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel la préfète d'Ille-et-

Vilaine l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours et l'a astreinte à se présent...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une demande enregistrée sous le n°2004363, Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours et l'a astreinte à se présenter à la gendarmerie de la Guerche de Bretagne.

Par une demande enregistrée sous le n° 2004364, Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2020 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours et l'a astreinte à se présenter à la gendarmerie de la Guerche de Bretagne.

Après avoir procédé à la jonction de ces deux affaires, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes, a rejeté, par un jugement n°s 2004363, 2004364 du 12 octobre 2020, leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2020, Mme A... E... et Mme B... E..., représentées par Me Deborah Roilette, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète d'Ille-et-Vilaine du 9 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à la préfète d'Ille-et-Vilaine de leur délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire et dans les mêmes conditions d'astreinte, de procéder à un nouvel examen de leur situation dans un délai de quinze jours en leur délivrant, dans l'attente de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que :

- la compétence du signataire des arrêtés contestés n'est pas établie ;

- ces arrêtés sont insuffisamment motivés et l'autorité administrative n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable comme tardive et, à titre subsidiaire, qu'aucun moyen n'est fondé.

Mme A... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par des arrêtés du 9 octobre 2020, la préfète d'Ille-et-Vilaine a assigné à résidence pour une durée de 45 jours Mme A... E... et sa sœur, Mme B... E..., et les a astreintes à se présenter à la gendarmerie de La Guerche-de-Bretagne une fois par jour hors les fins de semaines et jours fériés. Mmes A... et B... E... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 octobre 2020 qui a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".

3. En premier lieu, par un arrêté n°35-2020-06-23-001 du 23 juin 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, la préfète d'Ille-et-Vilaine a donné à M. C... D..., directeur des étrangers en France de la préfecture dudit département, délégation à effet de signer notamment " les décisions d'assignation à résidence ". Dans ces conditions, M. D... tenait de l'arrêté susmentionné du 23 juin 2020 compétence pour signer les arrêtés contestés du 9 octobre 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés doit être écarté.

4. En deuxième lieu, les arrêtés contestés comportent les éléments de fait et de droit sur lesquels la préfète d'Ille-et-Vilaine s'est fondée pour décider l'assignation à résidence des requérantes. Elle a, ainsi, rappelé les textes fondant ses décisions, en particulier les dispositions du 5° de l'article L. 561-2 du même code. Elle a indiqué les raisons pour lesquelles elle a estimé que les intéressées ne présentaient pas de garantie de représentation suffisante en l'occurrence, en l'absence d'une résidence stable, effective et permanente et pour ne pas être en possession d'un titre de séjour, ni avoir déposé une demande de titre de séjour. Par suite, alors que la préfète n'avait pas à mentionner de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait se rapportant à la situation des requérantes, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés et de l'absence d'examen de leurs situations doivent être écartés.

5. En troisième, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mesdames A... et B... E... ont chacune fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en date du 24 février 2020, notifié le lendemain pour la première, et du 5 février 2020, notifié le 11 février suivant pour la seconde. A la date des arrêtés contestés, elles n'avaient pas obtempéré aux mesures d'éloignement et se maintenaient irrégulièrement sur le territoire français. Si elles font valoir être scolarisées dans un lycée à Pontivy, ce en qualité d'externes ainsi qu'il ressort des certificats de scolarité qu'elles produisent, elles précisaient, toutefois, ainsi qu'il résulte des procès-verbaux d'audition, être, au moins le week-end, sans logement. Dans ces conditions, alors que l'assignation à résidence prévue par les dispositions de l'article

L. 561-2 citées au point 2 constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code lorsque l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que son éloignement demeure une perspective raisonnable, les circonstances dont Mesdames E... font état, tirées de qu'elles vivent en France depuis plusieurs années où elles ont, sans autre précision, noué des attaches et que le lieu d'assignation à résidence est situé à plus de 165 kilomètres de l'établissement scolaire qu'elles fréquentent à Pontivy, ville dans laquelle elles ne justifient pas d'une résidence stable et effective, ne permettent pas de considérer que l'assignation à résidence dont elles ont fait l'objet après l'expiration du délai de départ volontaire qui leur était accordé serait dépourvue en l'espèce de justification. Dans les circonstances de l'espèce, les arrêtés contestés ne sauraient être regardés comme étant entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Pour les mêmes motifs, ces arrêtés n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Ille-et-Vilaine, que Mesdames A... et B... E... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérantes ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et

L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... E... et de Mme B... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- M Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.

Le rapporteur

M. L'hirondel

La présidente

C Brisson

La greffière

A D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03984
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-01;20nt03984 ?
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