Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... et Mme B... C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 11 mars 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé les décisions de l'autorité consulaire française à H... (République du Congo) leur refusant des visas de long séjour demandés respectivement en qualité de conjointe de Français et pour établissement familial.
Par un jugement n° 2008422 du 8 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 mai 2021 sous le n°21NT01272, le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2021.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a relevé à tort un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi ; le refus de visa opposé à Mme D... pouvait légalement être fondé sur l'absence de transcription de son acte de mariage, formalité obligatoire en application de l'article 171-5 du code civil ; à défaut d'une telle transcription, ce mariage n'est pas opposable aux tiers ;
- le visa de long séjour accordé à un étranger conjoint de ressortissant français confère à son titulaire, qui est dispensé de souscrire une demande de carte de séjour pendant un an, les droits attachés à une carte de séjour ; ce visa présente ainsi les mêmes caractéristiques qu'une carte de séjour temporaire délivrée à un conjoint de Français, laquelle ne peut être accordée, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'après transcription de ce dernier sur les registres d'état civil français ; la délivrance du visa de long séjour valant titre de séjour est donc nécessairement subordonnée à la même condition de transcription préalable à l'état civil français du mariage célébré à l'étranger par une autorité étrangère ; c'est d'ailleurs à l'occasion de cette transcription que le procureur de la République peut s'opposer à la transcription s'il apparait que ce mariage est contraire à l'ordre public français ;
- Mme C... F... étant majeure à la date de la décision attaquée, le jugement de délégation d'autorité parentale ne produisait plus aucun effet ;
- aucune pièce du dossier ne confirme les liens familiaux entre Mme C... F... et M. A... D... ; le refus de visa ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... F... par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise ;
- le jugement de délégation d'autorité parentale est dépourvu de valeur probante : les dates de requête, de prononcé du jugement et de formule exécutoire sont incohérentes ; la circonstance que M. D... ait saisi le tribunal pour enfants I... H... pour se voir déléguer l'autorité parentale et sollicité, par le même jugement, le transfert de l'autorité parentale à Mme E... G... n'est pas crédible ; aucune audience n'a été tenue.
Vu :
- le recours n° 21NT01271, enregistré le 6 mai 2021, par lequel ministre de l'intérieur a demandé l'annulation du jugement n°°2008422 du 8 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes.
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ".
2. Mme E... G..., ressortissante congolaise née le 29 juin 1982, a épousé, le 16 juillet 2019, à H... (République du Congo), M. A... D..., ressortissant français né le 4 février 1970. Elle a sollicité, le 6 novembre 2019, la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjointe étrangère d'un ressortissant français auprès des autorités consulaires françaises. Par ailleurs, Mme B... C... F..., ressortissante congolaise née le 13 décembre 2001, qui se présente comme la nièce de M. A... D..., a également sollicité le même jour un visa de long séjour, faisant valoir ses liens familiaux avec M. A... D... et Mme E... D.... Ces demandes ont été rejetées le 21 novembre 2019 par l'autorité consulaire. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté le recours formé contre ce refus, par une décision du 11 mars 2020. Par un jugement n °2008422 du 8 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 mars 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer des visas de long séjour à Mmes D... et C... F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
En ce qui concerne Mme D... :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. Dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ce visa confère à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21. Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, sur la base d'éléments précis et concordants, que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.
4. D'autre part, aux termes de l'article 171-1 du code civil : " Le mariage contracté en pays étranger (...) entre un Français et un étranger, est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n'aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre (...) ". Aux termes de l'article 171-5 du même code : " Pour être opposable aux tiers en France, l'acte de mariage d'un Français célébré par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l'état civil français. En l'absence de transcription, le mariage d'un Français, valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l'égard des époux et des enfants (...). La demande de transcription est faite auprès de l'autorité consulaire ou diplomatique compétente au regard du lieu de célébration du mariage ". Il résulte de ces dernières dispositions que la transcription, qui n'est soumise à aucune exigence de délai, rend la qualité de conjoint opposable aux tiers depuis la date du mariage.
5. Pour rejeter le recours présenté contre la décision consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjointe de Français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que les documents produits à l'appui de la demande de visa et du recours ne permettent pas d'établir que la demanderesse possède la qualité de conjointe d'un ressortissant français, en l'absence de transcription à l'état-civil français.
6. Le moyen tiré de ce que le refus de visa est légalement fondé sur l'absence de transcription du mariage célébré à l'étranger est, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
En ce qui concerne Mme C... F... :
7. Les moyens tirés de ce que les liens familiaux entre Mme C... F... et M. A... D... et Mme E... D... ne sont pas démontrés par les pièces du dossier, que Mme C... F... n'a que très peu vécu avec Mme D... et ne justifie pas de liens d'une intensité particulière avec les personnes précitées et qu'il n'y a pas méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
8. En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête du ministre de l'intérieur tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes n° 2008422 du 8 mars 2021.
DECIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le fond de l'instance n° 21NT01271, il sera sursis à l'exécution du jugement n° 2008422 du 8 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur, à Mme E... D... et à Mme B... C... F....
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 16 juillet 2021.
La présidente-rapporteure,
H. DOUET
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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